Thin Lizzy
Lorsqu’on parle du
rock irlandais, on cite volontiers U2 ou les Cranberries. Pourtant ceux-ci
n’auraient peut-être pas eu la carrière que l’on sait si Thin Lizzy ne leur
avait pas ouvert la porte. Considérés comme le groupe d’un ou deux tubes aux
USA, Thin Lizzy n’a jamais véritablement réussi à devenir un grand nom du rock
comme Deep Purple ou Status Quo, même si depuis ils ont obtenu un statut de
légendes maudites en Europe. Mais
Thin Lizzy n’est pas le premier groupe irlandais à avoir connu le succès. Avant
eux il y a eu Them, le groupe de Van Morrisson célèbre pour le titre "Gloria". C’est justement dans
Them qu’a brièvement joué le guitariste Eric Bell avant que celui-ci décide de
former un groupe avec deux jeunes musiciens, le batteur Brian Bowney et le
bassiste et chanteur Phil Lynott.
Avec sa dégaine de
métis rappelant un peu Jimi Hendrix, Lynott va bien vite s’imposer comme leader
du groupe en en devenant le compositeur principal. Le premier album sobrement
appelé Thin Lizzy et le deuxième, Shades Of A Blue Orphanage, passent
assez inaperçus malgré la très belle voix de Lynott. Il leur manque un titre
phare pour passer à la radio et se distinguer des autres groupes blues rock de
l’époque. On remarque cependant déjà l’intérêt de Lynott pour le folklore
irlandais dans certaines de ses paroles. C’est justement en enregistrant une
version rock d’une chanson traditionnelle irlandais, "Whiskey In The
Jar" que le groupe remporte son premier succès. S’il n’est pas ce que
Lizzy fera de mieux, le titre devient numéro 6 au Royaume-Unis et leur permet
de passet à la célèbre émission Top Of The Pops. Malheureusement l’album
suivant Vagabonds Of The Western World
se vend mal malgré la présence du très bon "The Rocker" qui montre
une tendance à adopter un son plus Hard Rock. Déçu, Eric Bell quitte le groupe.
C’est Gary Moore,
guitariste virtuose et ami de Lynott qui le remplace. Il commence même à
enregistrer avec le groupe avant de les quitter pour privilégier une carrière
solo. Voulant mettre toutes les chances de leur côté, Thin Lizzy engage cette
fois deux guitaristes, le très jeune Brian Robertson et l’américain Scott
Gorham. C’est avec eux que le groupe adopte définitivement un son hard rock,
mettant de côté le répertoire des premiers albums à l’exception de "The
Rocker". Malheureusement le
nouvel album Nightlife ne
montre pas ce changement de direction et le groupe est déçu du son beaucoup
trop soft. Malgré tout l’album contient la ballade "Still In Love With
You", un classique enregistré avec Gary Moore.
Fighting corrige le tire et
montre pour la première fois les guitares harmonisées qui deviendront leur
signature. L’album est le premier à se classer dans les charts britanniques.
Conscient d’être sur la bonne voie, le groupe persiste avec Jailbreak qui regorge de classiques avec
la chanson titre, "Emerald" et surtout "The Boys Are Back In
Town". Ce dernier titre devient un hit en Angleterre mais aussi aux
Etats-Unis où il se classe à la douzième place. Pour le groupe, il s’agit de lancer immédiatement à la
conquête du marché américain afin de ne pas laisser redescendre le soufflé.
Hélas, Phil Lynott tombe malade et la tournée est avortée.
Thin Lizzy retourne
alors en studio et sort Johnny The Fox
qui remporte un nouveau succès en Europe notamment avec le titre "Don’t
Believe A Word" mais on retrouve également d’autres excellents titres
comme "Massacre" ou "Johnny The Fox Meet Jimmy The
Weed". Hélas la tournée
américaine est une nouvelle fois annulée lorsque Brian Robertson se blesse la
main dans une bagarre. Furieux,
Lynott remplace Robertson par Gary Moore mais celui-ci ne reste que le temps de
quelques concerts malgré les supplications de Lynott. C’est donc Scott Gorham
qui se chargera de l’essentiel des parties guitares de Bad Reputation, même si Robertson réintègre le groupe à la fin des
sessions. L’album est un nouveau succès en Grande-Bretagne mais le marché
américain semble les avoir bel et bien oublié. La tournée est cependant
immortalisée avec Live & Dangerous
qui reçoit un bel accueil et qui est le parfait témoignage de la période
classique du groupe. Témoignage mais aussi testament puisque Brian Robertson
est cette fois viré pour de bon.
Souvent, lorsque
l’histoire de Thin Lizzy est racontée, Live
& Dangerous est considéré comme le chant du cygne et les dernières
années, vues comme une lente
agonie, sont rapidement traitées. Et pourtant, musicalement le meilleur est à
venir. C’est à nouveau Gary Moore
qui est appelé à la rescousse pour remplacer Robertson et cette fois, il
participe pleinement à l’enregistrement. Sortit en 1979, Black Rose est l’album le plus abouti que le groupe ait composé jusqu’alors.
Les influences celtes sont plus présentes que jamais notamment sur la chanson
titre, véritable fresque composée par Lynott et Moore à partir de chansons
traditionnelles. Le groupe commence également à adopter un son plus proche du
Heavy Metal et moins typé hard rock des années 70, comme sur "Waiting For
An Alibi" ou "Got To Give It Up".
L’enregistrement
est cependant marqué par la consommation grandissante de drogues par Lynott et
Gorham. Excédé, Moore plaque le groupe en pleine tournée et est remplacé au
pied levé par Midge Ure (oui oui, le futur leader d’Ultravox) le temps de finir
la tournée. Lorsque le temps est revenu de retourner en studio c’est Snowy
White, qui était guitariste de tournée de Pink Floyd, qui est choisi comme
second guitariste. Moins ambitieux que son prédécesseur, Chinatown continue à proposer une musique proche de celle des
groupes de la NWOBHM qui montent en puissance à l’époque. Malgré tout, l’album
est une réussite commerciale en Grande-Bretagne et des titres comme "Chinatown"
et "Killer On The Loose" peuvent être considérés comme des
classiques. Pour la tournée, Thin Lizzy s’adjoint les services de Darren
Wharton aux claviers qui ne tarde pas à devenir un membre permanent du groupe. L’album
suivant, Renegade, se vend mal
peut-être car moins Heavy que son prédécesseur. Pourtant, il peut être
aujourd’hui être considéré comme un des meilleurs albums du groupe avec de
petits bijoux comme "Angel Of Death", "Renegade" et
"Hollywood".
Conscient qu’il
leur faut quelqu’un de plus en phase avec le Heavy Metal à la mode, Lynott
laisse partir le trop sage Snowy White et recrute à la place John Sykes un
jeune prodige de la guitare qui avait quitté son groupe Tygers Of Pan Tang pour
auditionner sans succès pour Ozzy Osbourne. Cependant dès le début des
séances Phil Lynott prévient le
groupe qu’il a l’intention de dissoudre Thin Lizzy après la sortie de l’album
et une tournée d’adieux. Les drogues l’ont usé et il en a assez de se battre
pour une carrière qui n’a jamais vraiment complètement décollé. Pourtant le
groupe semble galvanisé par l’énergie et le talent de Sykes. Lorsque Thunder & Lightning sort en 1983,
jamais le groupe n’a sonné aussi Heavy. Ne comportant presqu’aucun titre faible
et même s’il reste un peu oublié face aux classiques des 70’s (la pochette
hideuse n’arrangeant rien), il s’agit sans doute du meilleur album du groupe.
Et l’ont peut regretter que cette formation de Thin Lizzy n’ait pas persévéré. La
qualité des concerts est également au rendez-vous comme le prouve l’album Life/Live, véritable voyage à travers la
carrière du groupe et qui dépasse sans problème Live & Dangerous par son intensité, même s’il n’attendra jamais
son statut mythique.
Après la séparation,
chaque membre vaque à divers projets. Phil Lynott surtout qui essaye sans
succès une carrière solo (où il retrouve souvent les membres du dernier line-up
de Thin Lizzy). Fin 86, une réunion de Thin Lizzy avec Gorham, Downey, Sykes et
Wharton semble sur les rails, mais la santé de Lynott est au plus mal à cause
de l’abus de drogues et il décède au début de l’année 87. Les membres des
diverses incarnations du groupe se retrouveront à plusieurs reprises jusqu’à ce
qu’en 96 John Sykes et Scott Gorham reforment le groupe avec Downey et Wharton.
Sykes, brillant chanteur, remplace Lynott au micro lors d’une série de concerts
ayant pour but de rendre hommage à l’héritage glorieux du groupe. Il finira
cependant par les quitter en 2009. Gorham essaye alors de convaincre Brian
Robertson de revenir mais sans succès.
A la place, il intègrera divers musiciens plus jeunes réputés. Désireux
d’enregistrer de la nouvelle musique mais ne souhaitant pas s’attirer les
foudres de fans hostiles, Gorham change le nom en Black Star Riders tandis que
Downey et Wharton décident de ne pas participer au nouveau projet. Black Star
Riders aura du mal à ne pas sonner parfois comme du Thin Lizzy réchauffé mais
c’est une autre histoire. Depuis Lynott est devenue une icône du rock irlandais
même s’il demeure encore trop méconnu en dehors des frontières de son pays
natal.
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