Tony Curtis (1925-2010)


Tony Curtis


Il y a des acteurs dont on continue de vanter les mérites longtemps après leur mort, il y a ceux dont on a vanté les mérites pendant leur heure gloire et puis enfin il y a les acteurs qui, tout en étant d’immenses célébrités en leur temps, ont été traités avec snobisme. Tony Curtis est de ceux-là, malgré une palette de jeu bien plus large que Marlon Brando, son contemporain tellement mieux considéré, et au moins autant de classiques dans sa filmographie. Rien à faire, c’est l’image du bellâtre jouant dans une série de navets dans les années 50 et 60 qui demeure. Il est grand temps d’en finir avec cette idée fausse et de rendre à Tony Curtis sa place qui est la sienne, haut, tout en haut du panthéon hollywoodien et cette modeste biographie est une petite goutte d’eau pour tenter d’y parvenir.


L’enfance dans le Bronx:


Avant Tony Curtis, il y avait Bernard Schwartz, fils d’immigrés hongrois. Son père, Manuel Schwartz était devenu tailleur par hasard:

Comme mon père voulait devenir électricien, mon grand-père l’avait emmené en charrette jusqu’à Budapest, à 200 kilomètres, pour y faire son apprentissage. Mais en arrivant ils ont trouvé la porte de l’électricien fermée. Alors, au lieu de se coltiner la route de retour, mon grand-père a conduit son fils chez le tailleur de la boutique d’à côté et en a fait un apprenti tailleur. 

Arrivé à New York en 1921, il y rencontre Helen Klein, également hongroise, et arrivée un an après lui. Celle-ci a eu une enfance rude après d’un père abusif et en gardera une instabilité émotionnelle permanente. Le couple se marrie en 1924. Leur fils Bernard naît, lui, le 3 juin 1925. Quatre ans plus tard naîtra son frère Julius. A la maison on ne parle que le hongrois et il faudra attendre l’entrée à l’école pour que les enfants apprennent l’anglais. Très vite, Bernard s’affirme comme un gamin des rues. Normal en même temps, la famille n’a qu’une seule pièce pour vivre et déménagera fréquemment allant même jusqu’à habiter dans un immeuble vide supposé être bientôt détruit. A l’école et dans la rue, Bernard va rapidement faire une découverte: il est juif. Apparemment cela donne l’envie à d’autres enfants, principalement issus de la communauté allemande, de lui taper dessus. Les bagarres entre enfants juifs et enfants allemands deviennent fréquentes, attisées par la montée en puissante du nazisme en Allemagne. Cependant un événement va à jamais changer la vie de Bernard. 

J’avais treize ans et je n’avais pas envie de m’embarrasser de Julius. J’étais avec ma bande de copains quand Julius est arrivé. Je lui ai dit: « Va donc jouer avec tes connards de copains. » Il a disparu et je n’ai plus jamais revu ses yeux. Un peu plus tard je me rappelle avoir piqué un fou rire avec mes copains, une chose m’ayant semblé vraiment drôle. Je suis sûr que c’est à ce moment-là que le camion l’a renversé.
Bernard est envoyé par ses parents pour identifier l’enfant renversé par le camion. Il ne le reconnaîtra qu’à sa dent cassée. L’enfant vit encore et Bernard restera un temps à son chevet. Le lendemain, il décédera de ses blessures. Si cet évènement entrainera un sentiment de culpabilité permanente chez le grand frère, qui désormais se sentira tenu de vivre pour deux, il n’améliorera pas la santé mental de la mère. Deux ans plus tard, un nouvel enfant naît chez les Schwartz, Robert, mais celui est instable, ce que refusera toujours de reconnaître la mère qui souffre en fait du même mal que lui: la schizophrénie. 

Mais dans la vie de Bernard, entre les batailles dans la rue et les crises de sa mère, il y a un échappatoire: le cinéma. A l’époque un divertissement pas trop coûteux pour les enfants, il enchaîne les séries B de western et de science-fiction, mais son héros alors c’est surtout Errol Flynn. Et il est vrai qu’en cette fin des années 30, Flynn ne pouvait être que le héros d’un jeune adolescent rêvant d’aventures et d’évasion. L’autre héros de Bernard, c’est Cary Grant. Et c’est en voyant le film Destination Tokyo, où l’acteur joue le capitaine d’un sous-marin, que Bernard décidera d’en rejoindre un lorsqu’il s’engage dans l’armée. 

De Bernard à Tony:
Sans surprise, la scolarité de Bernard n’a pas été des plus brillantes et c’est sans regret qu’il s’engage dans l’armée en 1943. Seulement il n’a pas encore tout à fait les dix-huit ans requis et on le fait donc patienter dans une série de camp de formation le temps d’avoir l’âge légal. Affecté sur l’USS Proteus, il aura l’occasion de suivre de loin le traité de paix dans la baie de Tokyo. Démobilisé, il apprend que le gouvernement prend à ses frais les études d’anciens soldats. Ne sachant trop que faire, Bernard choisi l’art dramatique, ayant l’habitude de trainer dans les théâtres avant la guerre, et s’inscrit au Dramatic Workshop of the New School.

Pour les auditions d’entrée, on s’est défoncés à jouer tout ce qu’on avait dans les tripes. Les profs étaient assis devant nous et nous disaient: « Accepté. Au suivant ! » Du coup, on s’est tous sentis de grands comédiens dignes de Shakespeare. On ignorait alors qu’ils étaient obligés de nous accepter: en tant qu’anciens combattants, on ne pouvait pas être refusés !

Parmi ses condisciples, il côtoie de futures vedettes comme Walter Matthau et Harry Belafonte. Après un semestre, il rejoint une compagnie indépendante spécialisée dans les tournées de villégiatures, mais bien vite il se rend compte que l’école a encore des choses à lui à apprendre et il y retournera vite. C’est lors d’une des productions de l’école que sa belle gueule attire l’attention d’un agent qui lui décroche un contrat avec la Universal. C’est l’été 1948, tous les espoirs semblent permis. Dans l’avion qui l’amène vers Hollywood, Bernard rencontre par hasard Jack Warner qui lui propose de rejoindre son studio au cas où ça ne marcherait pas avec la Universal. 

A l’époque, la Universal est un studio bien moins prestigieux que la Warner. Réussissant à s’imposer grâce à des films d’horreur, ils sont également devenus dans les années quarante spécialistes des films d’aventures exotiques de série B avec généralement l’actrice Maria Montez, première star du studio. En cette fin des années quarante, Maria Montez vient de quitter la Universal. Il est impératif pour le studio d’avoir de nouvelles stars sous contrat. Une série de jeunes acteurs sont engagés dans le but d’en faire des stars. Parmi eux, Roy Scherer (Rock Hudson), Rosetta Jacobs (Piper Laurie)… et Bernard Schwartz. Repéré par le réalisateur Robert Siodmak, il tourne son premier film, Criss Cross (Pour toi j’ai tué, 1949). En fait il n’est même pas crédité au générique, tout ce qu’il a affaire c’est danser avec Yvonne De Carlo, la vedette du film et nouvelle star de la Universal, qu’il s’empresse de mettre dans son lit. La vedette masculine du film est Burt Lancaster. Bernard est loin de se douter que bientôt il sera son partenaire sur plusieurs films.


Même si on l’aperçoit à peine, Bernard crève suffisamment l’écran pour être engagé comme un des seconds rôles de City Across The River (Graine de Faubourg, 1949). Pour ce rôle, il se choisit le nom de Anthony Curtis. Si son rôle est relativement court, c’est celui qui marquera le plus le public. Les autres jeunes acteurs disparaitront d’ailleurs de la circulation. Ses rôles prennent de l’ampleur et on peu notamment le remarquer en 1950 dans le classique Winchester 73 d’Anthony Mann où Rock Hudson tient également un second rôle. Ce sera le dernier film où il sera crédité comme Anthony Curtis. Alors qu’une jeune admiratrice l’appelle « Tony », l’acteur décide de raccourcir son pseudonyme. Désormais il sera Tony Curtis. 

A l’époque, comme tout jeune acteur sous contrat avec un studio, Tony est tenu de suivre toute une série de cours destinés à améliorer au maximum tout son potentiel. Cours d’escrime, d’équitation, de danse, d’art dramatique, de diction. Il s’y exécute de mauvaise grâce, trouvant là surtout une prétexte pour dénicher les plus jolies starlettes qu’il séduit sans vergogne. Parmi elles, la future Marilyn Monroe. En dehors, Tony sort avec les jeunes acteurs de son âge, comme Robert Wagner, Rock Hudson ou Marlon Brando avec qui il habite un temps. C’est ce moment que choisi sa mère pour débarquer à Los Angeles avec le reste la famille. Sans succès elle essayera de faire de son plus jeune fils un enfant star. 

Elle pensait sincèrement qu’il avait sa chance au cinéma, et j’ai même obtenu qu’Universal lui fasse passer un essai photo. Elle n’arrêtait pas de me houspiller pour que je m’en occupe, comme si j’avais contracté une dette à son égard. Mais quelle dette ? Elle avait été méchante et cruelle envers moi quand j’étais gamin et maintenant elle m’imposait la responsabilité de Bobby. Ce que je trouvais très dur à assumer et terriblement stressant. 

En 1951, La Universal décide de lui donner son premier rôle principal. Ce sera The Prince Who Was A Thief (Le Voleur de Tanger, 1951). Tony y a pour partenaire la jeune et jolie Piper Laurie. A l’écran, l’osmose entre les deux jeunes acteurs est parfait. Le film est une histoire d’aventure très mille et une nuit mais, malgré l’aspect kitsch, tenant parfaitement la route. Le film est un succès et propulse les deux jeunes acteurs sur le devant de la scène. 

Si j’avais eu la chance de tourner dans des films comme ‘C’était des hommes’ ou ‘Un Tramway nommé Désir’, à ce moment-là, tout mon « look » et tout le profil de ma carrière auraient été différents. Mais au lieu de cela, Universal m’a collé des pantalons bouffants et un turban. 

Peut-être qu’à ce moment-là, Tony se mordit-il les doigts de ne pas avoir suivi Jack Warner qui avait produit le second. Car si Le Voleur de Tanger, très divertissant au demeurant, fit de Tony une vedette, il fut aussi responsable des nombreuses sucreries qu’il tourna par la suite et qui lui donneront tant de mal à être considéré comme un grand acteur. 


L’idole des jeunes des années 50:

C’est à cette époque que Tony rencontre l’actrice Janet Leigh. Janet est alors la jeune première la plus prometteuse de la MGM (aux côtés d’une certaine Elizabeth Taylor), le studio le plus prestigieux d’Hollywood. Tony lui est l’acteur montant de la Universal, le studio le moins prestigieux d’Hollywood. Forcément cette romance ne plait pas beaucoup aux grands pontes des deux studios, mais pour Tony et Janet cela n’a pas beaucoup d’importance.

Les studios ne désiraient voir aucune de leurs jeunes vedettes en puissance s’engager dans les liens du mariage. Ils trouvaient que cela nuisaient à leur carrière. Et moi, bien que farouchement décidé à réussir ma carrière, voilà que je me préparais à me marier. Pour eux, les deux choses étaient absolument contradictoires. Mais je pensais que je pouvais me permettre d’avoir une vie privée. 

Le 4 juin 1951 le couple se marie avec Jerry Lewis comme témoin. Peu après Tony retrouve Piper Laurie pour tourner Son Of Ali Baba (Le Fils d’Ali Baba, 1952), mais cette fois le charme du premier film n’opère pas. Si le succès est au rendez-vous, le film est un navet. Plus réussi sera la comédie No Room For The Groom de Douglas Sirk. Mais le gros succès de cette année-là pour Tony ce sera de jouer le rôle du magicien Houdini dans Houdini. Pour la première fois, il joue avec Janet comme partenaire. Le film est un triomphe qui sacrent Tony et Janet comme les idoles de la ‘Génération milk-shake’. Avant Elizabeth Taylor et Richard Burton, avant Brad Pitt et Angelina Jolie, Tony et Janet devient le coupe princier d’Hollywood, chose que l’on a du mal à imaginer aujourd’hui, leur étoile ayant depuis longtemps injustement pâlie.

Tony continue à tourner des films qui attirent les foules mais qui ne marquent guère l’histoire du cinéma. Parmi ceux-ci, citons Johnny Dark (Les Bolides de l’Enfer, 1954) où il retrouve pour la quatrième et dernière fois Piper Laurie, The Black Shields Of Faltworth (Le Chevalier du Roi, 1954) où il tourne pour la deuxième fois avec Janet, So This Is Paris (1955) de Richard Quine qui reste sa seule comédie musicale et The Purple Mask (Le Cavalier au masque, 1955), vaguement inspirée du Mouron Rouge.  Mais Tony sent qu’il perd son temps. Maintenant qu’il est à l’aise devant la caméra, il lui tarde de faire ses preuves dans des films plus ambitieux que ceux produits par la Universal. Grace à son agent, Lew Wasserman (qui allait bientôt devenir l’un des personnages les plus puissants d’Hollywood), Tony obtient d’être prêté pour le nouveau film produit par Burt Lancaster, Trapeze (1956). A la fois vedette et producteur, Lancaster apprécie le professionnalisme de Tony qui se donne sans compter pour devenir un acrobate crédible, même si les tours les plus périlleux seront doublés. Réalisé par Carol Reed, encore auréolé du prestige du Troisième Homme, le film est un succès et le premier où Tony montre vraiment ses capacités d’acteur dramatique. Peu après, Janet donne naissance à leur première fille, Kelly. 

Tony a tellement convaincu Burt Lancaster que celui-ci l’engage pour jouer dans son projet suivant, Sweet Smell Of Success (Le Grand Chantage, 1957), où Tony joue Sidney Falco, un jeune arriviste, qui est en fait bien plus le personnage principal que J.J. Hunsecker, le personnage joué par Lancaster. Si le film a depuis été reconnu comme un classique, cette chronique très noire du monde de la presse est à l’époque un échec. Pourtant il montre une fois de plus que la palette de Tony est plus large qu’on ne le pense.

A Hollywood, chaque fois que je recevais une récompense ou que les journaux spécialisés annonçaient mon engagement dans un nouveau film, je sentais monter la tension au restaurant du studio. J’étais une vedette en Amérique et en Europe ? La belle affaire ! Pour Hollywood j’étais un parvenu, un nouveau riche à la moralité douteuse, sans éducation, sans manières, voire un pédé. A Hollywood, on me traitait comme de la merde. 

Mais ces deux films éveillent l’attention de Kirk Douglas, alter égo de Burt Lancaster, qui lui offre à son tour un rôle dans sa dernière production, Les Vikings (1958). Qui plus est, Janet Leigh remporte le premier rôle féminin. Le tournage est éprouvant. Douglas, qui est un perfectionniste, n’a pas l’habitude de produire des petits films de série B tournés en studio et a tout déplacé sur les lieux de l’action, peu cléments pour les tournages. Mais le résultat est à la mesure des attentes. Le film est certainement le meilleur film médiéval de la décennie et certainement encore aujourd’hui le meilleur film traitant des Vikings. 

Juste après, Tony Curtis joue dans le nouveau film de Stanley Kramer, le cinéaste engagé d’Hollywood, dans l’un des premiers films à dénoncer le racisme, The Defiant Ones (La Chaîne, 1958). Non content d’y accomplir une de ses meilleures performances, Tony impose également le nom de son partenaire Sidney Poitier aux côtés du sien au-dessus du titre, un privilège alors réservé aux vedettes de premier plan, donnant ainsi pour la première fois ce statut à un acteur noir. Après ces deux chef d’oeuvres, la comédie The Perfect Furlough (Vacances à Paris, 1958) de Blake Edwards, à nouveau avec Janet Leigh, fait pâle figure. Puis suit un film de guerre avec Frank Sinatra et Natalie Wood, Kings Go Forth (Les Diables au Soleil, 1958). A la fin de l’année c’est une deuxième fille qui vient au couple Curtis, la petite Jamie Lee.

Mais si les deux comédies que Tony a tourné avec Blake Edwards (Vacances à Paris et L’extravagant M. Cory) n’ont pas marqué l’histoire de la comédie américaine, il en sera tout autre du Some Like It Hot (Certains l’aiment chaud, 1959) de Billy Wilder. Véritable chef d’oeuvre, le film donne à Tony Curtis l’occasion de montrer tout son talent comique en composant trois personnages: Joe, le saxophoniste dragueur, Joséphine la musicienne distinguée, et Junior, le milliardaire parlant comme… Cary Grant. Tony y retrouve Marilyn dans une ambiance entre amour et haine. Le film sera un immense succès. En quatre ans, alors que Marlon Brando enchaîne les navets, Tony a joué dans cinq classiques du cinéma. Cinq chef d’oeuvres où il a démontré être aussi bien capable de jouer la comédie, le drame ou le héros d’aventure, d’être sympathique, abjecte, ambitieux ou hypocrite. Et pourtant Hollywood, la critique et le monde se borne à voir le bellâtre et non l’acteur majeur qu’il est devenu. Cependant, arrivé au sommet, Tony peut s’offrir un petit plaisir. 

Tout marchait si bien pour moi que les studios Universal m’ont demandé de choisir mon prochain film. j’ai dit: « Je veux faire une comédie militaire qui se passera dans un sous-marin. » Ils m’ont dit: « Parfait, on prendra Jeff Chandler ou Robert Taylor pour le rôle du capitaine. » J’ai répondu: « Non, je veux Cary Grant. » Ils m’ont relancé un peu plus tard: « Robert Taylor a très envie de faire ce film et il est prêt à te donner 5% de ses 10% de commission brute. » J’ai dit: « Non, je veux Cary Grant. » C’était ce que je voulais et c’est ce que j’ai eu. 

A nouveau réalisé par Blake Edwards, Operation Petticoat (Opération Jupons, 1959) est une comédie plutôt réussie et, portée par la réputation conjointe de Cary Grant et Tony Curtis, sera également un immense succès.


Cruelles années soixante:

Les années soixante commencent plutôt bien. Tout d’abord, c’est une folle comédie signée George Sidney, Who Was That Lady (Qui était donc cette dame ?, 1960) qui marque la dernière fois que Tony et Janet se retrouveront devant la caméra. Ils sont accompagnés pour l’occasion par Dean Martin. Ensuite, il rejoint l’époustouflante distribution du Spartacus de Stanley Kubrick dans un rôle écrit spécialement pour lui. Le jeune poète Antoninus permet à Tony d’accrocher un nouveau classique à son palmarès, et quel classique, le meilleur péplum de l’histoire du cinéma ! Il tourne dans deux films assez méconnus de Robert Mulligan, l’un des cinéastes les plus intéressant des années 60, The Rat Race (Les Pièges de Broadway, 1960) avec Debbie Reynolds et The Great Impostor (Le Roi des Imposteurs, 1961). Mais c’est également le moment où son mariage avec Janet Leigh prend fin.

Alors que le couple se sépare, il part tourner une adaptation de Tarass Bulba avec Yul Brynner dirigée par J. Lee Thompson. S’il est assez étrange de voir Tony jouer le rôle d’un fils de cosaque, ses origines hongroises en font en fait un choix tout à fait logique. Malheureusement le film peine à reproduire l’aspect épique du roman, mais reste un film d’aventure fort divertissant. Sur le tournage, Tony tombe amoureux de sa jeune partenaire, Christine Kaufmann, qu’il épouse dès son divorce finalisé. Malheureusement, en ce début des années soixante Hollywood est en perte de vitesse. Le système des studios s’effondre face à la montée toujours croissante de la télévision. Pour lutter, ils se lancent dans une série de grosses productions souvent sans âme ou de comédies commerciales sans grande subtilité. C’est dans ce créneau que l’on retrouvera le plus Tony Curtis et ces films effaceront le peu de crédibilité qu’il avait réussi à conquérir à la fin des années cinquante. 

Cependant, Tony s’y montre toujours un comédien convaincant et certains films valent souvent mieux que leur réputation, comme Goodbye Charlie (Au revoir, Charlie, 1964) de Vincente Minnelli où il retrouve Debbie Reynolds. Il retrouve également à deux reprises Natalie Wood , dans Sex And The Single Girl (Une Vierge sur Canapé, 1964) avec également Henry Fonda et Lauren Bacall, ainsi que dans The Great Race (La Grande Course autour du Monde, 1965) de Blake Edwards. Dernière collaboration entre Tony et Edwards, il s’agit probablement de leur meilleure production, même si l’imposant budget y donne un côté ampoulé. C’est également l’occasion pour Tony de retrouver Jack Lemmon, mais cette fois dans le rôle de son ennemi juré. Entretemps, Christine lui a donné une fille, Alexandra. Une deuxième suivra en 1966, Allegra.


Ce ne sont pas le sympathique Boeing Boeing, qu’il tourne avec son ami Jerry Lewis, ou Don’t Make Waves (Comment réussir en amour sans se fatiguer, 1967) où il tourne avec deux des plus belles actrices de l’époque, Claudia Cardinale et Sharon Tate, qui redresseront la barre. Tony est redevenu une vedette commerciale sans intérêt. Alors que le Nouvel Hollywood prend le contrôle et change tous les codes, Tony, comme tant d’autres, se retrouve has-been à à peine quarante ans. Dans la foulée, son mariage avec Christine arrive à son terme. 

 A ce moment-là, les recettes brutes de mes films étaient d’environ soixante millions de dollars. Mais je n’étais pas satisfait de mes derniers films. Ma carrière s’essoufflait. Il me fallait un nouveau défit. Il me fallait un nouveau style de film. Ce fut ‘l’Etrangleur de Boston’. C’est un rôle que je voulais absolument et Richard Fleischer, le réalisateur, me soutenait. Mais Richard Zanuck, le directeur de la 20th Century Fox, n’était pas très chaud: il trouvait que j’avais une tête trop connue.

Et surtout pas la tête de l’emploi. Fort de ses rôles dans des sex-comedy, Tony Curtis n’est clairement plus le rôle auquel on pense pour jouer un tueur schizophrène. Mais il s’enlaidit et les photos finissent par convaincre Zanuck qui ne l’avait pas reconnu. A la sortie, le film est un succès et la performance de Tony sera chaudement applaudie. Cependant, il ne sera pas même pas nommé pour l’Oscar, chose qu’il avait tant espéré et qui le blessera profondément. Il se consolera en se mariant pour la troisième fois, avec Leslie Allen. Mais malgré le film, le Nouvel Hollywood continue de le snober, et Tony devra retourner à des films médiocres qui rencontrent de moins en moins de succès pour payer ses pensions alimentaires.

Le salut artistique viendra de la télévision, puisqu’il est contacté pour devenir avec Roger Moore une des deux vedettes de The Persuaders (Amicalement vôtre). La série rencontrera un très grand succès en Europe, éclipsant aujourd’hui le reste de la carrière de Tony, mais sera reçue avec indifférence aux Etat-Unis, ce qui conduira à son annulation après une seule saison.


La descente aux enfers:


Dès lors, Tony est obligé d’accepter tout et n’importe quoi, d’autant qu’il a eu deux fils avec Leslie, Nicholas et Benjamin. Il sombre dans l’alcoolisme, prend du poids et, sur le tournage de Lepke, en 1975, l’un des rares films de cette période à être digne de son talent, il devient dépendant à la cocaïne. Cette addiction coûteuse l’écartera encore plus des rôle intéressants qui auraient pu s’offrir à lui. Il en vient à tourner dans Sextette, en 1978, le dernier film de Mae West. En revanche il arrive à décrocher un petit rôle dans The Last Tycoon (Le Dernier Nabab, 1976), le dernier film d’Elia Kazan, avec Robert De Niro, Robert Mitchum et Jeanne Moreau. Maigre consolation, mais le film est un échec. Désormais, les seuls films convenables de Tony seront ceux où il a un second rôle. C’est le cas de Little Miss Marker (La puce et le grincheux, 1980) où il retrouve son ancien condisciple Walter Matthau, et The Mirror Crack’d (Le Miroir se brisa, 1980), véritable hommage à âge d’or du cinéma et où il a pour partenaire Rock Hudson, Elizabeth Taylor et Kim Novak, trois autres stars déchues qui trouvent là leur dernier bon rôle. Son mariage avec Leslie s’achève dans la douleur en 1982. 


Finalement, Tony prend la décision d’entrer en cure de désintoxication. Comme tant de stars, il se rendra donc à la clinique Betty Ford qui parviendra finalement à l’extraire de ses démons. Après cela, Tony continue de tourner épisodiquement, généralement des petits rôles en forme de clin d’oeil. C’est plus à la télévision qu’il trouvera des rôles un peu consistants. Mais désormais sa passion c’est la peinture. Comme tant d’autres de vedettes de cinéma, Tony s’est découvert une passion pour cet art mais, contrairement à d’autres, il obtiendra même une certaine reconnaissance comme peintre. Ses vingt dernières années, il les passera comme un homme enfin en paix avec lui-même, malgré la mort de son fils Nicholas en 1994. Après deux mariages éclaires, il épousera sa sixième femme, Jill Vandenberg, en 1998 et avec qui il terminera sa vie. Sa santé devient précaire dans le courant des années 2000 suite à des problèmes pulmonaires récurrents qui auront raison de lui. Le 29 septembre 2010, Tony décédera dans sa maison du Nevada. Il avait quatre-vingt cinq ans et plein de souvenirs dans les yeux.

Commentaires