Kirk Douglas (1916-2020)


Le fils du chiffonnier:

C’est dans la ville d’Amsterdam, dans l’état de New York, que naquit le petit Issur au sein d’une famille pauvre d’émigrés Russes. Ses parents ont fuit les percussions des juifs, alors sanglantes au sein de l’Empire russe, mais surtout la guerre contre le Japon qui aurait obligé Herschel, le père, à combattre. Arrivant deux ans après son mari, Bryna, la mère, donnera d’abord naissance à trois filles avant ce fils unique… auquel succéderont encore trois filles. C’est donc dans un environnement très féminin que sera élevé Issur Danielovitch, d’autant que Herschel qui doit énormément travailler pour faire vivre cette famille nombreuse, n’est pas beaucoup au domicile familiale. Tailleur de formation, Herschel s’était toujours révélé malhabile dans cet exercice, et c’est ainsi qu’il devint chiffonnier.

Ramasser ce dont les autres ne veulent plus: dure façon de gagner sa vie ! Même dans Eagle Street, dans le quartier le plus pauvre de la ville, là où les gens luttaient durement pour survivre, le chiffonnier était tout en bas de l’échelle. Et moi, j’étais le fils du chiffonnier.

Issur comprend donc rapidement qu’il est tout en bas de la pyramide sociale. Au lieu de le décourager, cela lui donne une conviction: il ne pourra que monter. Cette ascension nécessitait une américanisation. L’école se chargera de lui apprendre l’anglais, lui qui jusque là ne s’exprimait qu’en dialecte yiddish. Comme toute sa famille, il se retrouve avec un nom anglicisée. Issur devient ainsi Isadore, un nom qu’il déteste presqu’autant que le diminutif qui lui est associé: Izzy. Danielovitch disparait aussi, remplacé par Demsky, nom que le frère aîné de son père avait reçu en arrivant en Amérique. Mais outre la pauvreté, Issur-Izzy est confronté à deux autres épreuves. L’absence totale de communication dont fait preuve son père et l’anti-sémitisme alors bien installé dans toutes couches de la société (y compris, comme il le dira plus tard, chez les juifs eux-mêmes). Est-ce ce besoin de montrer à son père qu’il existe, associé à sa volonté de voir changer le dégoût qu’inspirait un juif pauvre en admiration qui donneront les germes de sa future vocation ?

J’ai toujours voulu devenir acteur, et il me semble que cela a débuté le jour où, au jardin d’enfants, j’ai récité un poème: Le Rouge-gorge du printemps. Les gens ont applaudi. J’ai aimé le bruit que cela faisait.

Il commence à jouer dans quelques productions scolaires. Mais, alors qu’il entre tout juste dans l’adolescence, ses soeurs aînées commencent à gagner suffisamment d’argent pour offrir à la famille un logement un peu plus confortable. Blessé dans son orgueil de mâle, Herschel décide de rester dans l’ancienne maison, éloignant encore plus Issur de ce père dont il recherche tant l’affection. Comme tant d’autres de ses futurs confrères c’est chez un professeur qu’il recherchera le soutien qui lui manque chez lui. Louise Livingston est son professeur d’anglais au lycée. Auprès d’elles, Issur ose pour la première fois se confier sur ses rêves d’une carrière de comédien. Celle-ci lui recommande d’apprendre un métier et de s’instruire plus considérablement afin d’obtenir la densité nécessaire à l’acteur. Pendant ses années de lycée, Issur  enchaîne les petits boulots afin d’économiser pour entrer à l’université. Tentant sa chance à l’Université de Saint Lawrence il réussi à obtenir un prêt ainsi qu’un travail pour payer ses études ainsi que le logement nécessaire. Si certains se révélaient assez physiques comme l’usine de métallurgie, d’autres étaient plus proches de ses aspirations futurs. Ainsi, il faut engagé comme machiniste dans un théâtre professionnel où il fit la connaissance d’un comédien appelé à devenir célèbre, Karl Malden.

Après quatre années à l’université, il était finalement temps pour Issur-Izzy de tenter sa chance à New York. Mais avant, il lui fallait terminer sa mutation. Pas question de rester Izzy Desmky, ce nom dans lequel il ne se reconnaît pas et qui continue à le confronter au mur de l’anti-sémitisme. Au théâtre où il travaille, on s’amuse pendant une après-midi à lui chercher un nom. Le choix s’arrêta sur Kirk Douglas. Arrivant à New York, il change officiellement de nom avant de s’inscrire à l’Académie américaine d’Art dramatique, à l’époque l’école de théâtre la plus réputée des Etats-Unis. Reçu à l’audition, il lui faut à nouveau travailler pour payer ses études. Durant sa seconde année, il suit les cours du tyrannique Charles Jehlinger qui le pousse à sortir de sa zone de confort et à travailler d’arrache-pied. Il fait également deux rencontres qui allaient s’avérer décisive. Tout d’abord sa camarade de promotion Diana Dill avec qu’il entretient vite une liaison, mais aussi une toute jeune élève de première année, Betty Perske, qui ferait bientôt parler d’elle comme Lauren Bacall.


Les débuts aux théâtre:

En juin 1941, je quittai l’Académie américaine d’Art dramatique, mon diplôme en poche. J’avais fait quatre ans d’université et deux d’art dramatique pour pouvoir devenir acteur de théâtre. En dernière année, des agents artistiques venaient assister aux représentations de l’Académie. Aucun ne voulu m’engager. (…) Tel est le côté pathétique de notre profession: le rejet. Il y a un effet terrible, dévastateur. La douleur ne disparaît jamais: on croit qu’on va obtenir un rôle ; on rappelle ; on reçoit des promesses. Et puis ce rôle, on ne l’a pas.

Après quelques déceptions et beaucoup de ténacité, Kirk finit par trouver un rôle dans une pièce d’envergure, Spring Again, où il doit jouer un télégraphiste chantant. En refusant les avances du metteur en scène Guthrie McClintic il perd la possibilité de jouer un des jeunes premiers dans Les Trois Soeurs d’Anton Tchekhov qu’il met en scène avec certaines des plus grandes vedettes du théâtre de l’époque. Bon perdant, McClintic lui propose malgré tout de rester comme assistant et lui rajoute même un peu de figuration. Ravalant son orgueil, Kirk accepte ce travail au rabais pour pouvoir observer des grands professionnels comme Katharine Cornell, Ruth Gordon et Judith Anderson au travail.

Mais la guerre arrive et désireux de combattre, Kirk s’engage dans la marine. Assigné comme officier de transmissions dans les unités de lutte anti-sous-marins, il comprend cependant rapidement que la guerre n’a rien à voir avec les chansons joyeuses de son enfance.

La guerre est une perte de temps imbécile: des jeunes gens sur un bateau qui traquent d’autres jeunes gens et cherchent à les envoyer par le fond.

C’est pendant la guerre cependant qu’il reprend contacte avec Diana Dill. Partie pour Hollywood, celle-ci n’avait pas rencontré le succès espéré et était devenue mannequin à New York. C’est en la voyant dans le magazine Life qu’il décide de reprendre contact avec elle. Les deux jeunes gens se voient entre permissions pour l’un et séances de photos pour l’autre et se marient en 1943. Lorsqu’il rentre d’une campagne éprouvante dans le Pacifique, c’est pour apprendre que Diana est sur le point d’accoucher d’un petit Michael. La chance sourit ensuite à Kirk Douglas puisqu’il se retrouve assez rapidement à remplacer Richard Widmark dans Kiss & Tell, une comédie à succès qui lui permit de ne plus avoir de soucis à se faire… Du moins jusqu’à ce que - désireux de participer à une création - il les quitte pour jouer dans une nouvelle pièce qui fit un four. Pourtant il arrive à remporter le premier rôle de On The Town, la nouvelle comédie musicale de Leonard Bernstein. Hélas, le stress de tenir un premier rôle, lui complètement novice dans le monde de la comédie musicale, lui fait avoir une extinction de voix qui ne sera guérie que lorsque les producteurs, aux pieds du mur, le firent remplacer.


Les déconvenues au théâtre continuent de s’accumuler pour Kirk et son mariage avec Diana commence à en pâtir. La chance va pourtant lui sourire, mais pas de là où il l’attendait. En effet, son ancienne admiratrice Betty Perske est depuis devenue une star de Hollywood sous le nom de Lauren Bacall. Celle-ci souffle son nom au producteur Hal B. Wallis qui cherche encore le premier rôle masculin pour le prochain film de Barbara Stanwyck. Refusant d’abord, ne se voyant pas acteur de cinéma, il finit cependant par accepter pour subvenir aux besoins de sa jeune famille. Mais en arrivant à Hollywood, Kirk a la désagréable surprise d’apprendre que son rôle a entre temps été distribué au plus célèbre Van Heflin. On lui propose le second rôle masculin pour lequel il postule avec quatre autres acteurs issus du théâtre dont Montgomery Clift et Richard Widmark. C’est heureusement lui qui fut retenu et, bien que tourné pendant une grève délicate au sein des studios, The Strange Love Of Martha Ivers (L’Emprise du crime, 1946) permit au novice de commencer son apprentissage du jeu cinéma auprès des chevronnés Stanwyck et Heflin. Mais après la fin du tournage, il a la frustration de voir que Wallis n’est pas pressé de lui confier un autre rôle. Il retourne alors au théâtre, mais suite à une nouvelle déconvenue, il est forcé de revenir à Hollywood. Que ça lui plaise ou non, c’est comme acteur de cinéma et non de théâtre que son destin lui sourira.


Les chemins de la célébrité:

Quand il retourne à Hollywood, c’est pour y jouer le méchant dans Out Of The Past (La Griffe du passé, 1947) mettant en vedette Robert Mitchum et Jane Greer. Un classique du film noir où Douglas est marquant malgré un rôle assez en retrait au point qu’il le catalogue rapidement comme le « jeune salaud ». C’est également ce type de rôle qu’il tourne dans I Walk Alone (L’Homme aux abois, 1948) dont la vedette est son futur ami Burt Lancaster. C’est sur ce film que commence sa réputation d’acteur difficile puisqu’il conteste la première fin du film, insipide selon lui, pour en proposer une plus consistante… qui finira par être retenue. Après ce film, probablement conscient du potentiel de sa nouvelle recrue, Wallis essaye de lui faire signer un contrat de cinq ans. Mais l’idée d’être lié par contrat durant une durée aussi longue (pourtant le rêve et l’habitude chez les acteurs de cinéma de l’époque) ne lui plait guère et, malgré la venue future d’un deuxième enfant (Joel), Kirk préfère à la sécurité des payements hebdomadaires conserver sa liberté.

Après quelques films sans intérêt, il est heureusement sauvé par Joseph Mankiewicz qui le fait tourner dans A Letter To Three Wives (Chaînes conjugales, 1949). Après ses rôles de salauds ou de lâches, c’est un véritable contre-emploi pour Kirk qui y incarne un jeune professeur intellectuel s’accommodant du fait que sa femme gagne plus d’argent que lui. Un rôle qui semble plus que jamais d’actualité aujourd’hui. Juste après, on lui propose d’être le troisième rôle d’un film à gros budget de la MGM avec Gregory Peck et Ava Gardner. Kirk préfère accepter le rôle principal de Champion (Le Champion, 1949) film produit par le débutant Stanley Kramer. Bien lui en prit. Champion lui donnera ses premiers galons de stars (et lui permettra d’être nommé aux Oscars) tandis que le film de la MGM fit un flop. Mais si la carrière de Kirk Douglas prend enfin son envol, son mariage avec Diana arrive dans l’impasse. Mariés trop vites, les disputes sont fréquentes depuis des années, ce que n’arrangent pas les aventures de Kirk avec certaines de ses partenaires. Voyant que la tension commence à être pénible pour leurs enfants, ils prennent la décision de se séparer, à l’amiable, fait rare à Hollywood.

Suite au succès de Champion, la Warner courtise Kirk pour le prendre sous contrat. Toujours réticent, l’acteur fait trainer les choses ; pourtant les deux premiers films que lui proposent Jack Warner le séduisent tellement qu’il se décide à accepter. Mais au final, le traitement fait à Young Man With A Horn (La Femme aux chimères, 1950) réalisé par Michael Curtiz le déçoit. Il a cependant le plaisir d’apprendre à jouer de la trompette et travailler avec son amie de jeunesse Lauren Bacall. Kirk qui avait aimé le livre déplore le traitement trop léger qui y est fait du racisme, notamment en donnant le rôle d’un personnage à l’origine noir à Doris Day, tout comme la fin invraisemblable. La déception est encore plus grande avec l’adaptation du premier succès de Tennessee Williams, The Glass Menagerie (La Ménagerie de verre, 1950). Malgré une belle distribution, la réalisation n’est pas à la hauteur du sujet et le film est un échec. Sa vie amoureuse est également insatisfaisante, vivant des relations parfois belles mais souvent éphémères avec les stars de cinéma qu’il peut à présent fréquenter (Rita Hayworth, Gene Tierney, Patricia Neal, Evelyn Keyes…)

Heureusement, Billy Wilder le sauve en lui proposant de jouer dans Ace In A Hole (Le Gouffre aux chimères, 1951) le rôle d’un journaliste cynique. Boudé par la presse appréciant mal la critique, le film est aujourd’hui considéré comme un des meilleurs de son auteur. Mais si le tournage avec Wilder se passe à merveille, ce n’est pas le cas de Along The Great Divide (Une corde pour te pendre, 1951), Kirk détestant les méthodes de travail de Raoul Walsh. Mais malgré son dégoût, ce tournage le familiarisa avec un genre dont il allait devenir une des têtes d’affiches: le Western. C’est ensuite un troisième grand réalisateur qui fait appel à lui, William Wyler, pour Detective Story (Histoire de détective, 1951) où il joue aux côtés d’Eleanor Parker un policier à la vision manichéenne de la loi et de l’honneur. Mais de plus en plus, Kirk veut prendre sa liberté vis-à-vis de la Warner. Il leur propose alors une offre que le studio ne peut refuser: en échange de le libérer de son contrat, il fera le prochain film gratuitement. La Warner lui confie le premier rôle de The Big Trees (La Vallée des géants, 1952), un autre western. C’est un navet mais Kirk n’en a cure: il a retrouvé sa liberté.


L’homme qui était une star:

Se libérer de l’emprise des studios est une démarche très délicate à l’époque et pourrait lui couter sa carrière. Mais sa réputation d’acteur et son aura de star est à présent suffisamment développée pour continuer à attirer les réalisateurs prestigieux. Ainsi, Howard Hawks lui donne son troisième rôle dans un Western: The Big Sky (La Captive aux yeux clairs, 1952), tandis que Vincente Minnelli lui confie le rôle du producteur magnétique dans The Bad And The Beautiful (Les Ensorcelés, 1952) aux côtés de Lana Turner et Dick Powell. Chef d’oeuvre sur les coulisses du cinéma hollywoodien (Kirk y joue un personnage inspiré du producteur David O. Selznick), il est nommé pour la deuxième fois aux Oscars.


Incarnant un trapéziste dans une des trois histoires de The Story Of Three Loves (Histoire de trois amours, 1953) il y rencontre la jeune actrice italienne qui a tout juste 20 ans, Pier Angeli. Pour Kirk qui sort de plusieurs années de relation passionnelle avec une héritière névrosée c’est un bol d’air frais et ils se fiancent. Lorsque Pier repart pour l’Italie, il décide de la rejoindre et réussi à décrocher une série de contrats de tournage en Europe. Après un rapide passage par l’Italie pour revoir Pier, c’est cependant en Israël qu’il part tourner The Juggler (Le Jongleur, 1953) sous la direction d’Edward Dmytryk. Par la suite, c’est Anatole Lidvak qui le fait jouer dans Act Of Love (Acte d’amour, 1953), film pour lequel il apprend à parler français.

Si aucun de ces deux films n’est resté dans les annales, le troisième, un péplum produit par Carlo Ponti et Dino De Laurentiis, Ulysses, où il incarne le célèbre héros antique, est toujours considéré comme un des meilleurs péplums italiens. Entre temps, Pier Angeli jouant la fille de l’air, Kirk a fait la connaissance d’Anne Buydens, une Allemande naturalisée Belge qui lui a servi d’attachée de presse durant le tournage de Act Of Love. Comprenant que son histoire avec Pier Angeli ne mène nulle part, Kirk rompt les fiançailles et demande Anne en mariage. Au même moment, il tourne le premier film produit par Walt Disney, 20,000 Leagues Under The Sea (Vingt Mille Lieues sous les Mers, 1954) avec James Mason et Peter Lorre, réalisé par Richard Fleischer. Par la suite, il tourne l’un de ses meilleurs Western, Man Without A Star (L’Homme qui n’a pas d’étoile, 1955) qui permit au réalisateur vétéran King Vidor de revenir sur le devant de la scène. Devenu une des plus grandes vedettes d’Hollywood, Kirk peut enfin réaliser son rêve: devenir son propre producteur et lancer ainsi les projets qui l’intéressent. Il fonde la compagne indépendante Bryna Production, du nom de sa mère.



Je n’avais nullement l’ambition de devenir un magnat de l’industrie cinématographique. Je ne me rendais même pas compte que j’étais l’un des premiers acteurs à créer sa propre société de production. Je cherchais avant tout à participer plus intensément au processus de création d’un film. J’aurais préféré qu’on me présente un scénario magnifiquement écrit, avec un rôle que j’aurais eu envie de jouer, et un réalisateur avec qui j’aurais aimé travailler. Mais je ne pouvais me contenter d’attendre le miracle: je devais le faire advenir.


Pour le premier film de la compagnie, Kirk compte sur la valeur sûre du Western. Réalisé par André De Toth,The Indian Fighter (La Rivière de nos amours, 1955) fait partie de ces films qui commencent à traiter les Indiens avec un certain respect. Il offre également un rôle à son ancienne femme, Diana, avec qui il était resté ami, tandis que Walter Matthau y trouve son premier rôle important. Son projet suivant est une biographie du peintre Vincent Van Gogh avec qui Kirk se trouvait une certaine ressemblance. Comme la MGM possédait déjà les droits, un compromis est atteint et permit à de jouer Kirk ce qui resta sans doute le rôle de sa vie. Il y trouve Vincent Minnelli à la réalisation tandis qu’Anthony Quinn alors en pleine ascension y incarne Gauguin. Nommé une nouvelle fois aux Oscars pour Lust For Life (La Vie passionnée de Vincent Van Gogh, 1956), Kirk est affreusement déçu de voir la récompense échoir à Yul Brynner pour The King & I, lui qui a failli sombrer dans la folie en faisant corps avec son personnage. Pendant le tournage naît son troisième fils, le premier avec Anne, Peter.

Après le tournage éprouvant de Lust For Life, Kirk accepte la proposition de Hal Wallis d’incarner Doc Holliday dans Gunfight At O.K. Corral (Règlement de comptes à O.K. Corral, 1957) à la condition que Burt Lancaster incarne Wyatt Earp. Bien lui en pris. Non seulement il se fit de Burt Lancaster un ami pour la vie, mais sous la direction de John Sturges le film - dont Kirk jugeait le scénario moyen - devint l’un des chef d’oeuvres du genre, détrônant même le mythique My Darling Clementine de John Ford réalisé plus de dix ans auparavant sur le même sujet.

Enthousiasmé par un thriller à petit budget, The Killing, Kirk s’empresse de rencontrer le réalisateur, un tout jeune homme nommé Stanley Kubrick. Ce dernier lui montre le scénario d’un film sur les erreurs militaires françaises durant la première guerre mondiale qui enthousiasme Kirk qui décide d’en faire le prochain film de la Bryna. Stanley, lui dit-il, je crois que ce film ne fera jamais un rond, mais il faut absolument le tourner.

Grâce à son aura de star et producteur à succès, Kirk trouve, non sans mal, le financement nécessaire. Mais lorsqu’il arrive à Munich pour le tournage il a la désagréable surprise de constater que Kubrick a réécrit lui-même le brillant scénario de ses scénaristes pour le rendre plus « commercial ». Outré, Kirk impose de revenir à la version initialement prévue. Comme l’avait prévu sa star et producteur, Paths Of Glory (Les Sentiers de la Gloire, 1957) ne sera pas un succès. Il sera même interdit pendant de nombreuses années en France. Depuis, il est considéré comme un chef d’oeuvre. Film suivant de la Bryna, The Vikings (Les Vikings, 1958) est en revanche un énorme succès. Porté par ses vedettes (Kirk, Tony Curtis, Janet Leigh et Ernest Borgnine), la réalisation intelligente et dynamique de Richard Fleisher, le soin apporté à la recherche historique, cette histoire de haine entre deux demi-frères qui s’ignorent reste le film de référence sur le peuple médiéval scandinave.

Hélas, il lui faut rapidement redescendre sur terre: comme tant d’autres vedettes de Hollywood de l’époque, il a été escroqué par son avocat et homme d’affaire, Sam Northon qu’il considérait comme son meilleur ami. A l’insistance d’Anne, le pot-aux-roses est découvert. S’il ne réussira jamais à récupérer la majeure partie des sommes détournées, il arrive heureusement à faire casser le contrat sans frais et juste avant la sortie des Vikings qui lui permirent de payer ses dettes. Peu la naissance de son quatrième et dernier fils, Eric, il échappe à la mort lorsque Anne le supplie de ne pas partir dans le jet privé du producteur Mike Todd qui devait s’écraser et causer la mort de tous ses occupants. Il est encore sous le choc lorsqu’il retrouve John Sturges pour Last Train From Gun Hill (Le Dernier Train de Gun Hill, 1959), un western avec Anthony Quinn.


I’m Spartacus:

Après Les Vikings, je m’étais juré de ne plus tourner d’épopée historique. Mais dans les années 50, Hollywood se lançait dans les superproductions historiques à gros budgets. Je lus alors un scénario dans lequel le rôle principal semblait taillé pour moi: Ben Hur !

Rencontrant le réalisateur William Wyler, Kirk a la déception de s’entendre répondre que le rôle était prévu pour Charlton Heston. On lui propose le rôle du méchant, mais il refuse. Peu de temps après lui est fait mention de l’histoire de Spartacus. Sensible au sort des esclaves dans l’Antiquité, cette histoire de révolte contre Rome le séduit. Hélas, alors qu’il propose à la United Artists de produire le film, il apprend que Yul Brynner prépare un film sur un sujet similaire. Kirk propose de joindre les deux projets mais Brynner refuse. Un temps découragé, Kirk décide finalement de ne pas se laisser abattre. Pour prendre Brynner et le réalisateur Martin Ritt de vitesse, il lui faut à son tour trouver un réalisateur prestigieux et un casting en béton. Seulement pour attirer ce beau monde, il faut un bon scénario. Kirk propose alors à Dalton Trumbo, l’un des scénaristes les plus doués et les plus rapide d’Hollywood de l’écrire. A l’époque sous liste noire, Trumbo ne peut signer lui-même ses propres scénarios. Des stratagèmes sont trouvés et rapidement un scénario commence à naître. Tournant Devil’s Disciple (Au fil de l’épée, 1959) avec Laurence Olivier (et Burt Lancaster), Kirk fait part à l’acteur anglais de son désir de l’avoir dans son film. Olivier se montre intéressé, de même que Charles Laughton et Peter Ustinov. Devant l’avancée du projet et l’accord d’Universal de le financer, Brynner jette l’éponge et lancera à la place Les Sept Mercenaires. A l’insistance de Tony Curtis qui voulait terminer son contrat avec Universal et jouer dans ce qui promettait de plus en plus d’être un grand film, un rôle est spécialement créé pour lui. Pour le premier rôle féminin, après avoir essuyé les refus d’Ingrid Bergman et Jeanne Moreau, il engage finalement Sabina Bethmann, une Allemande totalement novice.


Pour le choix du réalisateur, Universal impose Anthony Mann qui a réalisé de nombreux films a succès pour eux. Mais Kirk est réticent, pour lui Anthony Mann, spécialisé dans le drame et le western psychologique n’a pas l’envergure pour diriger un film à grand spectacle. Après quelques semaines de tournage, Universal semble considérer que Kirk a raison et le presse de le remplacer. Payant à Mann le montant prévu Kirk lui promit de faire un autre film par la suite. Pour le remplacer, c’est à Stanley Kubrick qui vient d’être renvoyé du western One-Eyed Jacks par Marlon Brando que pense Kirk. Pour la Universal, c’est inconcevable de confier une super production à quelqu’un d’aussi inexpérimenté. Mais le temps presse et Kirk tient bon. Kubrick est engagé. La première décision de Kubrick est de convaincre Kirk de renvoyer Sabina Bethmann qui n’a pas les capacités requises. A la place est choisie Jean Simmons qui souhaitait le rôle depuis le départ.

Lorsque vint la question de savoir qui créditer au générique pour le scénario, Kirk est bien embêté. L’homme de paille utilisé jusqu’alors est de plus en plus mal à l’aise d’être considéré comme l’auteur d’un texte aussi brillant. Utiliser un faux nom, comme Trumbo le faisait jusqu’alors est hors de question pour Kirk. Révolté lorsque Kubrick propose de s’en attribuer la paternité, Kirk a une décision qui fera date à Hollywood: Dalton Trumbo sera crédité sous son vrai nom, amenant la fin de la liste noire qui n’avait que trop duré.

Alors que Spartacus est en post-production, il tourne un film très différent: un mélo avec Kim Novak dirigé par Richard Quine, Strangers When We Meet (Liaisons secrètes, 1960). Après le triomphe de Spartacus, il engage Trumbo pour adapter un roman traitant d’inceste dans le Far West. Sujet épineux, Trumbo s’acquière à la tâche de manière subtile, même si le sujet ne le passionne pas et que l’obligation d’Universal de gonfler le rôle de Rock Hudson, alors la plus grosse vedette au Box Office, rendit certains passages un peu bancals (peu aidés par le jeu assez fade de l’acteur). Pour le premier rôle féminin, Kirk pensait à sa vieille amie Lauren Bacall, mais outrée par le sujet elle refusa vertement. Dorothy Malone la remplaça. S’il n’est pas parfait, The Last Sunset (El Perdido, 1961) reste un film efficace, notamment grâce à la réalisation de Robert Aldrich.

La troisième collaboration avec Trumbo se fera pour Lonely Are The Brave (Seuls sont les indomptés, 1962), un Western moderne où il retrouve Walter Matthau et où joue également Gena Rowlands. Le considérant comme son film préféré, Kirk fut déçu de la mauvaise gestion de sa promotion par Universal qui ne permit pas au film d’avoir le temps de trouver son public. Aujourd’hui il a obtenu un statut de film culte. Il retrouve ensuite pour la troisième fois Vincente Minnelli pour Two Weeks In Another Town (Quinze jours ailleurs, 1963) qui reprenait un peu les choses là où The Bad And The Beautiful les avait laissées. Hollywood avait en effet délocalisé de nombreux tournages en Italie et certains has been américains connaissaient une nouvelle carrière à Cinecittà. Edward G. Robinson et Cyd Charisse étaient également de la partie. Hélas suite à un changement de direction à la MGM de nombreuses coupes furent effectuées. Une récréation lui est ensuite accordée avec The List Of Adrian Messenger (Le Dernier de la Liste, 1963) de John Huston où avec d’autres vedettes (Burt Lancaster, Robert Mitchum, Tony Curtis et Frank Sinatra) il joue un petit rôle.


La route des sixties:

Le prochain projet de Kirk pour la Bryna est pour le moins ambitieux, une adaptation du best-seller Sept Jours en Mai, un thriller politique sur une tentative de coup d’état militaire en Amérique. Pour ce projet, Kirk reçoit le soutien du président John Kennedy lui-même et réunit une distribution savoureuse: Fredric March, Edmond O’Brien, Martin Balsam et Ava Gardner. Kirk propose également à son ami Burt Lancaster de choisir entre le général félon ou son adjoint intègre. Lancaster choisit le général, laissant à Kirk, pas mécontent de ce contre-emploi dans leurs rôles respectifs, celui du colonel. Pour la réalisation c’est John Frankeneimer, l’un des réalisateurs les plus intéressants de l’époque, qui fut choisi.

Lors de notre entrevue, au cours d’un déjeuner, les auteurs se montrèrent raides, guère chaleureux. Ils finirent pas se livrer: « J’espère que vous n’allez pas tirer de notre livre un de ces films typiques d’Hollywood ? » Ces propos m’irritèrent, pour ne pas dire plus. Je les regardai tous les deux, droit dans les yeux. « Je ferai un bien meilleur film que votre fichu bouquin ! » Je leur laissai le chèque et partis.

Seven Days In May (Sept Jours en Mai, 1964) s’inscrit parfaitement dans les films produits par la Bryna. Un film à la fois intelligent et engagé tout en étant divertissant et haletant. Un équilibre savamment maîtrisé, pas si fréquent dans le cinéma, quelle que soit son origine. Par la suite, il refuse une offre faramineuse de jouer dans La Chute de l’Empire Romain pour retourner au théâtre jouer dans l’adaptation qu’il a fait écrire d’un livre: Vol au dessus d’un nid de coucou.

Mes agents s’arrachaient les cheveux: pourquoi refuser des millions de dollars au cinéma et aller jouer au théâtre pour rien du tout ? Parce que j’étais resté sur un échec. Je voulais être une vedette de théâtre, une vedette de chair et de sang, pas une ombre sur un écran. L’objectif de la caméra est un mauvais oeil. Lorsque l’on joue sous son regard, ce cyclope vous vide jusqu’à ce qu’il ne reste rien. Sur scène, on donne quelque chose au public et l’on reçoit plus encore. Lorsque le rideau se ferme au théâtre, on éprouve un sentiment de joie profonde… On a accompli quelque chose, complètement.

Hélas, assassiné par les deux critiques les plus influents de l’époque, le spectacle peine à trouver son public malgré sa qualité. Déçu, persuadé de tenir avec Randle P. McMurphy l’un de ses meilleurs rôles, Kirk se décide à porter l’histoire à l’écran. Mais avant, le voilà qui tourne pour la première fois avec John Wayne dans un film de guerre dirigé par Otto Preminger, In Harm’s Way (Première victoire, 1965). On y trouvait également, dans des rôles secondaires, Henry Fonda, Franchot Tone et Dana Andrews entre autres. Deux autres films de guerres suivirent, The Heroes Of Telemark (Les Héros de Télémark, 1965) avec Richard Harris où il remplit la promesse faite à Anthony Mann, puis Cast A Giant Shadow (L’Ombre d’un géant, 1966), à nouveau avec John Wayne, mais aussi Yul Brynner et Frank Sinatra. En revanche ses tentatives de trouver les fonds pour Vol au dessus d’un nid de coucou piétinent. Même avec toute son aura de star, l’une des plus grandes de l’époque, les studios se montrent frileux envers ce sujet bien trop glauque et scabreux à leur goût. L’échec de la pièce et du livre initial n’arrangeant rien.

Alors il retourne au Western. D’abord avec John Wayne, qui l’a une nouvelle fois appelé pour l’accompagner dans The War Wagon (La Caravane de feu, 1967) puis avec Robert Mitchum et Richard Widmark pour The Way West (La Route de l’Ouest, 1967). Après un film sur la mafia dirigé par Martin Ritt, The Brothehood (Les Frères siciliens, 1968), il tourne sous la direction du grand Elia Kazan l’adaptation du livre de ce dernier, The Arrangement (L’Arrangement, 1969). Hélas, le film est boudé. Hollywood était déjà en train de changer et Kazan, peut-être par peur de ne plus être dans le coup, changea le montage à la dernière minute au détriment du film. Cette absence du succès frappa également - mais de manière plus injuste, le Western cynique There Was A Crooked Man (Le Reptile, 1970) où Kirk retrouva Joseph Mankiewicz, l’homme qui lui avait donné un de ses premiers rôles importants. Comme partenaire, il n’eut rien de moins qu’Henry Fonda, créant un duo d’opposés assez réjouissant.


Au fil des déceptions:

Mais après le film de Mankiewicz, les années 70 eurent un goût moins passionnant. Un Western avec Johnny Cash, A Gunfight (Dialogue de feu, 1971), une adaptation assez terne d’un livre de Jules Verne, Le Phare du bout du monde (The Light At The Edge Of The World, 1971) avec Yul Brynner. Des déceptions artistiques qui n’aident pas à cacher la frustration de ne pouvoir monter Vol au dessus d’un nid de coucou, cette fois à causes de querelles juridiques sur les droits. Devenu une vedette du petit écran avec la série Les Rues de Sans Francisco, Michael Douglas décide de prendre le relais et arrive enfin à trouver les financements. Cela permit à Kirk de se consacrer à son premier film comme réalisateur, Scalawag, inspiré de l’histoire de l’Île au Trésor où il engagea un des meilleurs amis de son fils, Danny DeVito. Deux déceptions attendent cependant Kirk. Tout d’abord Scalawag est un échec commercial: en plein Nouvel Hollywood les films de pirates ne sont plus vraiment à la mode. Ensuite, les investisseurs le considèrent trop vieux pour le rôle principal de Vol au dessus d’un nid de coucou. Derrière cette raison invoquée il y en a sans doute une autre: comme tant de ses collègues de l’âge d’or de Hollywood, il a été classé comme has-been par le Nouvel Hollywood. Les anti-héros sont à la mode. Les Gregory Peck, Burt Lancaster et Kirk Douglas ont fait place aux Al Pacino, Dustin Hoffman et… Jack Nicholson. Blessé, Kirk voit ce dernier triompher dans ce rôle pour lequel il s’est battu pendant des années sans que personne n’y croit. Le rôle de Randle P. McMurphy aurait pu être le dernier grand rôle de Kirk ou signer sa renaissance au box office. Il n’en sera rien.

Pour se consoler il tourne, comme acteur, réalisateur et producteur, un nouveau Western, Posse (La Brigade du Texas, 1975) avec Bruce Dern. Mais le reste de la décennie ne fut guère captivante si on excepte un premier rôle chez Brian De Palma avec Fury en 1978. Ses plannings de tournages étant à présent moins fournis, il accepte avec hésitation de présider le Festival de Cannes de 1979. Kirk remplit ses fonctions sans grande conviction - à l’exception de la défense acharnée de son favori, All That Jazz de Bob Fosse, qui obtiendra le premier prix ex-aequo avec Kagemusha d’Akira Kurosawa - au point qu’il demande si sa présence est indispensable à la remise des prix. Si on lui permet d’éviter lecture du palmarès, on lui demande de revenir sur sa décision en nommant Mon Oncle d’Amérique d’Alain Resnais troisième vainqueur ex-aequo. Devant le ridicule d’un palmarès à trois vainqueurs, il refuse, entraînant sa condamnation par la presse française.


Après avoir tourné un film de science-fiction avec Harvey Keitel, Saturn 3 de Stanley Donen, on lui propose le rôle du Colonel Trautman dans Rambo. Kirk accepte à condition que l’on change la fin: Rambo doit mourir lorsque le Colonel comprend qu’il a créé un monstre. Le réalisateur Ted Kotcheff accepte, mais en arrivant sur le tournage, Kirk découvre que Sylvester Stallone, qui avait droit au dernier mot, avait décidé de revenir à la version initiale. Peut-être vexé de constater qu’à présent c’étaient les décisions de Stallone et plus les siennes qui étaient suivies, considérant la fin choisie comme peu intéressante artistiquement, Kirk décida de quitter le projet non sans quelques désagréments judiciaires. Le téléfilm Amos (Meurtre au crépuscule, 1985), dénonçant les mauvais traitements dans les maisons de retraite, l’enthousiasma davantage. Il eut même la satisfaction de le voir arriver en tête des audiences devant… le premier Rambo !

Avec les années 80 le Nouvel Hollywood a pris du plomb dans l’aile et Hollywood n’a plus honte de faire du cinéma commercial. La nostalgie pour l’Âge d’or est arrivé et plusieurs vedettes de cette époque on retrouvé des rôles intéressants. C’est ainsi que, après avoir joué à deux quelques mois dans la pièce The Boys in Autumn, Kirk et Burt Lancaster retrouvent les chemins des studios pour un film sur deux vieux gangsters sortant de prison et découvrant que le monde a évolué sans eux. Joyeuse comédie policière, Tough Guys (Coup double, 1986) mettait également en scène deux autres vétérans de l’époque, Eli Wallach et Alexis Smith, ainsi qu’un groupe de Rock underground, les Red Hot Chili Peppers.


Tant qu’on a la santé:

Peu avant d’atteindre les septante ans, alors qu’il était encore en pleine forme (n’avait-il pas réalisé une cascade dangereuse dans Tough Guys ?) le voilà en prise avec des problèmes cardiaques.

Soudain, j’entendis le mot « simulateur cardiaque ». Mon sang, cette fois-ci, ne fit qu’un tour. Un simulateur cardiaque ! Mais de quoi parlaient-ils ? C’est bon pour les autres, pour les vieux ! Pas pour moi !

Et voilà donc notre héros avec un simulateur cardiaque permettant de rattraper le pompage un peu paresseux de son coeur. Toujours actif bien que sa production cinématographique continue de se ralentir, Kirk se lance également également dans l’écriture. D’une autobiographie d’abord, Le Fils du chiffonnier, qui obtiendra un franc succès, puis de plusieurs romans durant les années 90. Au cinéma, on le voit plutôt servir de nom prestigieux que porter un film. Ainsi, il fait une apparition dans le remake raté d’Oscar porté par Sylvester Stallone en 1991 (année où il reçoit le prestigieux AFI Lifetime Achievement Award). Son rôle sera plus important dans Greedy, en 1994, une comédie mettant en vedette Michael J. Fox. Plus surprenant, il apparaît dans une clip du chanteur Don Henley des Eagles, « The Garden Of Allah ».


Au fur et à mesure que les années passent, Kirk devient de plus en plus un survivant de Hollywood. Et pas seulement parce que les acteurs de sa génération décèdent autour de lui (Burt Lancaster en 1994, Dean Martin en 1995, Gene Kelly en 1996, Robert Mitchum en 1997, Frank Sinatra en 1998…), mais aussi parce qu’il survit aux accidents tel un héros de la série Destination Finale. Il survit à un grave accident d’hélicoptère en 1991 et surtout à une attaque en 1996 qui lui laisse une partie du visage paralysée. Incapable de s’exprimer, Kirk va, à force de ténacité, arriver à pouvoir parler à nouveau, même si sa diction ne retrouvera jamais sa netteté. Ça ne l’empêche pas de tourner à nouveau, retrouvant sa vieille complice des tous débuts Lauren Bacall dans Diamonds en 1999. Peu de temps auparavant, il avait enfin reçu un Oscar d'honneur. Au début du vingt-et-unième siècle, il réalise un vieux rêve de travailler en famille puisque ses fils Michael et Joel produisent It Runs In The Family (Une si belle famille, 2003) où Kirk et Michael se donnent la réplique pour la première et unique fois. Au générique se trouvent également son ancienne femme Diana et Cameron, le fils aîné de Michael.

Ce petit bonheur familial est hélas suivi d’une tragédie lorsque Eric, son plus jeune fils, qui s’est lui aussi lancé dans une carrière d’acteur mais sans atteindre le succès de son père ou de son demi-frère, décède d’une overdose. Un drame qui est arrivé à plus d’une légende d’Hollywood et dont Kirk portera toujours en lui une part de culpabilité.

J’ai conseillé à tous mes enfants de ne pas se lancer dans le monde du spectacle. Le pari est difficile, les chances de succès sont infimes. […] Vous voyez comme mes enfants m’ont écouté. Ils sont tous dans le monde du spectacle, et ils se débrouillent bien en dépit du fait qu’ils n’ont jamais bénéficié des avantages que moi j’ai eu. Je suis venu au monde dans la pauvreté totale. […] Je ne pouvais faire autrement que de m’élever. […] Pourtant j’admire la façon dont ils se débrouillent. Il est difficile de s’en sortir malgré la richesse.

Ses adieux au cinéma, il le fera, sans vraiment le vouloir ou le savoir dans Illusion, cette même année 2004. La volonté est toujours là et le restera presque jusqu’au bout, mais les assurances ne sont plus prêtes à assurer le tournage d’une légende nonagénaire qui pourrait décéder à tout moment. Alors il remonte sur scène une dernière fois pour quatre représentations d’un one-man show, Before I Forget, en 2009. Il écrit également pendant quelques années sur un blog. Mais sa dernière décennie, il la passera en famille avec ses fils survivants et ses nouveaux petits enfants. Et Anne, bien sûr. Tous les deux, toujours unis, auront même le plaisir de former un couple de centenaire, Kirk le devenant fin 2016, Anne en 2019. Mais même Kirk Douglas n’est immortel, et c’est discrètement, le 5 février 2020, à l’âge impressionnant de 103 ans, que le coeur de Spartacus cessa de battre, laissant un héritage considérable. L’un des plus passionnants de l’Âge d’or d’Hollywood.



Sources:
Le Fils du Chiffonnier, Kirk Douglas, 1988
En gravissant la montagne, Kirk Douglas, 1999

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