THE ROLLING STONES (Rock, Blues Rock, Pop/Rock... )

 

Contrairement à ce que beaucoup pensent, ce n’est pas avec le duo Mick Jagger et Keith Richards que l’histoire des Rolling Stones commence, mais avec le troisième larron, Brian Jones. Se révélant très jeune doué pour la musique, Jones commence par s’intéresser au Jazz avant de se laisser séduire par le Blues. Comme tout les jeunes anglais de sa génération, il joue dans des groupes Skiffle (sorte de Folk anglaise avec de vagues influences Rock, très populaire dans les années 50) avant d’émigrer à Londres. Là, il attire l’attention d’Alexis Korner, pionnier du Blues anglais qui a autour de lui une véritable cour de jeunes loups désireux de devenir musiciens. Outre Jones, on y retrouve Jack Bruce, Ginger Baker ou encore Charlie Watts. L’un des intérêts de fréquenter Korner, est que celui-ci côtoie les Bluesmen américains de passage en Angleterre. Découvrant Muddy Waters, Jones, jusque là saxophoniste, décide de se mettre à la guitare et devient même l’un des premiers guitaristes anglais à en jouer avec un bottleneck.

Jones commence à jouer avec le groupe de Korner. De temps à autre, un jeune chanteur vient les rejoindre. Il s’appelle Mick Jagger. Mais Jones en assez d’attendre le bon vouloir de Korner pour monter sur scène. Ce qu’il veut, c’est son propre groupe. Passant une annonce, le premier à le rejoindre est Ian Stewart, un pianiste au look de déménageur, bientôt suivit par le guitariste Geoff Bradford. D’autres musiciens passent mais ne restent pas. Demandant de l’aide à Korner, celui-ci lui suggère Mick Jagger. Avec réticence, Jones invite Jagger à faire un essai avec Stewart et lui. Il viendra accompagné de deux amis, le bassiste Dick Taylor et le guitariste Keith Richards. A l’époque, Jagger, Richards et Taylor ne se quittent pas et jouent dans un groupe qui ne dépassera jamais vraiment le stade des répétitions. L’histoire de Jagger et Richards, anciens camarades de classe,  renouant à l’adolescence dans une gare grâce à un disque de Blues est l’un des contes les plus célèbres de l’histoire du Rock. L’audition se passe bien et, rejoins par Mick Avory à la batterie, le groupe (baptisé par Jones The Rolling Stones, d’après une chanson de Muddy Waters) est prêt à tester ses premiers concerts.  Cette formation à sept ne tient pas longtemps. Trop puriste du Blues pour supporter les influences Rock ’n’ Roll de Jagger et Richards, Geoff Bradford claque la porte.

Rapidement, Jones, Jagger et Richards habitent ensemble dans un petit appartement à Edith Grove avec en plus Pat, la petit-amie de Jones et le fils qu’elle a eut de lui (déjà le troisième enfant du guitariste qui n’a que 20 ans !).  Une intimité se crée entre eux, particulièrement entre Jones et Richards qui développent leur jeu de guitare, tandis qu’entre Jagger et Jones, elle se lie d’une certaine rivalité.  Mick Avory laisse bientôt la place derrière la batterie à Tony Chapman tandis que Dick Taylor cède sa place à Bill Wyman, plus âgé qu’eux mais disposant d’un bon matériel. Début 1963, les Rolling Stones accèdent enfin à la stabilité lorsque Jones arrive enfin à débaucher celui qu’il courtisait depuis des semaines voire des mois: Charlie Watts.

Une autre personne qui Jones courtise depuis quelque temps, c’est Giorgio Gomelsky, propriétaire d’un club de musique en vue. L’arrivée de Watts a fait monter le niveau du groupe d’un cran et Gomelsky accepte de devenir leur manager. La présence des Rolling Stones au club de Gomelsky va attirer l’attention des toutes nouvelles vedettes du Rock, les Beatles.  Ceux-ci vont véritablement adouber les nouveaux venus, retrouvant sans doute en eux l’esprit qu’ils avaient lors de leurs virées furieuses à Hambourg. Désormais, une amitié liera les deux groupes. Durant tout le reste des années 60, la trajectoire des Beatles influencera celle des Stones. L’intérêt des Beatles pour les Rolling Stones va véritablement les propulser vers la gloire.  Tout d’abord, c’est un assistant de Brian Epstein, Andrew Loog Oldham qui va prendre en mains les affaires du groupe. Ensuite, sur les conseils de George Harrison, Decca, qui avait refusé de signer les Beatles, signe les Rolling Stones.

Plus jeune mais plus avisé que Gomelsky, Andrew Loog Oldham est également plus ambitieux. Il sait que pour  imposer un groupe, ce qu’il faut avant tout, c’est vendre une image. Tout comme Brian Epstein avait fait des Beatles des garçons faussement comme il faut, Oldham en fera leur pendant négatif. Leur Blues très sexuel a déjà tendance à aller dans cette direction. Il ne manque plus qu’aux musiciens d’adopter l’attitude de mauvais garçons qui va avec, chose qu’ils développeront progressivement dans les années à venir. Mais par contre, avec son look de costaud et sa mâchoire en galoche, Ian Stewart ne convient pas à l’image voulue par leur nouveau manager. Et voilà le pianiste déchu de son rôle de membre du groupe à part entière, sans que les cinq autres n’y trouve grand chose à redire. Il continuera à les accompagner en coulisses ou comme roadie.

Le premier enregistrement, « Come On », une reprise de Chuck Berry, sera leur premier single et premier enregistrement en juin 1963. Elle ratera de peu le Top20, ce qui n’est pas mal pour un groupe débutant. Mais Oldham sent bien qu’il faut viser plus haut. Des groupes qui reprennent Chuck Berry, il y en a à la pelle. Ce sont les Beatles, encore eux, qui vont les sortir d’affaire. Lennon et McCartney proposent à leurs nouveaux copains une chanson qu’ils sont en train d’écrire pour Ringo Starr, « I Wanna Be Your Man ». Terminée dans l’heure, les Stones l’enregistrent peu après. Ce sera leur premier succès significatif (N°12). Une expérience qui convainc Oldham que pour s’imposer durablement, il va falloir que ses poulains écrivent également leur propre répertoire. Tentant d’abord de convaincre Jones, toujours leader et meilleur musicien du groupe, sans succès, il approche alors le duo Jagger/Richards. Les deux commencent à s’essayer à l’exercice, apprenant sur le tas tandis que le groupe en attendant enregistre avec de plus en plus de succès des reprises (« Not Fade Away », n°3, « It’s All Over Now » leur premier n°1 et « Little Red Roster », leur deuxième).

C’est début 1965 que la première chanson signée Jagger/Richards sort en single. « The Last Time » sera également n°1. Cette fois les Stones semblent bien devenus le deuxième groupe d’Angleterre. En concert, ils remportent la même hystérie que les Beatles. Mick Jagger commence à y trouver sa place en s’inspirant de Little Richard pour haranguer le public. Pendant ce temps, Keith Richards lance ses parties de guitare à la Chuck Berry, Brian Jones (dont le joli minois remporte le plus les suffrage des jeunes filles) à la guitare slide ou à l’harmonica, singe Muddy Waters.  Les concerts sont fréquemment interrompus par un public trop affectueux qui veut saisir ses idoles ou lors d’émeutes avec la police. Oldham jubile, cela va parfaitement avec son plan de faire des Stones un groupe sulfureux. Et tant pis si Richards bafouille et rougit lors des interviews ou que Jagger et Jones, les portes paroles, s’affirment dans des réponses intellectuelles là où les Beatles répondent par des blagues de potaches.  Les Beatles sont les bons et les Stones les méchants dit la légende entretenue par les médias et les équipes respectives d’Epstein et Oldham. Et le public n’a pas fini d’y croire.

Les choses s’envolent pour de bon en juin 1965 avec « (I Can’t Get No) Satisfaction », énorme succès mondial (et premier n°1 aux USA) qui permet aux Stones d’avoir enfin un hymne à leur répertoire.  Il fera même toujours de l’ombre à son successeur, « Get Off My Cloud », même si celui-ci sera également en tête des ventes des deux côtés de l’Atlantique. La British Invasion est en marche et les Stones prennent donc la succession des Beatles et des Animals en Amérique. Suivront tous les autres.

C’est à ce moment-là qu’Allen Klein entre en scène. Homme d’affaire américain arriviste aux méthodes violentes, il gère déjà les affaires de deux poids lourds du Pop/Rock britannique, les Animals et Herman’s Hermits. Les Rolling Stones sont sa nouvelle proie. Démontrant au groupe qu’ils ne gagnent pas autant d’argent qu’ils le pourraient, il éjecte Oldham de la même manière que celui-ci avait éjecté Gomelsky.                                                                                                                        

Si « 19th Nervous Breakdown » début 1966 brise la succession des n°1 en n’étant ‘que’ n°2, quelques mois plus tard « Paint It Black », porté par le sitar de Jones, les vois revenir au sommet avec un nouvel hymne. Jusqu’ici, les Stones ont surtout été un groupe à singles. En 1966, entre les deux singles précédemment cités, ils sortent Aftermath, leur premier album véritablement consistant musicalement puisqu’il contient des titres du calibre de « Under My Thumb », « Lady Jane » et « Mother’s Little Helper ». Ces titres, ainsi que le psychédélique « Paint It Black », montrent la volonté de diversifier les styles, exactement comme les Beatles l’ont fait un an plus tôt sur Rubber Soul. A ce jeu, l’apport de Brian Jones reste décisif. S’il a perdu son statut de leader du groupe au profit de Mick Jagger, si c’est Keith Richards qui est devenu la principale force musicale, Jones - en plus de rester l’image du groupe aux yeux des fans même si Jagger prend de plus en plus de place - est un musicien polyvalent. Ainsi le voici qu’il joue du sitar sur « Paint It Black », du marimba sur « Under My Thumb », du dulcimer sur « Lady Jane », faisant entrer la musique des Stones dans la scène Pop psychédélique 60’s. Fin de l’année, c’est au contraire un premier album live brut, Got Live If You Want It, qui démontre que les techniques d’enregistrements de concerts n’ont pas encore atteint le niveau suffisant pour rendre justice au célébrations Rock.

Alors que les Beatles révolutionnent la musique avec Sgt Pepper, les Stones ne savent plus trop quel chemin prendre. Pop psychédélique (« Ruby Tuesday ») comme eux ou rester à un Rock sexuel (« Let’s Spend The Night Together »). Les deux titres seront n°3 en Angleterre, mais « Ruby Tuesday » deviendra n°1 aux USA tandis que l’autre (sans doute pour des raisons de censure des radios) y fait un flop. Est-ce cela qui va pousser les Stones à créer à leur tour leur Sgt. Pepper comme Aftermath avait été leur Rubber Soul ? Il y a aussi les drogues qui commence à entrer dans la vie de Jones, Richards et Jagger. Surtout du premier d’ailleurs. La cocaïne tout d’abord (il faut bien tenir face à la fatigue qui se fait de plus en plus sentir) et le LSD ensuite. Malgré de bonnes ventes et quelques très bons morceaux (le Pop « She’s A Rainbow » et l’allumé « 2000 Light Years From Home » en tête), Their Satanic Majesties Request déçoit. Le public ne veut pas voir leur mauvais garçons faire de la Pop psychédélique. Le groupe prend bonne note. De toute façon les Beatles sont déjà passé à autre chose. Il n’iront cependant pas les rejoindre en Inde, même si Jagger ira écouter le Maharishi Yogi mais sans en être convaincu.

La méditation, c’est plutôt en prison qu’en Inde que Jagger et Richards vont l’expérimenter. Les deux leaders des Stones se retrouvent, ainsi que Marianne Faithfull qui a commencé une liaison avec le chanteur, arrêtés pour possession de stupéfiants. La morale britannique trouve là sa revanche et peut-être même le moyen d’en finir avec les Stones. Keith Richards se retrouve condamné à un an de prison contre trois mois pour Mick Jagger. Un comité de soutien, organisé notamment par Pete Townshend des Who, se mobilise pour exiger leur libération, sachant que les sentences ont surtout été exécutées pour l’exemple. Finalement, elles seront annulées à l’appel. Mais pour Keith Richards, les choses ne seront plus jamais comme avant. On a voulu qu’il endosse le rôle du méchant toxicomane ? Il se fera un plaisir de l’endosser.

Brian Jones a cependant pas mal d’avance en la matière. Lui qui avait fait des merveilles en composant la musique de base de « Ruby Tuesday » à la flûte et les arrangements au violoncelle (il ne sera bien sûr pas crédité, seul le sigle ‘Jagger/Richard’ prime) devient de moins en moins fiable. Si les tensions étaient déjà palpables depuis quasi le début pour des questions de leadership sur le groupe, la rupture avec Richards sera bien plus rapide et violente puisque celui-ci lui fauche sa petite amie, la vénéneuse Anita Pallenberg.

Rien d’étonnant à ce qu’après tout ça les Stones retournent au Rock. D’ailleurs, les Beatles faisaient de même à l’époque avec l’album blanc. Le premier bijou est « Jumpin’ Jack Flash » qui semble reprendre les choses là où « Satisfaction » les avait laissées. Mais qu’importe si c’est Bill Wyman qui a trouvé le riff lors de jam. Le titre sera toujours crédité au seul duo habituel. Peu après sort Beggars Banquet, premier véritable chef d’oeuvre des Stones en album. Un album essentiellement réalisé à quatre (ou cinq si on compte le désormais incontournable Nicky Hopkins aux claviers). Brian est très souvent absent, au point que le groupe ne sait pas toujours très bien quoi faire de lui lorsqu’il arrive, surtout qu’il n’est pas toujours en état de jouer. Son dernier moment de grâce sera la guitare slide sur « No Expectations », mais la plupart du temps, il joue les utilités. Un peu d’harmonica, de mellotron, de sitar, de percussions. Lui qui peu de temps auparavant encore relevait les morceaux de ses trouvailles ne sert plus qu’à combler les trous. Qu’importe, l’album est un succès et contient certains des titres les plus emblématiques des Stones comme « Street Fighting Man » et surtout le délirant « Sympathy For The Devil ».  La genèse de ce dernier morceau sera d’ailleurs filmé pour un film assez indigeste de Jean-Luc Godard.

Le cinéma qui semble titiller les Rolling Stones, en particulier Mick Jagger (qui s’essayera à une carrière d’acteur qui ne prendra jamais vraiment). Là aussi, il s’agit de faire comme les Beatles qui ont déjà trois films à leur actif. L’idée d’une histoire filmée est finalement abandonnée pour le Rock And Roll Circus. Un concert Rock sous chapiteau où se succéderont divers groupes de l’époque. Ainsi, des valeurs montantes comme Taj Mahal et Jethro Tull, les dangereux amis rivaux que sont les Who. N’osant pas inviter les Beatles par peur sans doute d’être éclipsé (d’autant que ceux-ci ne donnent plus de concerts, ce qui créerait encore plus l’événement), ils se contenteront de John Lennon accompagné d’Eric Clapton (Cream, initialement prévu s’étant depuis séparé), de Mitch Mitchell et de Keith Richards. Un super-groupe qui finalement fera plus sensation que la prestation bonne mais sans plus des Stones. Est-ce pour cela que le projet sera mis au frigo pendant plus de vingt ans ?

Alors que le groupe est en train de travailler sur la succession de Beggars Banquet, la question de l’avenir de Brian Jones au sein du groupe est de plus en plus présente. Fréquemment, Eric Clapton vient travailler avec les Stones, idem pour Ry Cooder même si leurs travail sera finalement effacé des bandes. C’est que Clapton, a la réputation trop affirmée, ne pourrait que faire de l’ombre à Richards, tandis que Ry Cooder n’est pas anglais. Conséquence, ce sera Keith qui jouera toutes les parties de guitare sur Let It Bleed, à l’exception de la guitare slide de  « Love In Vain » enregistré lors des sessions de Beggars Baquet par Brian Jones et de deux morceaux joués avec celui qui va le remplacer, Mick Taylor.  Le renvoi de Jones est en effet devenu une chose inévitable. Jagger, Richards et Watts se chargent de lui annoncer qu’il ne fait plus partie du groupe qu’il a fondé. Wyman, conscient que la chose devait être faite mais trop ami de Jones pour l’assumer, s’en lavera les mains. Trois semaines plus tard, le guitariste est retrouvé noyé dans sa piscine dans des circonstances mystérieuses. Il entamera le tristement célèbre club des 27.

Aussitôt, le concert gratuit à Hyde Park censé sonner les retour des Stones sur scène après une longue absence se transforme en concert hommage. Ce sera également l’occasion de présenter Mick Taylor, désormais officiellement cinquième Stone. Un baptême du feu pour ce jeune homme de vingt ans devant 50 0000 personnes. Let It Bleed sort et triomphe, détrônant même - quoique très provisoirement - Abbey Road des têtes des ventes. Avec des titres comme l’épique « Gimme Shelter », le poignant « You Can’t Always Get Want You Want » et l’Opéra Blues « Midnight Rambler », il s’inscrit comme le meilleur album des Stones jusqu’alors. Le single indépendant, « Honky Tonk Woman », n’est pas en reste et est n°1 un peu partout dans le monde. Les Stones entament alors une grande tournée Américaine. Une tournée qui voit le groupe remplir la majorité des grosses salles du pays, avant la tragédie du festival Altamont dont ils seront les co-organisateurs et qui se déroulera dans un climat d’alcool, de drogues dures et violences culminant par un spectateur poignardé par le soi-disant service de sécurité. Un événement qui ajoutera encore à la légende noire du groupe, même si leur désarroi et leur inquiétude est palpable dans les témoignages vidéos de leur prestation.

Témoignage de cette tournée, leur deuxième live, Get Yer Ya-Ya’s Out!, principalement enregistré au Madison Square Garden. Un live considéré par certains comme mythique, mais beaucoup trop court pour réellement rendre justice à ce que valait le groupe sur scène à cette époque (le coffret 40ème anniversaire, ajoutant cinq titres, sera déjà plus satisfaisant). Sur scène, le groupe s’est également élargi: Nicky Hopkins aux claviers (Ian Stewart a pris ses distances pour un temps) et Bobby Keys au saxophone. Peu après, le groupe se débarrasse à grand peine d’Allen Klein qui s’est révélé être un bel escroc.

En 1971 sort le premier album dont les Stones détiendront les droits, Sticky Fingers. Porté par l’hymne Rock « Brown Sugar » et la ballade mélancolique « Wild Horses », l’album voit le groupe aborder les années 70 avec ce qui restera sans doute leur meilleur album. Pourtant à l’époque Keith Richards est bel et bien tombé dans le piège de la drogue à trop bien jouer son rôle de pirate rebelle. Pour compenser ses absences, Jagger peut heureusement compter sur le soutien de la dernière recrue, Mick Taylor, comme sur « Sway ». Mais sans en tenir compte dans les crédits. Encore une fois, le mythe ‘Jagger/Richards’ doit perdurer. Si en studio, l’état de Richards ne se devine pas, sur scène en revanche, cela mène parfois à la catastrophe, le guitariste servant habituellement de métronome au reste du groupe. C’est à cette époque que se crée le fameux logo des Stones avec la bouche lippue tirant la langue.

C’est également le moment où la totalité du groupe déménage dans le sud de la France. La raison principale est la gestion d’Allen Klein qui laisse au groupe des sommes astronomiques à payer aux impôts. Ce séjour sera l’occasion pour eux d’être plus proches qu’ils ne l’avaient été depuis longtemps. A jouer ensemble toutes les nuits dans les caves de la villa louée par Richards, un double album verra le jour, Exile On Main St. Un album qui contraste avec les précédents, plus Country Blues et moins Rock. Et pour la première fois, sans aucun titre à potentiel de hymne, même si « Tumbling Dice » entrera dans les Top 10 américains et britanniques. Pour certains, il s’agira du sommet artistique du groupe.

Après un album dans le sud de la France, le suivant verra le jour en Jamaïque où Jagger et Richards constatent que ça chauffe musicalement. Moins bien considéré - ce qui est assez injuste - que ces quatre prédécesseurs, Goats Head Soup, sorti en 1973, se vendra pourtant mieux qu’Exile on Main St. Il faut dire que la ballade « Angie » fait un malheur. Avec Keith Richards plus junkie que jamais, c’est véritablement sur Mick Taylor que le groupe se repose en studio comme au concert. Brussels Affair, album live enregistré lors de cette tournée (mais qui ne sortira officiellement que 38 ans plus tard) prouve que ce sont les solos du guitariste qui mène désormais le groupe vers les sommets. Pourtant lui aussi a sombré dans la drogue, mais pas suffisamment encore pour que cela influence ses capacités. C’est à lui aussi que l’on doit la majorité des meilleurs moments de l’inégal Its’ Only Rock ’n’ Roll, en 1974.

Alors qu’on aurait pu penser que c’est Richards qu’il allait falloir remplacer dans les Stones (soit par lassitude - ses absences perpétuelles et son jeu de moins en moins fiable - soit par nécessité - un décès), c’est Taylor qui claque la porte. Quitter les Stones ? Impensable ! Le guitariste a pourtant ses raisons. Il y a d’une part une lassitude de ne pas se voir crédité pour sa collaboration aux compositions (à part un timide crédit à trois pour « Ventilator Blues » ). De l’autre l’instinct de survie. Il sent que rester le conduirait à sombrer complètement dans la drogue comme Jones et Richards avant lui. Reste que Jagger ne pardonnera jamais vraiment cette défection.

Les candidatures affluent et les Stones retiennent trois finalistes: Harvey Mandel, Wayne Perkins et Ronnie Wood. Si l’album Black And Blue doit servir pour les départager (et provoque au passage un résultat très éclectique et séduisant), il est probable que le choix était déjà fait avant. Ami de longue date, Wood semblait être un Rolling Stone bien avant d’en faire partie. D’aucuns chuchotent que Jagger avait envisagé de remplacer Richards par lui, avant que le départ de Taylor vienne tout faire capoter.

Finalement, c’est sans doute le choix Wood qui donnera un avenir au Stones. Servant de soutien à Jagger, de coach à Richards, de lien entre les deux. La tournée donnera naissance au live Love You Live. Leur troisième, et toujours pas un chef d’oeuvre. Sorti en 1978, Some Girls préfigure ce à quoi ressemblera la suite de la discographie du groupe pour un temps. Quelques bons morceaux généralement dans l’ère du temps (le Disco Rock « Miss You » - leur dernier n°1 aux USA - et le Punk « Respectable ») sinon à l’ancienne (la quasi ballade Blues Rock « Beast Of Burden ») accompagnés par une série de titres Blues Rock interchangeables. L’album sera pourtant la meilleur vente du groupe (à ce jour il est six fois platine). Emotional Rescue, en 1980, essayera de reproduire la recette, mais avec un succès moins important (tant commercial qu’artistique).

Désormais les Stones ne sont plus les moutons noirs mais une institution. Et les rivaux ont disparus. Tout comme les Beatles n’avaient pas survécu aux 60’s, Led Zeppelin ne survivra pas aux 70’s. Même les Who, au bout du rouleau, jetteront bientôt l’éponge - du moins pour un temps. Jagger, Richards (enfin décidé à se libérer de ses démons) et Watts portent à présent seuls l’étendard du Rock anglais. Wood, lui, n’a toujours qu’un statut d’employé: il lui faudra attendre presque vingt ans pour devenir officiellement membre des Stones, même si le public le considérait depuis longtemps comme tel.

Avec Tattoo You, en 1981, basé en grande partie sur des titres de l’âge d’or non retenus (comme le magnifique « Waiting On A Friend ») offrira au groupe sont dernier grand classique, « Start Me Up », avec le même genre de riff iconique qui avait fait la force de « Satisfaction », « Jumpin’ Jack Falsh » et « Brown Sugar ». Le court live Still Life prouvera que les Stones sont à présent une machine bien huilée. Sur Undercover, le décalage entre tube Pop imparable (« Undercover Of The Night ») et titres Rock banals, semble plus grand que jamais. Les Stones semblent avoir perdu toute créativité, même si les ventes restent importantes.

Est-ce pour cela que Jagger se lance dans une carrière solo ? Maintenant que les Stones semblent en fin de course, c’est sans doute la meilleure chose à faire. Mais ce n’est pas du goût de Richards, qui a sorti la tête des seringues, et a envie de continuer l’aventure. Wood lui donne un sérieux coup de main tandis que Jagger accepte de revenir pour chanter. S’il est loin des grandes heures du groupe, Dirty Work (porté par la reprise de « Harlem Shuffle », mais ayant d’autres atouts) voit un groupe qui remonte la pente. Entre temps, le discret Ian Stewart s’était éteint. Il faudra attendre l’échec de son deuxième album solo pour que Jagger se réconcilie avec Richards. Album de la renaissance, Steel Wheels, en 1989, sera leur meilleur depuis Black And Blue.  Une tournée (illustrée sur l’album Flashpoint) voit le groupe faire son grand retour sur scène avec un dispositif scénique imposant. Mais ce sera la fin de l’aventure avec Bill Wyman. Le doyen des Stones en a sa claque. De toute façon, les deux leaders ne l’ont jamais complètement intégré dans le groupe. C’est malgré tout un choc tant on le pensait indéboulonnable. Si Darryl Jones a depuis pris sa place, il ne sera jamais officiellement remplacé.

Les albums des années 90 feront moins de vagues. Les Stones sont désormais un groupe de stades et ce sont plus les tournées que les sorties de Voodoo Lounge (1994), Bridges To Babylon (1997) ou A Bigger Band (2005) qui feront l’événement. Ce qui ne veut pas dire que l’on n’y trouve rien d’intéressant. Certains seront surpris par l’album de reprises Blues, Blue & Lonesome, sorti sans crier gare en 2016. Mais l’événement est plus dans l’acte que dans le contenu tant l’unique ambition semble être de se faire plaisir (ce qui n’est déjà pas si mal et n’a pas toujours été le cas chez eux). Le groupe créera également la surprise en sortant un tout nouveau morceaux en pleine période de confinement mondial: un « Living In A Ghost Town » de circonstances. Préfigure-t-il un nouvel album ? L’avenir le dira.

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