Dean Martin (1917-1995)

Dean Martin



Memories are made of this:

Plus encore que Frank Sinatra, Dean Martin représente la communauté italienne émigrée aux Etat-Unis. Au début du vingtième siècle, en effet, bon nombre d’Italiens vont prendre le chemin de l’exile pour fuir la pauvreté du sud de l’Italie. C’est le cas de Gaetano Crocetti qui en 1913 décide de quitter ses Abruzzes natal pour tenter sa chance en Amérique. Il arrive à Steubenville, en Ohio, où il rencontre Angela Barra, née aux Etats-Unis, mais originaire comme lui des Abruzzes. Le couple se marie en 1914 et, après un premier fils en 1916, un deuxième leur naît, le petit Dino, le 7 juin 1917. La légende veut que Dino, élevé au dialecte des Abruzzes, ne parlera pas anglais avant l’âge de cinq ans et qu’il lui faudra longtemps pour se débarrasser de son accent italien. Accent qui lui vaut les moqueries de ses camarades, moqueries qu’il règlera souvent à coups de points.

Le travail de barbier de son père arrive a subvenir aux besoin de la famille. C’est loin d’être le luxe, mais il ne manque de rien. A part peut-être l’affection de ses parents, personnes plutôt froides qui lui enseignent qu’un homme masque ses émotions. Ses émotions, s’il les cachera toute sa vie, il les exprimera par un autre biais, celui du chant.

Quand j’étais petit j’ai toujours aimé chanter. Je chantais sans y réfléchir. Je ne manquais jamais un film de Bing Crosby. Que ce soit Frank Sinatra, Perry Como ou moi, tout le monde copiait Bing. Par la suite, chacun acquérait son propre style, mais il était le modèle de tous les débutants.

Mais Bing Crosby n’est pas le seul héros de Dino, il y a aussi Harry Mills, l’un des Mills Brothers, dont l’aisance et l’aspect débonnaire seront une influence incontestable sur le personnage qu’il se créera. Mais pour l’heure, Dino ne songe pas vraiment à en faire carrière. A 16 ans, il décide de quitter l’école, considérant qu’il sait tout ce qu’il a besoin de savoir, et entreprend de se faire un nom sur un ring de boxe. Sous le nom de Kid Crochet il combat une bonne douzaine de combats qui lui laisseront un nez cassé qu’il fera réparer par la chirurgie esthétique. Conscient que la boxe ne fera pas sa fortune (il n’a même pas de quoi se protéger convenablement les mains), il jette l’éponge pour travailler dans un magasin de cigares. Celui-ci ayant aussi une salle de casino clandestine, Dino se retrouve rapidement élevé au poste de croupier. Mais le jeune homme veut plus et en 1938, il décide de se lancer comme chanteur professionnel.

En hommage au chanteur d’opéra Nino Martini, il choisit le pseudonyme de Dino Martini et vivote de petits cachets. Alors qu’il joue dans un groupe de Cleveland, avec le Sammy Watkins Band, le leader du groupe lui fait américaniser son nom en Dean Martin. En 1941, il se marie avec Betty McDonald. Leur premier fils, Craig, naît l’année d’après.  A l’arrivée de la guerre, il échappe à l’uniforme grâce à une double hernie discale. En 1943, il a son premier contrat prestigieux puisqu’il doit remplacer Frank Sinatra, alors étoile montante de la chanson au Riobamba de New York. Difficile de succéder à une telle vedette quand on est un jeune chanteur qui cherche encore sa personnalité, mais Dean décide de rester à New York et de persévérer. Cependant, Dean a une famille à charge, d’autant qu’un deuxième enfant, une fille, Claudia, naît en 1944, et l’argent vient vite à manquer. Pour économiser, alors que sa famille vit en province, il vit en collocation avec d’autres artistes crève la fin dont l’humoriste Sonny King qui va lui présenter un tout jeune comique, Jerry Lewis. Il organise également des paris pour améliorer ses cachets.

La MGM et la Columbia le repère et lui font passer chacun un bout d’essai, mais la conclusion des deux est sans appel: Dino n’est qu’un chanteur italien de plus. Entre temps, il est devenu père pour la troisième fois, d’une deuxième fille, Gail. En 1946, Dean Martin et Jerry Lewis sont amenés à partager l’affiche au Havana-Madrid. Alors qu’ils jouent en alternance leur numéros, les deux hommes qui sont devenus amis s’amusent à se faire des blagues l’un l’autre. Cette expérience marque tellement Jerry Lewis que lorsqu’il est engagé au 500 Club d’Atlantic City, il s’arrange pour faire engager Dean Martin, promettant un duo comique ravageur.


Ain’t that a kick in the head:

Mais Jerry a un peu exagéré les choses: les deux hommes n’ont pas un numéro commun. Aussi, lors de la première représentation, tous deux font leur numéro habituel indépendamment. Dean chante et Jerry fait de la pantomime. Skinny D’Amato, le propriétaire, est furieux et exige d’avoir droit au duo promis pour le spectacle de fin de soirée. Les deux hommes sont terrifiés. Il y a bien sûr la crainte de perdre leur travail d’autant que le cachet est le plus juteux que les deux hommes ont connu depuis longtemps. Mais surtout à cette époque tous les clubs sont plus ou moins contrôlés par la mafia et un échec conviendrait à plus que perdre son travail. Durant les quelques heures dont ils disposent, les deux hommes mettent au point un numéro. Jouant sur leurs neuf ans de différence et le très jeune âge de Jerry Lewis, ils créent toute une série de sketchs entre un homme naïf presque enfantin et un baroudeur beau gosse, le tout entrecoupé par les chansons de Dean.

La peur au ventre, ils donnent leur spectacle devant vingt-quatre personnes qui leur font un triomphe. L’osmose entre les deux artistes et totale. Tous deux possèdent la même folie destructrice et le même talent d’improvisateurs. Sous l’influence l’un de l’autre, chacun vient de trouver sa personnalité, celle qui les distinguera des masses de chanteurs et de comiques débutants. Le lendemain, le bouche a oreille a déjà fait son effet, et celui, ainsi que les sketchs improvisés de Dean et Jerry sur la plage d’Atlantic City, en font la sensation de l’été 1946.

Le secret de notre collaboration c’est que nous nous parlions l’un à l’autre comme si le public n’était pas là. Nous nous amusions ensemble et le public ressentait cela et nous aimait pour ça.

Peu à peu, des clubs de plus en plus prestigieux les engagent tandis que le succès s’en va croissant. Finalement, en 1948, même le Copacabana, le plus prestigieux club de New York, ne peut les ignorer. Le succès est immense et la chanteuse Vivian Blaine, qui les suit, n’a d’autres choix que de quitter la scène sous des applaudissements polis. Ils commencent à apparaître à la télévision, notamment dans l’émission très populaire d’Ed Sullivan. Après avoir achevé de conquérir la côte Est, le duo va s’occuper de la côte Ouest au Slapsy Maxie’s d’Hollywood, où tout le gratin de la capitale du cinéma les y attend.

Après le premier spectacle, quatre ou cinq producteurs sont venus nous voir en coulisse. Et nous avons signé un contrat de six ans avec Hal Wallis.

En effet, de Louis B. Mayer (MGM) à Jack Warner (Warner Bros), tous les gros studios veulent acquérir la plus grosse sensation du show business. C’est l’affection de Jerry Lewis pour la Paramount (ainsi que le fait que ce sont eux qui proposeront le plus gros cachet) qui conduira le duo à signer pour Hal Wallis, à l’époque producteur indépendant pour la Paramount. Un contrat qui les mènera vers des sommets encore plus élevés, mais qui conduira également à leur perte. Mais pour l’heure, Dean et Betty donnent naissance à leur quatrième enfant, encore une fille, Deana. 


Le premier film du duo est My Friend Irma (Ma bonne amie Irma, 1949). Mais si Hal Wallis est un très bon producteur lorsqu’il s’agit de films dramatiques, il est rapidement évident qu’il n’y connaît pas grand chose en comédie. Ainsi, si Dean Martin se coule avec simplicité dans le modèle du héros hollywoodien de l’époque, il est rapidement évident que Jerry Lewis ne convient pas pour le personnage qui lui est prévu. Jerry cependant ne laisse pas démonter et impose que ses personnages soient écrits par rapport au personnage qu’il s’est créé à la scène. Wallis accepte et My Friend Irma marque le premier succès cinématographique du duo et qui achève d’en faire des stars aux Etats-Unis et bientôt dans le monde entier.

Dean et Jerry commencent à vivre le rêve hollywoodien et, alors qu’ils sont en promotion à New York, ils vivent une aventure avec respectivement June Allyson et Gloria De Haven, deux jeunes actrices en vue de la MGM. Le scandale est énorme, les quatre acteurs étant tous mariés avec une famille chacun de leur côté. Heureusement cela ne coûtera leur carrière à personne. Mais en revanche, cela n’arrangera pas le mariage de Dean et Betty, déjà sur la pente descendante. Et lorsque Dean tombe fou amoureux de Jeannie Biegger, une ravissante blonde, il ne lui reste plus qu’à divorcer pour épouser celle qui sera l’amour de sa vie.

Tout semble réussir à Dean et Jerry: NBC les engage pour émission hebdomadaire à la radio et une autre mensuelle à la télévision. Les films se succèdent à un rythme effréné (deux à trois par ans) et, malgré une qualité souvent médiocre, rencontrent un fort succès. Qui plus est, Dean rencontre son premier succès comme chanteur avec "Powder You Face With Sunshine" qui entre dans le Top 10 américain. Quant à leurs spectacles au théâtre, ils ne sont pas loin de déclencher des émeutes tant tout le monde se presse pour venir les voir. A l’aube des années cinquante, Dean Martin et Jerry Lewis sont devenus les rois du showbusiness, l’un des rares numéros à avoir réussi sur tous les tableaux: cinéma, scène, radio et télévision !


Let me go lover:

Après quatre ans, j’ai commencé à sentir que je tournais en rond en tant qu’acteur dans ces films. Je n’avais pas grand chose à faire à part chanter, répéter ce qu’il disait et le gifler.

Dean commence à être fatigué d’être dans l’ombre de Jerry, d’autant que les critiques applaudissent le génie comique de son partenaire tout en reconnaissant au mieux à Dean d’être un chanteur honnête et un bon faire valoir. Mais généralement, ils considèrent qu’il est interchangeable voir ne le mentionnent pas. Et effectivement tant les films que les séquences télévisées mettent de plus en plus l’accent sur Jerry et les vagues tentatives de certains scénaristes de mettre l’accent sur l’humour imparable de Dean sont balayées par Hal Wallis qui ne veut pas changer un iota à ce qu’il estime être une recette miracle. Jerry a conscience du mal être de son partenaire, mais toute son énergie passe pour faire imposer ses idées à lui à Wallis, il n’a pas le temps de batailler pour son partenaire et Dean est trop fier et manque trop de confiance en lui pour le faire lui-même. Jerry trouve cependant une idée et, à l’issu de tous, engage un auteur pour écrire un tube pour leur prochain film. Ce sera "That’s Amore". La chanson est un énorme succès et propulse Dean Martin au sommet des ventes. Pour la première fois il joue d’égal à égal avec son partenaire. Qui plus est son mariage avec Jeannie a produit deux enfants, Dean Jr en 1951 et Ricci en 1953.

En 1953, justement, Dean et Jerry sont invités à jouer au Palladium de Londres. Hélas, lors de la première deux étudiants d’extrême-gauche font un esclandre avant d’être hués par le public. L’incident est repris par les médias britanniques, alors foncièrement anti-américains, ravis de pouvoir critiquer les vedettes du show-business américaines. La frustration accumulée par Dean depuis les derniers mois éclate alors dans une série de déclaration anti-britanniques qui feront les choux gras de la presse des deux côtés de l’Atlantique. C’est pourtant à ce moment-là que le duo tourne certains de leurs meilleurs films. Living It Up (C’est pas une vie, Jerry, 1954) avec Janet Leight et surtout Artists And Models (Artistes et modèles, 1955) avec Shirley MacLaine et Dorothy Malone. 


Mais les relations entre Dean et Jerry ne cessent de se dégrader. Dean se sent étouffé par le personnalité de Jerry tandis que Jerry, qui recherche perpétuellement l’affection de Dean, est blessé par l’attitude de celui-ci à son égard. Lors du tournage de Pardners (Le Trouillard du Far-west, 1956), la tension est électrique. Sur celle de Hollywood Or Bust (Un vrai cinglé de cinéma, 1956) ils ne s’adresseront plus la parole entre les prises. Cela n’empêche pas Dean Martin d’avoir deux autres succès avec "Sway" et surtout "Memories Are Made Of This", son premier numéro un.

Un jour je lui ai dit: « Ecoute, c’est fini, j’en ai assez ». Et bien sûr, il y a eu une grande réunion avec tous les patrons de la Paramount. Ils m’ont dit: « tu ne peux pas laisser tomber 30 million de dollars comme ça. Et je leur ai dit: « Ah non ? Regardez » et je suis sorti.

Selon Jerry, pourtant, c’est lui qui aurait tranché dans le sens de la séparation, ne supportant plus la tension, lors de la réunion de la Paramount. Dean, lui, était prêt à continuer pour l’argent. Le 24 juillet 1956, Dean et Jerry donnent trois spectacles au Copacabana. Le gratin du show-business est là pour les voir une dernière fois réunis. Le film que Jerry prévoyait autour du mythe de Damon et Pythias et qui aurait pu mener le duo vers des films plus intéressants artistiquement (comme avec Artists And Models) se fera sans Dean. Et il faut dire que la majorité pense que la carrière de Dean est terminée. Pourtant, ce n’est pas l’avis de Jerry qui pense qu’au contraire c’était Dean qui avait fait le succès du duo en en étant la cheville ouvrière: Ce que Dean faisait, chanter et jouer, aurait pu fonctionner sans moi… s’il avait eu suffisamment confiance en lui. Mais ce que moi, je faisais n’aurait jamais fonctionné sans lui.


Just In Time:

Pourtant, les débuts semblent donner raison aux détracteurs de Dean. Ten Thousands Bedrooms (Dix mille chambres à coucher, 1957) de Richard Thorpe est un échec. Il faut dire qu’il s’agit d’une comédie assez peu originale. Il s’agit d’un mauvais choix, d’autant que Dean venait de refuser le rôle principal de The Pajama Game de peur d’être de nouveau dans l’ombre (cette fois de Doris Day), film qui sera un grand succès. Les singles que sort Dean cette même année sont également des échecs. Seule la naissance de sa dernière fille, Gina, met un peu de baume sur le coeur. Engagé au Sands de Las Vegas, il décide alors de montrer ses talents d’homme de scène. Il s’y créé un personnage de chanteur alcoolique et continuellement saoul, débonnaire et n’hésitant pas à interrompre une chanson pour faire un bon mot. C’est un succès et Dean y gagne son surnom de King Of Cool. En 1958, sa fortune lui sourit à nouveau. Tout d’abord il enregistre deux nouveaux succès, "Return To Me" et "Volare". Mais surtout il trouve deux rôles dramatiques de grande envergure.

Un soir, mon agent m’appelle et me demande si ça me dirait de travailler avec Marlon Brando et Montgomery Clift. Je lui ai dit: « Tu as bu ? Bien sûr, j’adorerais ! »

Le rôle était initialement prévu pour Tony Randall mais Montgomery Clift décide d’imposer Dean Martin à la place, un geste dont Dean lui sera toujours reconnaissant. Les deux hommes deviendront amis et Dean bénéficiera des conseils de deux des meilleurs acteurs dramatiques de l’histoire du cinéma. The Young Lions (Le Bal des Maudits, 1958) est un triomphe et montre ses talents d’acteurs dramatique.

Un autre coup de pouce vient de Frank Sinatra qui, depuis le début des années cinquante, était ami avec Dean et Jerry. Sachant ce que c’était d’être au creux de la vague (ayant lui-même connu cette situation quelques années auparavant) il décide d’aider son ami en lui proposant un second rôle marquant dans son dernier film sous la direction de Vincente Minnelli et où joue également Shirley MacLaine, Some Came Running (Comme un torrent, 1958).

Ils avaient besoin d’un personnage qui buvait, jouait et draguait et Frank leur a dit que j’étais l’homme parfait pour le rôle. Et c’est vrai que le rôle était fait pour moi, c’est un des meilleurs que j’ai joué.

C’est au cours de ce tournage que l’amitié entre Dean et Sinatra prend une autre dimension. Bien que plus âgé, Sinatra admire sa désinvolture et son apparente confiance en lui, lui qui a toujours cherché à jouer au dur pour se faire respecter malgré son physique de freluquet. Juste après, Dean est engagé pour jouer le rôle du shérif alcoolique dans Rio Bravo d’Howard Hawks aux côtés de John Wayne. Un rêve pour cet amateur de western. Une nouvelle fois, Dean y livre une excellente performance, éclipsant même John Wayne ! En l’espace de trois rôles, Dean Martin a prouvé qu’il était un véritable acteur capable d’exister par lui-même. Son égo est rassuré et désormais il va pouvoir lever le pied pour se consacrer à sa plus grande passion: le golf.

En effet, l’année 1960 si elle est tout aussi riche est de qualité moindre de manière artistique. Tout d’abord, c’est la formation de ce qu’on appellera le Rat Pack, un groupe créé par Sinatra où il inclut ses plus proches amis: Dean, bien sûr, mais aussi le chanteur Sammy Davis Jr, le bellâtre Peter Lawford et le comique Joey Bishop. Le quintette apparait ensemble pour une série de spectacles à guichet fermés au Sands de Las Vegas, puis bientôt au cinéma dans Ocean’s Eleven (L’Inconnu de Las Vegas, 1960) puis Sergeants 3 (Les trois sergents, 1962) de John Sturges. Mais à cette époque, Frank Sinatra a abandonné ses ambitions d’acteurs est n’est plus là que pour assurer son égo, le spectacle étant assuré par Dean et Sammy Davis Jr (et dans une moindre mesure Joey Bishop).

En solo, Dean Martin retrouve Vincente Minnelli pour une comédie musicale qui ne fera pas vraiment date, Bells Are Ringing (Un numéro du tonnerre, 1960) et accompagnera le couple Tony Curtis et Janet Leigh dans une comédie fort divertissante, Who Was That Lady (Qui était donc cette dame, 1960). Il tourne également à plusieurs reprises avec Shirley MacLaine. En 1962, il est choisi pour être le partenaire de Marilyn Monroe et Cyd Charisse dans Something Gotta Give de George Cukor. Mais le tournage prend du retard du fait des nombreux problèmes de Marilyn. Cependant lorsque celle-ci est renvoyée pour être remplacée par Lee Remick, Dean Martin refuse de continuer le tournage par amitié pour sa partenaire, obtenant son retour. Hélas, Marilyn se suicidera peu après et le film demeurera inachevé. Il continue les débuts des années soixante en tournant dans des comédies sans prétention où il continue d’interprété le personnage débonnaire et sympathique qu’il a contribué à créé. Personnage qu’il caricaturera avec un plaisir non dissimulé dans Kiss Me Stupid (Embrasse-moi idiot, 1964) de Billy Wilder. Mais à part ce dernier film, il n’y a pas grand chose à sauver et certainement pas ses retrouvailles avec Frank Sinatra dans 4 For Texas (Les Quatre du Texas, 1963) dont il demeure le seul intérêt avec la plastique d’Ursula Andress et Anita Ekberg. En revanche, il obtient un nouveau titre numéro 1 avec "Everybody Loves Somebody" qui en fera le premier artiste à détrôner les Beatles du sommet des ventes américaines.


Who’s got the action:

1965 marque son retour au western sérieux avec The Sons Of Katie Elder (Les quatre fils de Katie Elder) où il retrouve John Wayne. Mais c’est également la création du Dean Martin Show. Pensant d’aucune chaîne n’accepterait, il avait mis pour condition qu’il ne ferait une émission que s’il ne pouvait venir que pour l’enregistrement, sans les répétitions donc. NBC cependant accepte et l’émission hebdomadaire est lancée en septembre 1965. L’émission devient une des plus célèbres d’Amérique et renforce l’image de Dean Martin comme celui d’un débonnaire alcoolique. Vedettes montantes, star confirmées ou has-been, tout le monde ou presque passera dans l’émission.

En fait, ce n’est pas tout à fait vrai que je ne répétais pas. Je répétais plus qu’eux en fait. Pour chaque émission, un employé nommé Lee enregistrait toutes les parties que j’allais devoir apprendre sur trois cassette et qu’il interprétait lui-même. J’avais une cassette chez moi que j’écoutais pendant trois heures, j’en prenait une autre que j’écoutais en faisant du golf et j’avais la troisième dans la voiture. Donc je répétais en fait quatre à cinq heures par jour pendant cinq jours. Et chaque fois que j’arrivais sur le plateau, les gens ne comprenait pas que je sois capable de tout réaliser sans répétition. En fait j’avais répété plus qu’eux et c’était les autres qui se trompaient généralement. Ce n’est pas que je ne voulais pas répéter, c’est juste que je ne voulais pas aller au studio pour le faire.

Cette image d’homme aimant le luxe, les femmes et l’alcool est encore renforcé par le personnage de Matt Helm, une parodie américaine de James Bond que Dean interprétera dans quatre films dans le courant des années soixante.

Il y a l’image que les gens ont de moi, celle d’un ivrogne paresseux, et celle que je suis réellement. Mais est-ce que je pourrais être où je suis si j’étais un ivrogne et si j’étais paresseux ?

Entre ses films, il continue à apparaître dans des westerns dont certains comme Bandolero (1968) avec James Stewart ou 5 Card Stud (Cinq cartes à abattre, 1968) avec Robert Mitchum sont plus qu’honorables. Les années septante s’ouvrent avec Airport, l’un des premiers films catastrophes où, aux côté de Burt Lancaster, il mène une distribution constituée de stars de premier plan. 

Les années septante seront cependant moins riches que les précédentes. Musicalement, la mode n’est plus du tout aux crooners, malgré quelques succès ponctuels chez l’un ou l’autre. Au niveau cinéma, avec l’arrivée du Nouvel Hollywood, Dean s’y fera plus rare, on signalera pourtant encore un western, avec Rock Hudson, Showdown (Duel dans la poussière, 1973). En 1973, il divorce de Jeannie pour épouser Catherine Hawn dont il divorcera rapidement. L’année d’après, il arrête le Dean Martin Show et ses émissions suivantes seront plus épisodiques. Finalement, l’évènement le plus marquant de ces années sera ses retrouvailles avec Jerry Lewis qu’il surprend au Téléthon de 1976.


Lay Some Happiness On Me:

1981 marque son retour dans un grand succès au cinéma avec Cannonball Run (L’Equipée du Cannonball) où il éclipse la vedette Burt Reynolds et partage l’affiche avec son vieil ami Sammy Davis Jr mais aussi Roger Moore. Il fera également partie de la suite Cannonball Run II en 1984 qui sera sa dernière apparition au cinéma. L’année d’après, en 1985, il sort son dernier single, qui sera également son unique clip sur MTV: "L.A. Is My Home". Puis, c’est le drame. En 1987, Dean Jr, son fils préféré, alors dans l’armée, décède dans un accident d’avion. Dean ne s’en remettra jamais et vivra de plus en plus solitaire. Il acceptera la proposition de Sinatra et Sammy Davis Jr de reformer leur trio pour une tournée, mais il abandonnera après quelques dates, n’ayant plus aucun plaisir à jouer et certainement pas dans les stades qu’a choisi Sinatra. En 1989, la veille de son septante-deuxième anniversaire, lors d’une de ses rares représentations, Jerry Lewis lui fait la surprise de le rejoindre sur scène. La boucle est bouclée et peu après il cessera à jamais d’apparaître sur scène. 


Depuis les années quatre-vingt, Dean Martin connaissait des problèmes respiratoires. En 1993, on lui diagnostique un cancer des poumons qu’il refuse de soigner. Il en décèdera le 25 décembre 1995. Aujourd’hui, Dean Martin est associé pour toujours aux grandes heures de Las Vegas, aux grandes heures des coroners au point que parfois on oublie aussi qu’il fut également un grand acteur. Certes, il céda rapidement à la facilité, mais il le fit avec une telle perfection qu’on ne peut pas complètement le lui reprocher. 


Je ne bois pas tant que ça en fait. Même si c’est l’image que les gens attendent de moi. Mais on ne travaille pas si on est saoul. Du coup, sur scène, je bois du jus de pomme en le faisant passer pour du bourbon. Si je buvais vraiment les quantités que je bois sur scène, non seulement je ne pourrais pas chanter, mais je ne pourrais même pas parler. Du coup, je fais semblant. Et le pire dans tout ça, c’est que je déteste le jus de pomme.

Sources:

J. LEWIS, Dean et Moi, 2005
Documentaire Wine Women and Songs
Documentaire Dean Martin, Everybody Loves Somebody

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