Hommage à Sean Connery: l'ère Connery chez James Bond

Dr No :
Premier film de la série. Bond n’est pas encore un phénomène, mais tout est mis en place pour qu’il le devienne, comme en témoigne la présentation du personnage dont on ne découvrira les traits qu’un certain temps après son apparition à l’écran (une technique qui sera utilisée plusieurs fois dans les films à venir, y compris dans celui-ci, pour l’apparition du Dr No dont on entendra d’abord la voix, puis les mains pour finalement le découvrir à la fin du film). Sean Connery joue son rôle avec virilité et désinvolture et nous sommes bien vite conquis par le personnage. Le film est une série B (on le sent par certains aspects – notamment pour le casting du méchant qui manque de l’envergure et du charisme qu’aurait pu avoir un acteur plus réputé), mais nous percevons l’ambition de faire plus et rarement les restrictions budgétaires  ne nous sautent aux yeux. Le rythme, l’action et le glamour sont présents, même si on sent que tout le monde prend encore ses marques. Et évidemment l’une des grandes réussites est la présence d’Ursula Andress qui mettra la barre très haut (trop haut ?) de par son apparition et surtout son magnétisme resté inégalé dans la saga (les autres filles seront souvent très jolies, mais manqueront de ce petit quelque chose qui a fait d’Andress une star planétaire… Mais qui hélas ne trouvera que rarement des rôles aussi bons). Bref, toute l’équipe a réussi son pari : donner suffisamment d’intérêt au spectateur pour lui faire souhaiter une suite. 8/10



From Russia With Love :
Le premier film avait lancé le mythe, celui-ci va le peaufiner. L’introduction crée d’ors et déjà la surprise puisque James Bond est assassiné sous nos yeux. Certes, on découvre vite que toute cela n’est qu’une supercherie, mais une chose est sûre : 007 est en danger ! Ce second film marque l’arrivée d’un des passages obligés de chaque James Bond : le pré-générique. Si au fil de la saga ils seront de qualités diverses, celui-ci est certainement un des meilleurs. Le film lance également le SPECTRE, dont l’existence avait déjà été révélée dans le film précédent (et instaurant ainsi une véritable continuité, vu que ces derniers songent à venger la mort de Dr No). La fascination qu’exerce sur nous cette organisation maléfique est exacerbée par la réunion de tous ces criminels maléfiques désignés par des numéros signalant leur hiérarchie. Et surtout le N°1, dont nous n’entendons qu’une voix distinguée et des mains caressants un gros chat blanc. Une image indissociable de la saga (et malheureusement démolie dans You Only Live Twice, mais j’y reviendrai). Si le Dr No faisait très fort méchant de série B et était finalement peu inquiétant, ce n’est pas le cas des méchants qui s’opposeront cette fois à 007. Klebb est une femme démoniaque et prête à tout, encore plus lorsqu’elle est désespérée (son affrontement avec James Bond reste un moment terrifiant). Quant à Grant, il s’agit d’une véritable machine à tuer qui semble indestructible en plus d’être mortellement intelligent. Cette fois-ci, le casting est donc à la hauteur du héros et l’action s’en retrouve renforcée. Qui plus est le choix des seconds rôles est extrêmement pertinent, Pedro Armendáriz en Karim Bey se révélant être peut-être l’allié le plus mémorable sur lequel 007 pourra compter. Et si Daniela Bianchi ne nous fait pas oublier Ursula Andress (seul point sur lequel Dr No reste supérieur à From Russia With Love), elle reste une admirable James Bond Girl. Enfin, le film s’enchaîne sans temps mort par une succession de séquences d’action désormais mythique. Peut-être encore aujourd’hui le meilleur de la saga ? 9,5/10



Goldfinger :
Ce troisième film s’ouvre sur ce qui est sans doute l’un des meilleurs pré-génériques de la saga. Qui plus est celui-ci n’a aucun lien direct avec l’action vu qu’il nous montre l’aboutissement d’une enquête de Bond que nous ne connaissons pas. Le héros prend ensuite des vacances à Miami où il rencontre son futur antagoniste ainsi qu’une jolie jeune femme. Mais alors qu’on était en droit de penser que la ravissante Shirley Eaton allait devenir la James Bond Girl principale du film, Guy Hamilton créé la surprise en la faisant mourir quelques minutes plus tard de manière spectaculaire. Goldfinger semble bien parti pour être un grand cru de James Bond. Hélas, il n’en sera rien. Tout d’abord, la réalisation de Guy Hamilton manque de glamour et classe, contrairement à celle de Terence Young. Aux couleurs chaudes et hollywoodiennes des premiers films cèdent des couleurs froides propres aux films anglais de la même époque (quand elles ne sont pas vulgaires et criardes comme à Miami). Enfin, le film sombre parfois franchement dans le mauvais goût, comme avec les aviatrices du cirque volant de Pussy Galore. Et si Goldfinger paraît inquiétant lors de la séquence de mise à mort par laser où l’on se demande bien comment 007 va se tirer d’affaire, il n’est la plupart du temps qu’un gros bonhomme grotesque chez qui on a bien du mal à déceler dans l’attitude l’intelligence machiavélique d’où est né son plan. Le film inaugure aussi une « tradition » qui m’énerve profondément dans la saga. Ainsi, Felix Leiter qui dans Dr No était un beau brun, est dans Goldfinger un américain moyen vieillissant. Et son look continuera d’évoluer dans la saga…Il y a bien sûr de très bonnes idées dans Goldfinger (l’Aston Martin, le personnage d’Odjob et même une James Bond Girl au départ antagoniste au héro et franchement allergique à ses charmes – même si Honor Blackman est moins charismatique qu’une Andress, une Bianchi ou une Eaton, mais c’est aussi le rôle qui veut ça), mais on reste globalement un cran en dessous des deux premiers films. J’ai donc du mal à comprendre pourquoi ce film est souvent cité comme le meilleur de la saga, si ce n'est pour sa chanson-titre désormais mythique. 7/10



Thunderball :
Ce quatrième film voit l’heureux retour de Terence Young à la réalisation (et donc le retour de la classe et du glamour). Le pré-générique est cette fois sur un ton ouvertement humoristique (les initiales JB, le travestissement du Colonel, le petit engin permettant à Bond de s’élever dans les airs), mettant plus l’accent sur un aspect tape à l’œil que sur un aspect haletant. Mais dès le générique fini, on retrouve le côté haletant qui avait fait le charme de From Russia With Love avec le retour du SPECTRE. Si le N°1 est toujours aussi mystérieusement représenté, le N°2 nous est présenté. Un certain Largo (au physique qui n’est pas sans rappeler un certain DSK) qui va rapidement se montrer un adversaire particulièrement dangereux. Le plan qu’il met en œuvre pour le SPECTRE est particulièrement adroit et il n’hésite pas à prendre directement part à l’action. On découvre aussi Fiona Volpe, chargée des exécutions pour le SPECTRE aussi belle que dangereuse. L’action devient véritablement exaltante aux Bahamas, lorsqu’on sent Bond sur la piste, mais sans qu’il arrive vraiment à trouver les preuves qu’il recherche. Les scènes sous-marines sont de toute beauté. Enivrés par la réussite de celles-ci, l’équipe à malheureusement prolongé inutilement la bataille finale qui se trouve de ce fait trop longue. Le seul défaut du film. Et au niveau James Bond Girls nous sommes servis. Nous avons déjà signalé la mortelle Fiona, mais comment ne pas s’extasier devant la superbe Domino (incarnée par Claudine Augier), sans conteste une des plus belles James Bond Girl de la série. Bref, une nouvelle réussite et il est regrettable que Young n’ait plus officié derrière la caméra par la suite. 9/10



You Only Live Twice :
Avec quatre films, Bond est véritablement devenu un phénomène. Jamais un héros n’avait duré aussi longtemps avec un tel succès (et c’est sans doute lui qui a lancé la mode des franchises). Pour l’heure nous retrouvons pour la cinquième fois Sean Connery dans la peau de 007 pour un film qui dans mon souvenir était le plus faible avec l’acteur. Evidemment, comme souvent lorsqu’on reste sur un mauvais souvenir, une nouvelle vision permet de retrouver les points  forts qu’on avait oublié au profit des points faibles, tandis que cette fois l’effet de déception n’est plus là. Et au finale, il est plutôt pas mal ce cinquième opus, même si l’on retrouve bon nombre de défauts. Le premier est peut-être le pré-générique. Celui-ci commence avec une longue introduction à l’enquête et fini par une brève mise à mort de James Bond. Il est dommage que la séquence ne se soit pas focalisée d’avantage sur les circonstances ayant conduit Bond dans ce lit mortel et de laisser le rapt de la capsule spatiale pour après le générique. Il me semble que le tout aurait eu plus de poids. Le cadre asiatique est en revanche très exotique et dépaysant. On sent effectivement un côté plus ludique (l’hélicoptère Nellie, le bureau sous-marin de M, James Bond cajolé par toutes les jeunes asiatiques) que l’on retrouvera plus tard dans les films avec Roger Moore. Mais, le problème majeur c’est hélas Sean Connery. L’acteur a pris un gros coup de vieux depuis Thunderball. Son visage s’est empâté, il est obligé de se teindre les cheveux et il est fort possible qu’il soit agrémenté d’une postiche. Mais surtout il ne sourit plus. Fini l’air canaille et séducteur, le héros semble s’essouffler et surtout, son absence d’autodérision (qui était quand même déjà présent dans les Bond de Connery et ce bien avant Moore) qui atténuait les situations machos le fait parfois même paraître comme un gros beauf. L’autre problème est que les méchants ne sont pas à la hauteur. Osato dont le maquillage blanc se sent à 20 mètres semble là pour décorer. Pire, avec la rousse assassine Helga Brandt, ils semblent avoir voulu faire une seconde Fiona Volpe. Ce n’est absolument pas subtile d’autant que c’est en plus raté : Karin Dor n’est pas aussi charismatique que Luciana Paluzzi. Et surtout, son personnage semble être une version Gaston Lagaffe de Fiona. Ses tentatives d’assassinats sont des échecs flagrants, là où Fiona s’était montrée meurtrière à plusieurs reprises, Bond n’ayant échappé que de justesse à ses griffes. Du coup, on n’est pas surpris que le N°1 l’élimine rapidement. Mais le véritable ratage du film, c’est justement le N°1. Cet homme qui a dirigé des personnes aussi dangereuses et charismatiques que Klebb ou Largo, ce véritable génie du crime qui dirige une organisation aussi audacieuse que le SPECTRE, ce personnage dont le charisme dissimulé avait attisé notre curiosité dans From Russia With Love et Thunderball… n’est autre qu’une petite frappe affublée d’un énorme cicatrice aussi horrible que caricaturale. Quelle déception ! Donald Pleasance est un très bon acteur pour les rôles de personnages fourbes et troubles, mais ici, c’est du charisme et de la suavité d’un James Mason ou d’un George Sanders dont nous avions besoin ! Concernant les James Bond Girl, les deux asiatiques sont très mignonnes. Et si le personnage de Kissy est un peu caricatural, il faut à mon avis plus en blâmer le scénario qui la fait se balader dans l’action finale (alors que, ayant averti le Tigre, il ne lui était pas obligatoire de revenir) en bikini et sans arme : donc un vrai poids mort. Le film souffre également du même défaut que dans Thunderball : afin de rentabiliser le décor spectaculaire de l’intérieur du volcan, l’action finale est bien trop longue et surtout sans aucun réel suspense. 7,5/10



Diamonds Are Forever :
La chute de popularité du précédent James Bond (même si on est loin d’un échec) a refroidi les studios. Comme Lazenby avait d’ors et déjà proclamé qu’il ne ferait pas de second James Bond, les producteurs sont sommés de récupérer Sean Connery à n’importe quel prix s’ils veulent qu’un 7ème film voit le jour. Connery revient donc, et semble cette fois reprendre plaisir à jouer James Bond. Cependant, si c’est avec plaisir que l’on retrouve le vrai 007, force est de constater que celui-ci a encore pris un sérieux coup de vieux. Enrobé et un peu voûté, l’agent secret semble proche de la retraite. Mais ce n’est que façade comme le prouve la fantastique bagarre dans l’ascenseur ou l’escalade d’un building. Autre fait notable est le changement radical du ton du film. Si jusqu’au film précédent le ton était résolument 60’s, avec ce film-ci, James Bond entre fermement dans les années 70’s et ses nouvelles modes. Plus encore que You Only Live Twice, Diamonds Are Forever montre le ton que la série va prendre dans les films à venir. Peut-être est-ce dû à l’arrivée du scénariste Tom Mankiewicz. Si Guy Hamilton ne m’avait pas franchement convaincu dans Goldfinger, il signe ici un très bon film, et si le mauvais goût est parfois encore présent (le personnage de Plenty O’Toole – horriblement traduit en français – et même la James Bond Girl principal), celui-ci s’insère beaucoup mieux dans le film. Pour la troisième fois Blofeld change de tête. Cette fois-ci, c’est Charles Gray qui s’y colle. S’il possède une suavité qui faisait défaut aux précédents interprètes, il lui manque une certaine envergure et surtout, il semble beaucoup moins dangereux que le personnage de Terry Savalas. S’il n’atteint pas les sommets d’un From Russia With Love ou d’un Thunderball, Diamonds Are Forver reste cependant l’un des meilleurs James Bond de l’ère Connery. 8,5/10

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