Barbara Stanwyck (1907-1990)

Barbara Stanwyck



De Ruby Stevens à Barbara Stanwyck:

C’est dans une famille très pauvre de Brooklyn que naît la petite Ruby Stevens le 16 juillet 1907. Elle est la plus jeune d’une famille de cinq enfants. Alors qu’elle n’a que quatre ans, sa mère, Catherine McPhee, décède lorsqu’un homme saoul la pousse accidentellement hors d’un tram en marche. Suite à cela son père, Byron Stevens, quittera sa famille pour aller travailler à la réalisation du canal de Panama et ne donnera plus jamais de nouvelle. C’est la soeur aînée, Mildred, qui se chargera des deux plus jeunes, Ruby et son frère Malcom. Mais lorsque celle-ci commence à travailler comme danseuse de revue, les deux enfants sont placés, généralement séparés, dans de nombreuses familles d’accueil différentes. A quatorze ans elle arrête l’école et commence à vivre de petits boulots. Enhardie par l’exemple de sa soeur et le cinéma naissant, elle décide de se lancer dans le monde du spectacle.

A seize ans, elle devient à son tour danseuse de revue passant inlassablement d’un night-club à un spectacle des célèbres Ziegfeld Follies. En 1926, la chance semble commencer à lui sourire lorsque le metteur en scène William Mack la choisit pour incarner le rôle d’une danseuse dans la pièce qu’il vient d’écrire, The Noose. Il la renomme également Barbara Stanwyck en joignant deux noms qu’il venait de voir dans un vieux programme. L’actrice obtient de bonnes critiques qui l’amène à être choisie pour le rôle principal de la pièce Burlesque, en 1927, qui en fit la nouvelle sensation de Broadway. C’est à cette époque qu’elle rencontre l’acteur de vaudeville Frank Fay, alors au sommet de sa popularité. Ils se marient l’année suivante et lorsque Hollywood, alors en recherche de talents venus du théâtre pour faire la transition au parlant, appelle Fay, c’est tout naturellement que Barbara l’accompagne.


Une étoile est née:

Si les débuts de la carrière de Fay se passent plutôt bien, Barbara a du mal à trouver des rôles intéressants. Son manque d’assurance ne l’aide pas et lui fait rater plusieurs castings. C’est le cas justement d’un avec un jeune réalisateur prometteur de la Columbia, Frank Capra. Peu encouragé par l’attitude revêche de la jeune femme qu’il qualifiera de ‘porc-épic’, il l’a déjà oubliée lorsque Frank Fay le supplie de regarder un bout d’essai qu’elle a réalisé. Trainant les pieds, Capra se laisse convaincre et est subjugué par le talent de Barbara. Il l’engagera aussitôt pour Ladies Of Leisure (Femmes de luxe, 1930). Le succès du film ruissellera sur le réalisateur et son interprète. Le duo réitère bien vite avec The Miracle Woman (La femmes aux miracles, 1931) et Forbidden (Amour défendu, 1932). Devant le succès de Barbara d’autres réalisateurs prestigieux se mettent à vouloir tourner avec elle, comme William A. Wellman, qui la met en scène dans So Big (Mon grand film, 1932), où elle côtoie une Bette Davis dans un de ses premiers rôles et The Purchase Prize (1932).

Mais alors que la carrière de Barbara Stanwyck monte, celle de Frank Fay dégringole. Le vivant très mal, il devient alcoolique (leur histoire servira de base à A Star Is Born). Le couple adopte un enfant, Anthony, pour essayer de sauver le couple mais rien à faire. Cela n’empêche pas Barbara de tourner son troisième film avec Capra, The Bitter Tea Of General Chen (La Grande Muraille, 1933), qui est un échec. Baby Face (Liliane, 1933) permet à Barbara de croiser un John Wayne encore débutant tandis que Gambling Lady (Franc Jeu, 1934) lui fait pour la première fois partager l’affiche avec Joel McCrea. En 1935, Annie Oakley (La gloire du cirque) de George Stevens est son premier contact avec le western, un genre qu’elle allait beaucoup pratiquer par la suite, même si ici il s’agit plutôt de la biographie d’une figure du célèbre Wild West de Buffalo Bill. 1935 sera aussi la date de son divorce. Après une bataille acérée, elle obtiendra la garde de son fils. L’année d’après elle rencontre sur le plateau de His Brother’s Wife (La fièvre des tropiques, 1936) le jeune premier de la MGM, Robert Taylor. Entre la vedette à présent confirmée et l’étoile montante c’est le coup de foudre. « Il a beaucoup à apprendre et je suis la fille qui le lui apprendra », dira Barbara.  Ils se retrouveront l’année d’après dans This Is My Affair (Sa dernière chance, 1937). A l’époque, ils ont commencé à vivre ensemble mais Barbara, à qui son divorce a laissé des traces, est réticente à se remarier. Cette même année, elle tourne pour la seule et unique fois sous la direction de John Ford. The Plough And The Stars (Révolte à Dublin, 1937) ne laissera cependant un grand souvenir dans la carrière d’aucun des deux.


Toujours plus de succès:

Dans ses films Barbara était généralement présentée comme une jeune femme d’origine modeste, prête à tout pour réussir. Le paroxysme de ce type de rôle est atteint en 1937 avec Stella Dallas de King Vidor. Le producteur Samuel Goldwyn n’était pourtant pas convaincu à la base. Il accepta le choix du réalisateur et n’eut pas à s’en plaindre. Le film fut un succès et valu à Barbara d’être pour la première fois nommée aux Oscars. Ce film sera décisif pour l’actrice. Faisant sa carrière en dehors du système des studios (l’une des rares avec Cary Grant à avoir fait ce choix courageux), il lui était plus difficile de s’imposer que pour des grandes vedettes sous contrat telles que Katharine Hepburn, Joan Crawford ou Bette Davis. Avec le succès de Stella Dallas, les propositions vont se multiplier et Barbara peut enfin commencer à diversifier les styles. Elle va ainsi pouvoir participer à la mode des screwball comedies qui commence à battre son plein. La première tentative, Breakfast For Two (Déjeuner pour deux, 1937), ne fit pas date. En revanche, The Mad Miss Manton (Miss Manton est folle, 1938) la voyait former un couple réussi avec Henry Fonda qui allait encore faire des étincelles par la suite.



L’année 1939 fut une grande année pour Barbara. Tout d’abord elle joua dans deux de ses meilleurs films des années 30, le western épopée de Cecil B. DeMille Union Pacific (Pacific Express) et le mélodrame Golden Boy (L’esclave aux mains d’or) où elle jouait face au débutant William Holden. Barbara prit le jeune acteur sous son aile et lutta de toutes ses forces lorsque le studio songea à le remplacer. Enfin, elle accepte d’épouser Robert Taylor, au grand soulagement de la MGM qui avait peur que ce concubinage finisse par nuire à la carrière de leur poulain. L’année 1940 n’est l’occasion que d’un film, Remember The Night (L’aventure d’une nuit), une comédie romantique de Mitchell Leisen avec Fred MacMurray qu’elle retrouverait bientôt dans un style très différent. Deux autres comédies suivent qui confirmeront sa place dans le genre. La première est The Lady Eve (Un coeur pris au piège, 1941) de Preston Sturges - qui avait scénarisé Remember The Night - où elle retrouve Henri Fonda. La seconde est Ball Of Fire (Boule de Feu, 1941) de Howard Hawks avec Gary Cooper qui lui vaut d’être nommée pour la deuxième fois aux Oscars. Dans les deux cas, elle y joue une femme arriviste, manipulant par la séduction un jeune homme naïf avant d’en tomber amoureuse. A chaque fois, c’est elle qui mène la danse, Fonda et Cooper devenant de véritables ‘hommes-objets’. Cette même année elle retrouve pour la dernière fois Frank Capra qui lui offre un de ses meilleurs rôles dans Meet John Doe (L’homme de la rue, 1941), celui d’une journaliste cynique finalement emprunte de remords.


La femme forte d’Hollywood:

William Wellman lui offre encore deux beaux rôles dans The Great Man’s Lady (L’inspiratrice, 1942) et Lady Of Burlesque (L’étrangleur, 1943), mais le tournant est atteint lorsque Billy Wilder lui propose le rôle principal de Double Indemnity (Assurance sur la mort, 1944). D’abord réticente à l’idée de tenir le rôle d’une femme aussi diabolique, plus proche des personnages de Bette Davis que de ceux qu’elle joue habituellement, elle accepte lorsque Wilder la met au défi avec la célèbre phrase: « êtes-vous une actrice ou une souris ? » Face à Fred MacMurray, elle mêle sensualité et machiavélisme. Ce rôle qui reste peut-être son plus connu lui vaut d’être nommée pour la troisième fois aux Oscars - toujours sans succès - mais l’enferma sans doute dans une série de rôles de femmes fatales dans des films noirs pas toujours aussi subtiles. De cette second moitié des années quarante, on retiendra surtout The Strange Love Of Martha Ivers (L’emprise du crime, 1946) qui la voit croiser la route une nouvelle fois d’un débutant, Kirk Douglas, et surtout Sorry, Wrong Number (Raccrochez, c’est une erreur, 1948) où elle passe du statut de bourreau à celui de victime, dernier rôle pour lequel elle manque de remporter l’Oscar.

Au sommet de sa popularité, elle se retrouve avec certains partenaires de premiers plans comme Humphrey Bogart (The Two Mrs Carrolls, 1947), Errol Flynn (Cry Wolf, 1947) ou Clark Gable (To Please A Lady, 1950), mais pour des films qui ne sont pas à la hauteur de leurs talents. Entre temps, son mariage avec Robert Taylor a commencé à prendre l’eau. Bien que profondément attachés l’un à l’autre, les deux stars ont des caractères et des intérêts très différents. En outre, le caractère dominateur de Barbara commence à fatiguer Taylor qui a mûri et ressent un besoin d’espace. Il multiplie les aventures avec ses jeunes partenaires et lorsque la presse à sensation en fait ses choux gras pendant le tournage de Quo Vadis, Barbara comprend qu’un point de non-retour a été atteint. En 1950, ils décident de divorcer. Bien que s’offrant des passades avec certains jeunes acteurs comme Robert Wagner, avec qui elle partage l’affiche dans une première version de Titanic (1953), et Farley Granger, elle ne se remariera plus, préférant se donner à fond dans son travail.


Reine du Western:

Les années 50 étant moins propices aux rôles de femmes émancipées que dans les années 30 et 40, on la retrouve dans quelques mélodrames signés Douglas Sirk. Fritz Lang lui permit cependant de faire une de ses dernières réussites dans le style avec Clash By Night (Le démon s’éveille la nuit, 1952) qui était aussi un des premiers rôles importants de Marilyn Monroe. Mais désormais, c’est vers le western qu’elle va se tourner. Genre masculin par excellence, Barbara va pourtant s’imposer comme un premier rôle du genre, dans des personnages de femmes au caractère aussi rude et généralement aussi habile sur un cheval et avec un revolver que ses partenaires masculins. Sur les tournages, elle n’hésite pas à réaliser ses propres cascades. Dans le genre, c’est évidemment Forty Gun (Quarante tueurs, 1957) de Samuel Fuller qui est le plus souvent cité, mais il ne faut pas pour autant négliger des films comme Cattle Queen Of Montana (La Reine de la prairie, 1954) d’Allan Dwan avec Ronald Reagan ou The Violent Men (Le souffle de la violence, 1955) de Rudolph Maté avec Glenn Ford et Edward G. Robinson. Vétéran du film d’aventure du temps du muet, Allan Dwan lui offrit un rôle dans Escape To Burma (Les rubis du Prince birman, 1955) qui ne tient malheureusement pas toutes ses promesses.

Mais tous ces films restaient des productions de moindre importance, loin des films d’envergure d’antan. Sentant que sa carrière au cinéma touchait à sa fin, Barbara décida de se tourner vers la télévision, moins réticente à mettre en valeur une vedette vieillissante. Entre 1960 et 1961 elle dirigea sa propre émission de télévision, The Barbara Stanwyck Show, qui n’eut pas le succès escompté mais qui lui valu un Emmy. Elle joua aussi les invités dans certaines séries à succès, comme dans la célèbre série Les Incorruptibles. L’année 1964 lui vit faire ses adieux au cinéma dans des films peu intéressants mais qui ont malgré tout leur importance pour des raisons diverses. Dans Roustabout (L’homme à tout faire), elle donnait la réplique à Elvis Presley, alors au sommet de sa carrière au cinéma. Dans le thriller The Night Walker (Celui qui n’existait pas, 1964), elle retrouvait celui qui avait été l’amour de sa vie, Robert Taylor. Mais son gros succès dans les années 60, ce fut surtout sa participation pendant cinq ans comme un des personnages principaux de la série western The Big Valley pour laquelle elle reçu un deuxième Emmy.


La douairière:

S’étant éloignée des caméras pendant les années 70, elle y revient au début des années 80. Le téléfilm The Thorn Birds (les oiseux se cachent pour mourir, 1983) lui vaut un troisième Emmy ainsi qu’un Golden Globe. En 1981, elle avait reçu un Oscar d’honneur. Maigre consolation d’une Académie qui l’avait toujours snobée pour son indépendance face au système des studios. En 1985 elle participe à trois épisodes de la série à succès Dynasty avant que son personnage rejoigne la série spin-off, The Colbys, pour vingt-quatre épisodes. Elle avait auparavant refusé le rôle principal de Falcon Crest. A partir du milieu des années 80, sa santé décline et elle cesse à grand regret sa carrière. Grande fumeuse depuis l’âge de neuf ans, ses poumons en payent à présent le prix. Le 20 janvier 1990 elle décèdera d’un arrêt cardiaque lié à une conjonction pulmonaire.

Reine du drame social dans les années 30, Reine de la screwball comédie dans la première moitié des années 40 et du film noir dans la seconde, Reine du western dans les années 50, douairière à la télévision dans les années 60 et 80, Barbara Stanwyck a traversé les décennies. Si elle a multiplié les genres, elle a constamment montré à l’écran l’image d’une femme forte et émancipée qui a certainement inspiré la première génération des féministes.


Sources:

Documentaire Barbara Stanwyck: Straight Down The Line de Gene Feldman
Documentaire Barbara Stanwyck: Fire And Desire de Richard Schickel

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