Ginger Rogers (1911-1995)


Une enfance rocambolesque:

L’enfance de Ginger Rogers semble être un roman feuilleton dont l’héroïne sera sa mère, Lela Owens, pour qui elle éprouvait une admiration sans borne. Fille aînée d’une famille de petits bourgeois d’origine galloise habitant au Texas, Lela a dix-sept ans lorsqu’elle tombe amoureuse de William McMath, un séduisant ingénieur de douze ans son aîné. Convaincant à contre coeur ses parents de le laisser l’épouser, Lela se rend vite compte que William n’est pas le Prince charmant qu’elle s’était imaginée. Après un premier enfant décédé lors d’un accouchement difficile, Lela décide que son prochain enfant naîtra dans les conditions qu’elle souhaite. Elle n’a pas encore vingt ans, mais, refusant l’aide de ses parents, elle quitte son mari et part s’installer à Independence dans le Missouri. Après la promesse d’un emploi de secrétaire commençant deux semaines après son accouchement, Lela accouche le 16 juillet 1911 d’une petite Virginia.

Cumulant les rôles d’employée et de jeune maman, Lela a la peur de sa vie lorsqu’au printemps suivant son bébé est enlevé pendant quelques minutes laissé sans surveillance. Après d’intenses recherches, il s’avère que c’est William qui l’a enlevée pour l’amener chez lui à St. Louis. Sans se laisser désarmer, Lela part à son tour récupérer la petite Virginia. William réessayera deux ans plus tard et Lela intentera alors des poursuite judiciaires et divorcera enfin officiellement. Virginia ne verra plus jamais son père. Lela a cependant d’autres ambitions que de rester secrétaire. En 1915, elle écrit une pièce de théâtre qui gagne un prix local et décide de tenter sa chance comme scénariste à Hollywood (elle sera engagée par la Fox). Consciente que la capitale du cinéma n’est pas le meilleur endroit où emmener une très petite fille, Lela confie Virginia à ses parents.

Chez ses grands parents, Virginia est en bonne compagnie. La plus jeune de ses tantes est une toute jeune adolescente et une autre de ses tantes est revenue habiter chez parents avec ses deux filles, à peine plus jeunes qu’elle. C’est d’ailleurs l’une d’elle qui ne sachant pas prononcer « Virginia » fera plusieurs tentative qui aboutiront à « Ginger » qui deviendra son surnom. A cette époque, elle fait également sa première apparition à l’écran dans une publicité pour un opticien. En 1917, la vie professionnelle de sa mère l’ayant amenée à New York, elle y fait venir sa fille. Toute petite fille, elle découvre émerveillée Broadway. Mais cette période est de courte durée. Lela veut s’investir dans l’effort de guerre et rejoint l’armée. Virginia retourne chez ses grands-parents. Lorsqu’elle retrouve sa mère une fois la guerre terminée et le service de sa mère achevé, c’est pour rencontrer son nouveau beau-père, John Rogers.

Mon affection pour cet homme merveilleux qui devenait mon papa n’a jamais changé. Bien qu’il ne m’ait jamais adopté, ça me semblait naturellement d’utiliser son nom.


Virgina McMath est donc devenue Ginger Rogers sans qu’aucun publiciste d’Hollywood n’en soit responsable.


Tomber dans la marmite vaudeville:

Le nouveau travail de Lela est critique de théâtre. Ginger se retrouve donc à fréquenter les coulisses et les salles de spectacles. Elle se prend de passion pour les comédiens de vaudeville (différent de ce que nous appelons vaudeville en France ou en Belgique). Ils effectuent des petites saynètes comiques, chantées et dansées qui la captivent et lui donnent rapidement envie de faire pareil. En coulisse, elle reçoit ses premiers cours de danse. Au fur et à mesure qu’elle grandit, elle fait ses premières expériences. Elle remplace des danseuses et joue dans une pièce amateur que sa mère a écrite spécialement pour elle.

En 1925 elle gagne le concours de concours de meilleure danseuse de Charleston du Texas. Ce prix va lui permettre de faire une tournée de l’état pour laquelle elle forme la troupe Ginger Rogers And The Redheads avec une autre danseuse et un danseur, bien évidemment managée par Lela. Après la tournée organisée par le concours, la troupe continue pendant un an et demi dans tout le pays. Elle commence également à poser pour des photos. Souvent elle doit paraitre plus jeune que son âge (même si elle n’a que quatorze ans). Une expérience qui allait l’aider plus tard.

En 1928, les frères Skouras l’engagent pour jouer dans leur théâtre à St. Louis. Ces prestations attirent l’attention de Paul Ash, une idole de music-hall qui lui propose d’apparaître avec lui à l’Oriental Theater de Chicago pour un duo à la fois comique et chanté. Cela se passe si bien qu’elle le suit à New York pour jouer au Paramount Theater. Mais en 1929 elle épouse son béguin d’enfance, Edward Jackson Culpepper, dit Jack Pepper. Un chanteur qu’elle avait connu du temps où il flirtait avec sa plus jeune tante qui était venue vivre chez elle. Lela est furieuse. Non seulement elle voit se reproduire le schéma qu’elle avait elle-même expérimenté (les âges concordent), mais en plus ce mariage voit Ginger mettre un terme à sa carrière qui s’avérait prometteuse.

Quelques mois de mariage suffisent à faire comprendre à Ginger qu’elle a fait une bêtise. Jouer lui manque et se contenter de jouer l’assistante en coulisse d’un chanteur la frustre. Qui plus est Pepper est alcoolique. Rapidement, elle se décide à le quitter et, se réconciliant avec sa mère, elle reprend sa carrière. Bien lui prit: elle trouve ses premiers rôles dans des courts-métrages mais surtout trouve un rôle à Broadway. En décembre 1929, un second rôle dans la comédie musicale Top Speed lui permet  d’accéder au rêve de tant d’acteurs américains. Dans la troupe, elle fait la connaissance d’un des danseurs, Hermes Pan, qu’elle sera amenée à revoir bientôt. Cette percée la fait repérer par le producteur Walter Wanger, un des gros pontes de la Paramount qui lui fait signer un contrat de sept ans. Cependant, elle ne doit pas aller jusqu’à Los Angels. A l’époque, des tournages de moindre importance ont lieu à New York. Son premier film sera Young Man Of Manhattan, en 1930, dont la vedette est Claudette Colbert. Elle a droit à une chanson et à un peu de dialogue, généralement plein de sous-entendus. Mais combiner une carrière à l’écran et à la scène n’est pas sans heurts.

Je m’étais habituée à une vie où les grasses-matinées étaient la norme. J’allais rarement me coucher avant deux heures du matin et ne me levaient pas avant dix heures et demi ou onze heures. (…) Mais tout changea lorsque je commençai à tourner des films. Je devais me trouver au maquillage à sept heure du matin. J’avais de la chance ; si j’avais dû être grimée j’aurais dû arriver plusieurs heures plus tôt.

Mais la jeune fille, consciente de sa chance, tient bon, malgré le peu d’heures de sommeil. Et cela paie. Si elle rate le premier rôle d’un spectacle du mythique Florenz Ziegfeld parce que la vedette Al Jolson impose sa petite amie, elle est retenue pour la nouvelle comédie musicale écrite par les frères Gershwin, Girl Crazy. Elle n’a que dix-neuf ans et les compositeurs prodiges lui écrivent spécialement « But Not For Me » qui sera une des chansons phares du spectacle. Un danseur en vue viendra donner un petit coup de pouce pour les danses. Et c’est la première fois, lors d’une répétition, que Ginger se retrouve à danser avec Fred Astaire. Mais pour l’heure personne, à commencer par elle, n’a l’idée qu’il s’agit d’un moment historique. Quelques temps après, les deux auront une brève liaison. Dans la distribution, on retrouve également Ethel Merman dont c’est le premier grand rôle à Broadway. Quant à l’orchestre, il comprend Gene Krupa, Benny Goodman, Glenn Miller, Jimmy Dorsey et Roger Edens. Rien que ça ! Parfois, George Gershwin lui-même rejoint l’orchestre, que ce soit comme chef d’orchestre ou comme pianiste.

La distribution était toujours toute en affaire lorsque nous savions que George était dans la fosse ; il y a avait de l’électricité dans l’air lorsque nous jouions et chantions avec et pour notre compositeur.

Malgré ce sujet à Broadway, ses rôles au cinéma continuent à être dans des séries B où elle tient un second rôle comique comme dans Honor Amongs Lovers en 1931 avec à nouveau Claudette Colbert mais aussi Fred MacMurray. Aussi lorsque Pathé lui propose un contrat de trois films elle n’hésite pas à convaincre (sans grand mal) Walter Wanger de casser son contrat. Certes Paramount est un studio bien plus important que Pathé, mais ces derniers lui proposent de tourner à Hollywood. Une fois fini les représentations de Girl Crazy, elle divorce officiellement de Jack Pepper et part pour Hollywood.


Les débuts d’une Reine du glamour:

S’ils sont bien payés, les trois films qu’elle tourne pour Pathé se révèlent assez minables. Ginger se console en se disant qu’en ces temps de crise, elle est privilégie d’avoir un tel salaire. Mais la scène lui manque et elle trouve l’opportunité de retourner à Broadway le temps d’une revue. Une fois son contrat terminé, la voici actrice indépendante, ce qui n’est pas évident pour trouver des engagements au début des années 30. Heureusement, elle commence à sortir avec Mervyn Leroy, l’un des réalisateurs vedettes de la Warner. Celui-ci l’aide à trouver des seconds rôles chez ces derniers: la comédie musicale 42d Street (42ème Rue, 1933) est son premier film d’envergure et la voit incarner une chorus girl, tandis que le classique Gold Diggers Of 1933 s’ouvre sur elle et la chanson « Where’s The Money ». De quoi marquer les esprits malgré un rôle très bref. Comme par exemple la Columbia qui lui fait passer un bout d’essai. Si elle n’est pas retenue, son essai est envoyé à la RKO qui l’engagent pour trois films. Entre temps, Mervyn Leroy rompt pour épouser la fille d’Harry Warner et Ginger se console avec Howard Hughes. Si elle est déçue d’être doublée pour les chansons de Professional Sweetheart, toujours en 1933, elle est enchantée d’être prêtée à Universal pour Don’t Bet Love. En effet, elle rencontre enfin le comédien Lew Ayres sur lequel elle fantasmait depuis qu’elle avait vu l’adaptation de A l’ouest rien de nouveau.


Entre les deux acteurs, c’est le coup de foudre. Hughes est vite oublié et ils commencent une liaison. Si au final ce ne sont pas moins de dix films qu’elle tourne pour la seule année 1933, seul un sera déterminant. Flying Down To Rio (Carioca) est pour la RKO l’occasion de produire un film musical d’envergure. Si la vedette est Dolores del Rio, Ginger obtient la quatrième place sur l’affiche, juste au dessus du petit nouveau engagé par le studio, Fred Astaire. Ce sera l’unique fois que son nom à elle précédera son nom à lui. Il est vrai que Ginger est déjà une actrice de cinéma confirmée alors que Fred n’en est qu’à son deuxième. Du film ce sera leur duo à deux que le public retiendra, l’épique numéro « The Carioca » qui fera du film un succès.

Très vite, il devient donc évident pour la RKO qu’il leur faut capitaliser sur ce duo. Les droits pour la comédie musicale The Gay Divorcee, un grand succès pour Fred et sa soeur à Broadway, sont achetés, même si au final pas grand chose n’en sera gardé. Même les chansons du génial Cole Porter, à l’exception du classique « Night And Day ». 

J’eus l’écho que Fred n’était pas trop heureux de cette proposition. Il avait été en duo avec Adele pendant si longtemps qu’il avait peur d’être à nouveau coincé au sein d’un autre duo. Si je pouvais comprendre ses sentiments, je ne les partageais pas. Je n’en avais aucune raison, car j’avais l’opportunité d’apparaitre dans des films non-musicaux. Pour chaque film que j’ai fait avec Fred Astaire, j’en faisais trois ou quatre sans lui. Notre duo n’était limité que dans son cas, pas dans le mien. Fred n’avait pas le même luxe que moi: il était une star de comédie musicale, point.

Mais comment résister après le succès de The Gay Divorcee (La Joyeuse Divorcée, 1934) qui se retrouvera même nommé pour l’Oscar du meilleur film. Il remportera l’Oscar de la meilleur chanson pour « The Continental », tentative de refaire une nouvelle danse épique. S’il est encore assez maladroit, The Gay Divorcee lance la formule: une réalisation par Mark Sandrich, des seconds rôles récurrents et drôles comme Edward Everett Horton. Tout semble réussir à Ginger puisque le 14 novembre 1934 elle se marie avec Lew Ayres. Elle a cependant la surprise le jour de son mariage de recevoir une demande de son agent, Leland Hayward. Inutile de dire qu’elle refusa. Peu après elle tourne son troisième film avec Fred, Roberta (1935) de William A. Seiter, qui n’utilise pas encore la formule car mis en place avant le succès de The Gay Divorcee. De ce fait, la vedette est Irene Dunne, tandis que Randolph Scott partage également l’affiche. Mais il est évident que ce sont Fred et Ginger qui sont au centre de l’intrigue.

La préparation d’un numéro de danse demande de nombreuses heures difficiles d’efforts créatifs. Heureusement, j’adore répéter. J’ai même plus de plaisir à répéter un numéro qu’à l’interpréter. L’inspiration vient pendant la préparation et l’on recherche les meilleurs figures à danser. Pendant l’interprétation, on le fait une fois et puis c’est tout.

Ces numéros de danse ce sont Fred qui les créée avec Hermes Pan, l’ancien danseur de Top Speed. Mais Ginger sera souvent responsable des idées les plus originales qu’ils danseront à deux et souvent consultée lorsque les chorégraphes se retrouvent dans une impasse créative.


Fred et Ginger, un duo mythique:


Juste après Roberta, elle est prêtée à la prestigieuse MGM pour Star Of Midnight (L’étoile de minuit, 1935) qui lui donne la possibilité de tourner avec William Powell, la nouvelle star comique du studio. Puis elle retrouve toute l’équipe de The Gay Divorcee pour Top Hat (Le danseur du dessus, 1935). Le numéro « Cheek To Cheek », quintessence du romantisme du duo, sera pourtant l’occasion d’une crise puisque Fred Astaire passera par le réalisateur pour obliger Ginger à changer de robe. L’actrice tint bon et tous durent conclure, après avoir vu les images, que le choix était excellent. Top Hat est à nouveau un énorme succès, mais ne remportera aucun des quatre Oscars pour lesquels il était nommé.

Pour Follow The Fleet (En suivant la flotte, 1936), le duo quitte quelque peu le cadre des hôtels de luxe pour les night clubs. L’entente avec Mark Sandrich devient de plus en plus tendue pour Ginger. L’actrice sent bien que le réalisateur n’a aucun intérêt pour son travail et n’a d’yeux que pour Fred. Mais d’autres personnes ne sont pas du même avis, comme le Président Franklin Roosevelt qui l’invite à danser lors d’une fête privée. Bien que d’un autre bord politique, Ginger acceptera. Mais Sandrich n’est pas le seul problème de Ginger. En effet, alors qu’elle est devenue une des plus grandes vedettes d’Hollywood, elle se rend compte que la RKO la paye moins bien que les seconds rôles masculins du studio. Devant cette injustice sexiste, l’actrice refuse de reprendre le travail tant que son salaire n’a pas été revu à la hausse. Grâce au soutien du producteur Pandro S. Berman, responsable des meilleurs films du studio dont ceux de Fred et Ginger, la direction finit par céder.

L’autre satisfaction est que Swing Time (Sur les ailes de la danse, 1936) n’est pas dirigé par Sandrich, mais par George Stevens, réalisateur qui plus est plus talentueux. Ginger y reçoit un rôle plus intéressant et plus de dialogue. Enfin elle se sent devenir autre chose que « la partenaire de Fred Astaire ». Ce film restera son préféré et peut être considéré comme le meilleur du duo. En privée, malheureusement les choses vont moins bien. Si le mariage avait commencé comme sur un nuage, Ginger et Lew commencent à s’éloigner l’un de l’autre. Ginger en veut à Lew d’avoir demandé un mariage sous le régime de la séparation de biens, y voyant un manque de confiance. De plus, Lew aime les fêtes hollywoodiennes alcoolisées, ce qui n’est pas de son goût à elle qui a l’alcool en horreur. Et puis, la situation s’est inversée. Si Lew avait été un comédien prometteur au moment de A l’ouest rien de nouveau, sa carrière n’avait finalement jamais décollé plus que ça, stagnant dans des premiers rôles de série B et des seconds rôles de série A. Ginger au contraire était devenue star n°3 au Box Office grâce à ses films avec Fred. De quoi probablement donner un coup à l’égo de Lew.  En mai 1936, elle décide de le quitter.

Ginger se sent également frustrée comme comédienne. Elle veut montrer qu’elle n’est pas qu’une actrice de comédie mais qu’elle peut également aborder de vrais rôles dramatiques. La RKO va justement monter un production prestigieuse sur l’histoire de Marie Stuart avec Katharine Hepburn dans le rôle titre et John Ford à la réalisation. Le rôle de la Reine Elisabeth a été proposé par la RKO à de nombreuses actrices (dont Bette Davis - ce qui échouera pour des raisons d’accords entre studios), mais pas à elle. Avec la complicité de son agent, elle décide de se déguiser et se faire passer pour une comédienne anglaise pour passer une audition. Son teste s’avère convaincant, mais la ruse est éventée et sévèrement critiquée dans la presse à scandale par Louera Parsons. Préférant éviter une mauvaise publicité, la RKO confiera le rôle à la moins connue Florence Eldridge. Heureusement pour Ginger: l’échec du film ne lui sera pas imputé.

Elle retourne donc aux comédies musicales avec Fred et tourne Shall We Dance (L’Entreprenant Mr Petrov, 1937). Si malheureusement Mark Sandrich est de nouveau aux manettes, le film est intéressant, et pour la première fois le duo interprète des chansons des frères Gershwin, écrites en plus spécialement pour le film. L’une des danses les plus célèbres du film sera celle en patins à roulettes, une idée de Ginger. Est-ce que le bout d’essai en Elisabeth avait malgré tout convaincu la RKO qu’il y avait moyen de faire autre chose avec Ginger ? Quoiqu’il en soit, elle sera opposée à Katharine Hepburn dans Stage Door (Pensions d’artistes, 1937), un succès qui lui permet de montrer ses talents aux côtés d’une partenaire chevronnée. De ce fait, on lui en offre d’autres. Si Having A Wonderful Time (Vacances payées, 1938) n’est pas une réussite, ayant atténué l’humour juif de la pièce à cause de la censure, Vivacious Lady (Mariage Incognito, 1938) sera une comédie pétillante à succès qui la voit retravailler avec George Stevens (avec qui elle entamera une liaison) et avoir la valeur montante James Stewart comme partenaire.

Son succès comme actrice solo va peu à peu mettre fin à son duo avec Astaire, surtout que les deux derniers films du duo marcheront moins bien. Film suivant la mode des screwball comédies, Carefree (Amanda, 1938) pâtit certainement de la réalisation peu inspirée de Mark Sandrich (George Stevens eu été plus indiqué). Le film, qui offre quasiment le rôle principal à Ginger cette fois, aurait dû être en couleurs, mais le manque de budget les verra finalement revenir au noir et blanc. The Story Of Vernon And Irene Castle (La Grande Farandole, 1939), plus dramatique que leurs films précédents, les voit incarner des personnages existants. Ginger doit supporter les exigences d’Irene Castle qu’elle incarne à l’écran et qui aurait préféré un autre choix. Après ce film, sans qu’il n’y ait jamais vraiment eu de discussions en ce sens, les chemins de Fred et Ginger iront chacun de leur côté.


Une actrice de renom:

Car effectivement les films suivants tournés par Ginger, les comédies Bachelor Mother (Mademoiselle et son bébé, 1939) avec David Niven et Fifth Avenue Girl (La fille de la cinquième avenue, 1939), sont tous les deux des succès. Primrose Path (Le Lys du Ruisseau, 1940) qui, après Stage Door et Fifth Avenue Girl, continuait sa collaboration fructueuse avec le réalisateur Gregory La Cava lui offre son premier vrai rôle dramatique. Pour celui-ci elle se teint les cheveux en brun au grand dam de la RKO, se créant un nouveau look. Le remake américain du film Bonne Chance de Sacha Guitry, Lucky Partners (Double Chance, 1940) lui offre l’opportunité de jouer avec son idole de jeunesse, Ronald Colman.

Son divorce avec Lew étant officialisé et sa romance avec George Stevens terminée, elle renoue avec Howard Hughes. Ils se fiancent mais le milliardaire devient de plus en plus possessif et contrôlant. Lorsqu’elle apprend qu’il la trompe avec une starlette, Ginger en profite pour rompre cette relation qui devenait de plus en plus toxique. Au même moment on lui donne à lire le livre Kitty Foyle. Si le tourner tel quel ne lui dit rien car elle le trouve trop osé, le scénario de Dalton Trumbo l’atténue pour la censure. Séduite par ce dernier, elle accepte de le tourner. Réalisé par Sam Wood, c’est un triomphe et son rôle lui vaudra un Oscar alors qu’elle était en compétition avec les pointures Bette Davis et Katharine Hepburn. La comédie Tom, Dick And Harry (Ses trois amoureux, 1941) lui permet de retrouver un rôle plus léger et d’obtenir un nouveau succès, achevant de faire d’elle l’actrice la plus populaire du moment.

C’est ensuite un autre rôle fort qu’elle incarne dans Roxie Hart (La folle histoire de Roxie Hart, 1942) de William A. Wellman. Un film dont le succès est aujourd’hui quelque peu éclipsé par celui de la comédie musicale qu’il a inspiré: Chicago. Si rétrospectivement Ginger se mordra le doigts d’avoir laissé passé le scénario de Billy Wilder et Charles Brackett, Ball Of Fire (le rôle ira à Barbara Stanwyck), elle se montre prête à tourner dans le scénario suivant du duo qu’on lui propose, The Major And The Minor (Uniformes et Jupons courts, 1942). Si elle a quelques réticences du fait que Billy Wilder n’a encore aucune expérience comme réalisateur, celui-ci a tôt fait de la convaincre qu’elle sera en de bonnes mains. Le fait de devoir jouer une jeune femme se faisant passer pour une fille de douze lui rappelle en plus les temps où elle faisait de même à ses débuts. Un autre aspect du film ne sera pas pour lui déplaire: Lela incarne sa mère. Pouvait-on rêver meilleur choix. Après plusieurs rendez-vous (à l’écran…) manqués, la voilà enfin partenaire de Cary Grant dans Once Upon A Honneymoon (Lune de Miel mouvementée, 1942) de Leo McCarey.

En janvier 1943 elle épouse Jack Briggs, un jeune soldat qu’elle avait rencontré lors des visites que les vedettes faisaient dans les casernes pour divertir les soldats en ces temps de guerre. Hélas, il doit retourner au combat et les tournages de Tender Comrade (1943) d’Edward Dmytryk et Lady In The Dark (Les Nuits ensorcelées, 1944) de Mitchell Leisen, qui se passent mal, ne l’aident pas à oublier son inquiétude. Adapté d’une comédie musicale de Kurt Weill et Ira Gershwin, Lady In The Dark sera son premier film en couleur, même si elle n’apprécie malheureusement pas l’apparence qu’on lui a choisie. Elle s’amusera bien plus en enregistrant  sur disque l’histoire de Alice au Pays des Merveilles pour le compte de Walt Disney.

Restant l’une des actrices les plus prisées en ces temps de guerre, elle enchaîne avec deux autres succès commerciaux: I’ll Be Seeing You (Etranges vacances, 1944), un mélodrame avec Joseph Cotten et Shirley Temple pour les studios Selznick et un remake de Grand Hotel, Week-End At The Waldorf (Week-End au Waldorf, 1945) avec Lana Turner et Walter Pidgeon, pour la MGM. Avec la fin de la guerre, elle retrouve son mari. Mais Jack a été traumatisé par les combats et le retour à la vie normale est difficile, le faisant plonger dans l’alcoolisme. Un climat privé bien triste et bien loin de la romance Heartbeat (Un coeur à prendre, 1946) de Sam Wood, un remake du célèbre Battement de coeur avec Danielle Darrieux. Son deuxième contrat avec la RKO prend fin et la voici actrice indépendante, le studio étant désormais sur la pente descendante. Alors qu’elle se prépare à divorcer de Jack, elle reçoit une demande inattendue: remplacer Judy Garland dans The Barkleys Of Broadway qui la verrait de ce coup retrouver… Fred Astaire.

J’étais enchantée ! Ma première réaction fut de commencer à m’exercer, à m’assouplir, à m’étirer, à retravailler mon souffle. Retrouve ses chaussons de danse après dix ans d’interruption n’est pas chose facile. Ça ne se fait pas en un jour. Mais cela faisait du bien de retrouver cette rigueur. (…) Quand les répétitions commencèrent, j’étais prête.

Si retrouver Fred lui plait, elle se rend bien compte que le film n’est pas du niveau de leurs meilleurs productions au niveau des chansons. En effet, après avoir chanté et dansé les chansons de George Gershwin, Irving Berlin, Cole Porter et Jerome Kern, ce qu’on lui propose ici lui semble bien plat. Elle propose donc de reprendre une ancienne chanson de Gershwin, « They Can’t Take That Away For Me » qui deviendra le moment fort du film.


La maturité d’une actrice:

Pourtant, malgré ces retrouvailles, l’étoile de Ginger semble commencer à pâlir. Elle ne réussit pas à convaincre la MGM de l’engager pour l’adaptation de la comédie musicale d’Irving Berlin Annie Get You Gun, lui préférant Judy Garland puis, lorsque celle-ci tombera à nouveau malade, Betty Hutton. Peut-être la MGM jugeait-elle qu’à presque quarante ans elle ne convenait plus ? Ginger décide de soigner sa déception en retournant au théâtre. Justement on lui propose de jouer Love And Let Love, la dernière pièce du dramaturge français Louis Verneuil. Si le projet la séduit, elle se rend compte rapidement qu’elle a fait une erreur, la comédie n’est pas très drôle (sans doute dû au fait de voir un auteur francophone écrire en anglais) et le résultat est, sans surprise, un échec.

Les films qu’on lui propose ne sont guère plus intéressant, même si elle est la vedette de la comédie à grand spectacle We’re Not Married! (Cinq mariages à l’essai, 1952), surtout notable pour avoir vu l’un des premiers rôles importants de Marilyn Monroe. Bien supérieur sera un autre film auquel participe Marilyn: Monkey Business (Chérie, je me sens rajeunir, 1952) de Howard Hawks. Hawks pourtant ne voulait pas d’elle, préférant une comédienne plus jeune. Peut-être lui gardait-il également rancune d’avoir refusé deux de ses films (His Girl Friday et Ball Of Fire). Quoiqu’il en soit le tournage se passe bien et lui permet de renouer avec Cary Grant. Tous les deux avaient été attirés l’un par l’autre, mais n’avaient jamais été disponibles au bon moment. Ils projettent de se retrouver en France, lorsque que Cary aura fini ses autres engagements, mais entre temps Ginger sera tombée folle amoureuse de Jacques Bergerac, un français de seize ans son cadet. Monkey Business ne sera pas, malgré sa grande qualité, un succès. Ce sera le dernier grand film auquel elle participera. Lorsque Jacques la rejoindra en Californie, elle finira par accepter de l’épouser.

Je me demandais pourquoi un homme pouvait sans problème épouser une femme plus jeune alors que les gens fronçaient les sourcils lorsqu’une femme se mariait avec un homme plus jeune. Je ne l’ai jamais compris. Qui cela regarde-t-il à part les deux personnes impliquées ? A moins que cela ne soit de la jalousie.

Jacques ayant renoncé à sa carrière d’avocat pour devenir acteur, elle l’impose dans son film suivant,Twist Of Fate (Meurtre sur la Riviera, 1954) qui a justement pour cadre les lieux de leurs premiers amours. Elle créée ensuite la surprise en jouant, dans Black Window (La Veuve Noire, 1954) avec une distribution comprenant également Gene Tierney et Van Heflin, une criminelle. Elle se réjouit également de partager l’affiche avec le grand Edward G. Robinson dans Tight Spot (Coincée, 1955) où elle se retrouve à nouveau à contre-emploi. Elle remplace ensuite Mae West dans The First Travelling Saleslady (La VRP de choc, 1956) qui la voit revenir pour la dernière fois à la RKO (que l’échec du film contribuera à ruiner). Dans la distribution, elle croise un autre débutant appelé à devenir célèbre: Clint Eastwood.


En 1957, sa carrière cinématographique est au plus bas. Son mariage aussi et elle divorce de l’infidèle Jacques Bergerac qui lui préfère des actrices plus jeunes (il épousera Dorothy Malone deux ans plus tard). Se détournant un peu du cinéma, elle fait des apparitions à la télévision mais surtout veut refaire de la scène. Elle joue également un numéro de night club à New York qu’elle reprendra l’année suivante à Las Vegas. Elle accepte également de jouer dans la pièce Pink Jungle, avec également Agnes Moorhead. Si elle est consciente de certaines faiblesses, elle imagine que celles-ci seront corrigées par l’auteur lors des répétitions et des villes où la pièce sera rodée avant d’arriver à New York. Mais rapidement, l’auteur se désintéresse du projet, tout comme le producteur. Devant leur manque d’investissement, ne croyant plus au projet et désirant éviter un nouvel échec, Ginger décide de quitter le projet avant l’arrivée à New York.

Plus satisfaisant, elle peut enfin réaliser son rêver de jouer dans Annie Get Your Gun en participant à une tournée estivale en 1960. Peu après, elle rencontre l’acteur William Marshall dont le principal fait d’arme sont ses mariages précédents avec les vedettes françaises Michèle Morgan et Micheline Presle. Méfiante lorsqu’il la demande en mariage, elle lui demande s’il a tendance à boire. Lui ayant répondu que non, l’actrice, naïve et crédule accepte de l’épouser en mars 1961. Evidemment, Ginger se rend rapidement compte qu’il lui a menti. Pire, criblé de dettes, il lui emprunte de l’argent. Mais l’actrice qui a déjà divorcé quatre fois ne peut se résoudre à divorcer une nouvelle fois. Du coup, elle fait beaucoup de tournées théâtrales d’été pour renflouer les caisses. Elle accepte également à contre coeur de jouer dans la première production de son mari, Quick, Let’s Get Married (The Confession, 1964). Un rôle qu’elle déteste et qu’elle incarne à contre coeur. Le tournage est une catastrophe et le film un échec. Pour comble, sa qualité de femme du producteur la voit se retrouver brouiller avec de vieux collaborateurs comme le réalisateur William Dieterle, le scénariste Allan Scott et son partenaire Ray Milland.

Après avoir joué la Reine dans la version télévisée de 1965 du Cendrillon de Rodgers & Hammerstein, elle joue dans Harlow (1965), une biographie de Jean Harlow avec Carol Lynley dans le rôle titre. Tourné en huit jours, le film est forcément bâclé. Ce sera hélas son dernier rôle au cinéma. Triste manière de conclure une riche carrière.

Hollywood allait dans une direction complètement différente, une que je ne voulais pas suivre. Je sentais que le genre de films qui avaient fait ma carrière n’était plus le genre de films qu’Hollywood s’intéressaient à produire. Je décidai de revenir à mon premier amour, la scène, pour satisfaire mes besoins de jouer.


Retour triomphal à la scène et dernières années:

En 1965, on lui propose de reprendre le rôle principal de Hello, Dolly! l’une des comédies musicales les plus populaires de Broadway à l’époque. D’abord réticente, elle finit par remplacer Carol Channing, qui avait créé le rôle. Pendant un an et demi, le spectacle se joue à guichet fermé, obtenant encore plus de succès qu’avec Channing. Elle part en tournée en 1967, avant de céder sa place la même année à Betty Grable, son contrat touchant à sa fin. Elle a à peine le temps de souffler qu’elle est amener à apparaître dans le rôle principal de la version londonienne deMame, la comédie musicale rivale de Hello, Dolly!, en 1969. Pendant quatorze mois, le spectacle se joue à Londres. Un projet d’adapter le spectacle en français pour le jouer à Paris voit le jour, mais celui-ci est au final annulé.

Alors qu’elle s’est rendue à Paris dans la perspective d’y jouer Mame, elle prend la décision de divorcer de William Marshall. L’alcoolisme n’est plus la seule cause. A présent, il lui a dérobé non seulement ses bijoux mais aussi… sa Rolls ! Elle retourne alors faire diverses apparitions à la télé pour payer ses factures. Le début des années septante la voit jouer pendant des périodes plus réduites d’autres comédies musicales à succès comme Coco, No No Nanette, 40 Carats. Elle devient aussi un temps consultante de mode pour JC Penney, la firme créant même un ligne de lingerie à son nom.

Mais le désir d’avoir un nouveau spectacle bien à elle la guette et en 1975 elle crée The Ginger Rogers Show, une revue où elle reprend les grandes chansons de sa carrière. Le succès est immense. Non seulement elle tourne pendant cinq ans dans tous les Etats-Unis, mais aussi à l’étranger. Mexico, Montréal, Londres, Sidney, Paris ou Bueno Aires seront des villes qui auront la chance de l’accueillir. Au milieu de ces réjouissances surgit le drame de sa vie, lorsque Lela, sa mère, décède en 1977 alors qu’elle est en pleine tournée. Elle est également la vedette du gala pour les 90 ans du Moulin Rouge à Paris.

Prenant de l’âge, les années quatre-vingt la verront moins actives. Quelques petites tournées qui ne se passeront pas très bien (Anything Goes, Miss Moffat) mais surtout ses débuts comme metteure en scène pour une version provinciale de Babes In Arms. Son autobiographie est publiée en 1991 et en 1992 elle est honorée au Kennedy Center. Ayant vendu son ranche bien aimé dans l’Oregon qu’elle avait acquis dans les années 30, elle partagera le reste de ses jours entre la Californie et l’Oregon (dans une maison plus pratique) avant de nous quitter le 25 avril 1995 à l’âge de 83 ans de causes naturelles. 


Sources:

Ginger, My Story de Ginger Rogers

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