Top 5 du confinement dans le cinéma américain

Mettre des personnages dans un lieu clôt. Une idée forcément beaucoup employée au théâtre qui trouvera son chemin au cinéma lors d'adaptations de certaines de ces pièces (pensons à The Petrified Forest par exemple, le film (et la pièce) qui révèlera Humphrey Bogart. Alors que certains se préparent au déconfinement (temporaire ou définitif, l'avenir le dira), voyons comment nous pourrions expliquer, retrouver les deux mois que nous avons passés dans des classiques du cinéma américain en cinq films et un préambule. Le tout avec une bonne dose de second degré !

En préambule…

0. Panic In The Streets (Panique dans la rue) d’Elia Kazan - 1950
Avec Richard Widmark, Paul Douglas, Barbara Bel Geddes, Jack Palance, Zero Mostel…

Résumé: Un émigré clandestin est assassiné par ses partenaires de poker. Mais l’autopsie révèle qu’il était atteint de la peste. Le Docteur Reed, responsable du service sanitaire, et le capitaine Warren de la Police vont devoir effectuer une course contre la montre pour retrouver toutes les personnes ayant été en contact avec la victime, à commencer par les assassins, et ce avant que l’épidémie ne devienne incontrôlable.

Cela sonne familier ? Eh oui. On retrouve notre mois de mars dans ce film. Le scepticisme initial, la tension qui monte alors que les faits deviennent évidents, et surtout comment éviter la panique tout en prenant les meilleurs décisions ? Pas facile lorsque chaque minute compte.


1. The Shinning de Stanley Kubrick - 1980
Avec Jack Nicholson, Shelley Duvall, Danny Lloyd et Scatman Crothers

Résumé: L’écrivain Jack Torrance est engagé pour servir de gardien d’un hôtel isolé du Colorado pendant tout l’hiver. Il s’y installe avec sa famille, sa femme Wendy et son fils Danny, ce dernier ayant des dons de médiums. Celui-ci est hanté par de terribles visions tandis que Jack, n’arrivant pas à avancer dans l’écriture de son livre, bascule peu à peu dans la folie…

L’adaptation culte du roman de Stephen King a évidemment beaucoup été pointée du doigt pendant cette période. Pourtant d’emblée les Torrance font figure de privilégiés: un très grand espace pour trois personnes, possibilité d’aller à l’extérieur dans un joli cadre, plusieurs sources de distraction. On pourrait dire qu’ils font partie de ces gens qui ont préféré fuir la ville pour être confiné à la campagne. Comme tant d’autre, Jack Torrance s’est dit qu’être confiné allait enfin lui permettre d’avancer dans sa création artistique, que ce soit l’écriture d’un roman (son cas), d’une pièce ou d’une symphonie. Comme tant d’autres, Jack allait se rendre compte que le temps ne suffisait pas et que si l’on dit souvent que l’ennui stimule la créativité, l’inactivité l’atrophie. On le verra, Jack ne vivra pas très bien son confinement. Comme quoi, tout n’est pas qu’un question d’espace mais aussi d’atmosphère du lieu. Le film nous rappelle également combien il doit être dur d’être confiné avec un mari violent, une femme hystérique ou des parents abusifs.

Le cadre du « coincé dans un lieu clôt » convenant parfaitement bien aux films d’horreur/fantastique, on en trouvera de nombreux exemples comme The Thing de John Carpenter (une station polaire) ou Alien de Ridley Scott (un vaisseau spatial).


2. Rear Window (Fenêtre sur cour) d’Alfred Hitchcock - 1954
Avec James Stewart, Grace Kelly, Thelma Ritter…

Résumé: Photograph de grands reportages, Jeff Jefferies s’est cassé la jambe, ce qui l’oblige à rester dans son petit appartement de New York en pleine canicule. La monotonie de ses journées n’est troublée que par les visites de son inénarrable infirmière Stella et de sa ravissante petite amie mondaine Lisa. Entre les deux, il s’occupe en observant la vie des différents voisins des appartements d’en face. Mais un soir, Jeff se rend compte qu’il se passe des choses bizarre au sein du couple Thorwald, la femme a disparue et le mari agit étrangement…

Autre film qui apparait comme une évidence, Rear Window n’a pourtant pas (ou peu) été cité lorsqu’il était question de trouver des parallèles dans la fiction. Peut-être parce que beaucoup de monde a aujourd’hui du mal à imaginer qu’il y a pu avoir des films intéressants avant Jaws. De prime abord, Jeff Jefferies ne semble clairement pas faire partie des privilégiés du confinement. Son appartement est minuscule (ce qui logique, normalement il n’y presque jamais) et la promiscuité avec les nombreux voisins étouffante. Jeff va pourtant mieux tirer son parti que Jack. Il faut dire qu’il a plus de chance. Non seulement sa fiancée est plus jolie, mais en plus elle n’est pas confinée avec lui, des attestations lui permettant de faire une fois par jour l’allée-retour entre chez elle et chez lui. Pas d’ambition créatrices non plus chez Jeff, à part celui que cette situation se termine au plus vite (hélas, le confinement se retrouvera prolongé pour cause d’imprudence). De se fait, il se trouve une distraction moins éprouvante psychologiquement: observer ses voisins (qui ne sont pas du genre à applaudir tous les soirs à 20h). Quoi de plus distrayant de stimuler sa créativité en imaginant les trous de ce qu’il aperçoit.

3. The Desperate Hours (La Maison des Otages) de William Wyler - 1955
Avec Humphrey Bogart, Fredric March, Arthur Kennedy, Martha Scott…

Résumé: Le gangster Glenn Griffin s'évade de prison avec trois complices. Attendant de l'argent pour sa fuite, il se réfugie dans la maison des Hillard, famille bourgeoise sans histoire. Mais la situation se prolonge, exacerbant la tension entre famille et gangsters, alors que l'étau de la police se ressert...

Une famille confinée avec des gangsters, quelques promenades journalières sont permises (avec son petit-ami pour la jeune fille, au bureau pour le père - le télétravail n'existait pas en 1955). Pas question en revanche pour le gamin d'aller à l’école. The Desperate Hours nous montre surtout la difficulté de la cohabitation pendant le confinement. Sur le plan de la cohabitation familial, Daniel Hillard va se rendre compte, comme tant de parents dans ces circonstances, que son jeune fils est bien plus désobéissant et stupide qu’il ne le pensait. Eh oui, mais si on lui expliquait un peu plus les choses et qu’on le corrigeait et forçait un peu plus à obéir en temps normal (comme ça semble clairement ne pas être le cas) au lieu de craindre de le traumatiser (les Américains avaient décidément de l’avance sur nous et pas dans le bon sens…), bien des choses auraient pues être évitées. Daniel déplorera sans doute aussi que sa fille ne lui ait pas obéi en allant loger chez une amie (en 1955, le petit ami c’était hors de question, ce ne serait plus le cas aujourd’hui) parce que bon, sept dans une maison, certes confortable, cela fait beaucoup. Mais la plus grande difficulté c’est évidement de cohabiter avec des gens qui ne sont pas sa famille et dont souvent on voit les défauts s’exacerber. Glenn est manipulateur et parfois violent, Hal en pince un peu trop pour la fille de la maison, mais le pire est évidemment Sam qui dévalise le frigo (alors qu’il est si compliqué d’aller faire des courses) et se met à tout casser lorsqu’il est de mauvaise humeur.

4. Boule de Feu (Ball Of Fire) de Howard Hawks - 1941
Avec Gary Cooper, Barbara Stanwyck, Dana Andrews…

Résumé: Huit savants, chacun dans leur domaine spécifique, vivent dans la même maison le temps de rédiger une longue encyclopédie pour une fondation privée. Le travail prend du temps et le linguiste Bertram Potts désespère lorsqu’il se rend compte que son article consacré à l’argot est obsolète. Les savants dénichent une chanteuse de cabaret au vocabulaire fleuri, mais en la faisant habiter avec eux, c’est faire entrer le loup dans la bergerie.

La cohabitation semble mieux se passer chez nos savants que chez les Hillard. Evidemment, à part Potts, ils ont tous un âge vénérable, celui où l’on prend les choses avec philosophie. Leur promenade quotidienne à l’extérieur leu suffit. Il y a bien le problème qu’on menace de leur couper les vivres (les propriétaires ne sont pas toujours tendres dans ses temps difficiles), mais le charme de Potts semble le tenir à distance. Evidemment, faire entrer une inconnue, sans respecter les distances de sécurité (mais vraiment pas), ne pouvait manquer de créer une certaine tension au sein de la collocation. Surtout lorsqu’il s’agit d’une femme au milieu d’hommes dont la vénérabilité semble soudain s’être envolée.

5. Sorry, Wrong Number (Raccrochez, c’est une erreur) d’Anatole Litvak - 1948
Avec Barbara Stanwyck, Burt Lancaster, Ed Begley…

Résumé: Hypocondriaque, Leona Stevenson reste cloîtrée chez elle. Cherchant à contacter son mari par téléphone, elle tombe sur un mauvais numéro et entend malencontreusement deux personnes planifier un meurtre. Peu à peu, elle commence à se demander si elle ne serait pas la victime de ce meurtre dont le commanditaire serait son mari…

Leona résume bien la paranoïa qui a saisi une partie de la population (une autre étant restée dans l’indifférence - heureusement quelques uns sont dans le juste milieu), craignant que la mort soit à chaque coin de rue si l’on sort. Ceux-là même qui décomptent en reniflant les morts de chaque jour, ayant sans doute oublié que des milliers de personnes mourraient quotidiennement d’autres causes. Mais si Leona en fait trop, panique vite, elle a raison de ne pas oublier que la situation n’est pas sans risque.

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