Robert Mitchum (1917-1997)

Robert Mitchum



L’enfant sauvage :

Le 6 août 1917, alors que la guerre fait rage en Europe, naît, dans la petite ville de Bridgeport dans le Connecticut, le deuxième enfant de James Mitchum, un employé de chemin de fer, et de sa femme Ann Gunderson. Son nom ? un certain Robert Charles Durman Mitchum.
James n’hésite pas à se servir de ses poings. Ils sont très jeunes et amoureux, mais leur bonheur sera de courte durée, James meurt dans un accident de chemin de fer un peu avant les deux ans de Robert, laissant Ann veuve à 25 ans avec deux très jeunes enfants et enceinte d’un troisième. Le petit John ne connaîtra jamais son père, mais compensera ce manque en étant très proche de son grand frère. Pour subvenir aux besoins de sa famille, Ann travaillera pour un journal. Cependant, elle encourage ses enfants à s’intéresser aux arts, en particulier la musique et la littérature. Âgé de 6-7 ans, Robert est captivé par la littérature, adorant écrire et créant même son propre journal où il écrit de courtes nouvelles et des poèmes. Certains de ces derniers impressionnent tellement les adultes qu’ils sont publiés dans un véritable journal, ce qui vaudra à l’enfant une certaine notoriété à Bridgeport. Mais si Robert est un enfant rêveur et timide à la maison, il en va tout autrement en dehors où il fait les quatre cents coups avec son frère. Cette double personnalité ne quittera jamais Mitchum.

La pauvreté de sa mère poussera Robert et John à aller habiter dans la ferme de leurs grands-parents maternels où se trouvent déjà leur oncle et leurs cousins. Robert aime l’ambiance de cette ferme et prend plaisir aux travaux des champs et à l’entourage des animaux. A l’école, le jeune garçon, extrêmement maigre, est considéré par ses condisciples comme étant le plus intelligent, mais aussi le plus dissipé, forçant à la fois l’admiration et l’appréhension. Il finira par  venir à bout de la patience de ses maîtres et, suite à une plaisanterie d’un goût douteux, sera renvoyé. Pendant ce temps, sa mère s’est remariée avec le major Morrison, qui travaillait au journal avec elle, et a eu une petite fille Carol. La sœur aînée de Robert, Julie, adolescente, s’est lancée dans le show business, est déjà mariée avec un marin et habite un appartement à New York où Robert, John, Carol et leur mère vont la rejoindre, le major continuant à travailler au journal. Préférant s’instruire par eux-mêmes qu’aller à l’école, les deux frères vont lire des livres à la bibliothèque et visiter des musées. Robert apprendra même le saxophone. Mais nous sommes en 1929, la grande dépression fait des ravages et les garçons sont obligés de trouver des petits boulots pour aider la famille. Mais à 14 ans, avec l’accord de sa mère, Robert Mitchum décide de quitter les siens, de prendre le train vers le Sud et d’aller voir le monde.


Around the USA :

Du haut de la plate de forme du train, Robert prend contact avec la Grande Dépression, observe les familles plus aisées et apprend à survivre dans un milieu hostile. Il ressent une intense solitude, mais ce sentiment lui plait autant qu’il le rend triste. C’est aussi à cette époque qu’il découvre la Marijuana. A Shavannah, en Georgie, il est arrêté pour vagabondage et rejoint une chaîne de forçats. N’y voyant pas un grand avenir, il s’évade. Mais en traversant les marécages, sa jambe blessée s’infecte. Il rejoint sa famille dans la ferme de sa grand-mère où l’on parviendra de justesse à sauver sa jambe de la gangrène. C’est pendant sa convalescence qu’il fait la connaissance d’une amie de son frère âgée de 13 ans, Dorothy Spence. Celle-ci n’apprécie d’abord pas Robert qu’elle juge un peu louche, mais très vite, elle se rend compte que cette façade un peu rude cache un poète capable de réciter Shakespeare par cœur. Ils tombent amoureux malgré la désapprobation de l’entourage de la jeune fille.

Un peu avant ses 16 ans, Robert Mitchum ment sur son âge et se fait engager parmi les premiers volontaires du Civilian Conservation Corps, un groupe créé par Franklin D. Roosevelt afin de réduire le problème du chômage en faisant accomplir par des chômeurs une série de travaux physiques. Ces travaux rudes donnent au maigre adolescent une carrure impressionnante. Après un an, Robert et John s’en vont rejoindre Julie et son mari qui avaient émigré à Long Beach en Californie, bientôt rejoints par le reste de la famille. En Californie, Robert découvre un nouveau monde, riche, idéal. Il passera ses journées à la plage et son physique attire les regards.

Julie propose à ses frères de rejoindre le groupe de théâtre de Long Beach. D’abord réticents, les deux garçons changèrent d’avis lorsqu’ils apprirent que le nombre de filles était de loin supérieur à celui de garçons. Julie est persuadée du talent de son frère, les dirigeants du groupe aussi, mais Robert voit ça comme un passe-temps sans réel intérêt, malgré le succès de The Petrified Forest  où sa performance dans le rôle tenu par Bogart au cinéma fera grande impression. Sa véritable passion, c’est l’écriture. Il a l’ambition d’écrire pour la radio, mais en attendant, il se contente d’écrire des pièces pour différentes personnes du métier ainsi que des chansons pour sa sœur qui, ayant divorcé, a repris sa carrière de chanteuse. Il devient aussi le chauffeur et secrétaire du célèbre astrologue Carroll Righter. Au printemps 1940, il finit enfin par aller rejoindre Dorothy , l’épouse, et les jeunes mariés prennent le bus pour retourner en Californie.


Premières responsabilités et débuts au cinéma :

Le jeune couple, qui habite avec toute la famille de Robert à Los Angeles, a peu de moyens. Mitchum continue à écrire pour des artistes et à jouer un peu au théâtre. Mais lorsque Dorothy tombe enceinte, il comprend qu’il doit trouver un métier stable. Il s’engage alors dans une usine de métallurgie comme il en fleurit en ce début de guerre 40-45. Le travail est dangereux et bruyant  et ne convient pas au jeune homme. Parmi les ouvriers, il côtoie un certain Jim Dougherty et rencontrera à quelques reprises la petite amie et future femme de celui-ci, Norma Jane Baker, future Marilyn Monroe. Au printemps 41, naît le petit James. Mitchum, lui, perd la vue. Le verdict médical est formel, la raison est psychologique, Il doit quitter son travail ou perdre la raison. Mitchum décidera de sacrifier son travail. Sa mère lui conseille alors de se lancer comme acteur de cinéma et il prend alors un agent. Ce dernier lui décroche un rôle de méchant dans un épisode de la série des Hopalong Cassidy , westerns de série B à succès menés par l’acteur Bill Boyd qui avait tourné avec D.W. Griffith et Cecil.B. De Mille au temps du muet. Mitchum ne sait pas monter à cheval, mais cela n’a que peu d’importance et le jeu naturel et sobre de Boyd sera un excellent modèle pour l’acteur en herbe.

Une série de seconds rôles vont suivre durant cette année 43, le plus prestigieux étant sa participation à Et la vie continue (The Human Comedy) de Clarence Brown pour la MGM avec Mickey Rooney et Van Johnson, mais surtout il a un deuxième fils, Christophe. L’année suivante il tourne à nouveau à la MGM sous la direction de Mervyn LeRoy 30 secondes sur Tokyo (30 seconds over Tokyo, 1944)  où il rencontre Spencer Tracy dont le jeu aura également une grande influence. Mervyn LeRoy, se rendant compte du talent de Mitchum, décide de l’employer dans le rôle de Demetrius dans La Tunique qu’il compte réaliser d’ici peu. Le film sera finalement tourné en 53 par Henry Koster, avec Victor Mature dans le rôle.  La RKO, quant à elle, décide de le prendre sous contrat. Elle essaye également de changer son nom en celui terriblement banal de Robert Marshall. Mitchum refuse vigoureusement. Le studio s’incline. Les rôles qu’il tient sont plus conséquents, même si les films restent de catégorie B, comme dans le western Nevada ou le film noir (son premier) Etrange mariage (When Strangers Marry, 1944).

En 1945, le célèbre réalisateur William A. Wellman décide de lui faire faire un bout d’essai pour son prochain film, Les forçats de la gloire (The Story of GI Joe).
« Quand il a crié « coupez », j’ai regardé par-dessus la caméra et j’ai vu qu’il était en train de pleurer. Je me suis dit : « de deux choses l’une, soit tu as été très mauvais, soit il est très ému. » »
Le bout d’essai sera intégré tel quel dans le film. Après le tournage, Mitchum est incorporé dans l’armée.

Une étoile nonchalante est née :

Les forçats de la gloire, est un succès et la RKO convainc donc l’armée de permettre à Mitchum d’en faire la promotion. D’ici que celle-ci se termine, la guerre est finie et Mitchum n’a plus aucune obligation envers l’armée. Après une nomination pour l’Oscar du meilleur second rôle (la seule), il enchaîne donc avec Jusqu’à la fin des temps (Till The End Of Time, 1946) d’Edward Dmytryk qui parle des vétérans. Nouveau succès même si le succès des Plus belles années de notre vie de William Wyler, sorti un peu après, fera pâlir son étoile. Mitchum est devenu une célébrité et ne peut plus se déplacer discrètement, ce qui l’irrite beaucoup. Un fan club exclusivement féminin est même créé : les Mitchum Droolettes ! Cependant Mitchum refuse d’entretenir de bonnes relations avec la presse, ne répondant pas aux questions des journalistes, aimant choquer et critique sans remords les studios et les scénarios de piètre qualité. En bref, il devient le premier Bad Guy d’Hollywood.

Il joue les seconds rôles dans deux films de la MGM, Lame de fonds (Undercurrent, 1946) de Vincente Minnelli et La femme de l’autre (Desire Me) de Mervyn LeRoy, mais ces deux tournages sont un calvaire pour Mitchum qui se disputera avec certaines de ses co-stars. La Vallée de la peur (Pursued, 1947), est son premier rôle principal dans un film à gros budget, et lui permet de travailler avec Raoul Walsh qui le fascine. Montgomery Clift, alors jeune acteur de théâtre, avait fait un bout d’essai, mais avait été jugé peu crédible en cow-boy. Kirk Douglas, un autre débutant, avait fait forte impression, mais sa fossette avait déplu à Jack Warner. En revanche le producteur n’a rien à redire à celle de Mitchum qui est engagé. La jeune Teresa Wright sera cependant terrifiée par l’imposant acteur au point que Raoul Walsh, amateur de blagues d’un goût douteux, décida de lui jouer un tour. Le réalisateur au bandeau demanda à ce que Mitchum fasse semblant de vouloir la violer  pendant la scène de la nuit de noces. La ruse réussit et l’actrice eut l’une des plus belles peurs de sa vie.


Jacques Tourneur le fait tourner dans un nouveau film noir, La griffe du passé (Out Of The Past, 1947) en compagnie de Jane Greer et d’un autre jeune loup, Kirk Douglas. Les deux futurs monstres sacrés du cinéma essayèrent durant tout le tournage de se voler la vedette. Le film obtint un certain succès, mais ne fut considéré comme un chef-d’œuvre que des années plus tard. Il tourne ensuite un nouveau film avec Dmytrik, Feux croisés (Crossfire, 1947), une critique de l’anti-sémitisme, qui fut un nouveau succès. Peu sensible à son statut de vedette, Mitchum déclarera : « L’une des plus grandes stars du cinéma, s’était Rintintin, c’est que ce ne doit pas être si compliqué »


Les années Howard Hughes :

Mais si la carrière à l’écran de Mitchum va de mieux en mieux, il n’en va pas de même de sa vie privée. A l’instar d’autres stars de l’époque (Tyrone Power ou Errol Flynn), des hommes d’affaires peu scrupuleux profitent de son inexpérience pour détourner son argent. L’événement pousse Dorothy, qui ne peut plus supporter Hollywood, à quitter la ville. C’est à cette époque qu’Howard Hughes devient le propriétaire de la RKO. Ce changement de direction laisse Mitchum désoeuvré et un soir il est arrêté avec trois amis (dont l’actrice Lila Leeds, qui commençait à percer et avait joué un petit rôle dans La maison du lac de Robert Montgomery) pour consommation de marijuana. Hughes essayera d’étouffer l’histoire, mais il est déjà trop tard. Il engage alors Jerry Giesler (qui avait l’avocat d’Errol Flynn par le passé) pour le défendre, mais les deux acteurs seront déclarés coupables. Par la suite, il sera prouvé qu’il s’agissait d’un coup monté et l’affaire sera classé. Mais avant cela, Mitchum devra passer 54 jours en prison. Le côté positif de l’histoire est qu’il se réconcilie avec Dorothy, de même non seulement sa carrière n’en prendra pas ombrage (contrairement à celle de Leeds), mais au contraire elle accentue la fascination du public vis-à-vis de l’acteur.

Le tournage de Ça commence à Vera Cruz (The Big Steal, 1949) débute alors que Mitchum est encore en prison. En plus de devoir tourner sans avoir la vedette, le réalisateur Don Siegel devra faire face à un autre problème : la grossesse de Jane Greer qui ne peut se voir à l’écran. Fin 49, le tournage de Mon passé défendu (My Forbiden past, 1951) sera l’occasion d’une romance passionnée avec Ava Gardner. Fini de rire (His Kind Of Woman, 1951) est le premier film qu’il tourne avec la plantureuse Jane Russell avec qui il formera selon les désirs de Hughes, le couple phare des policiers de la RKO. La fin du tournage fut cependant un désastre lorsque Hughes décida de tourner de nouvelles scènes avec un autre réalisateur. Les critiques furent mitigées, mais applaudirent la performance du couple. Joseph von Sternberg dirigera la deuxième rencontre Mitchum-Russell, le désormais mythique Paradis des mauvais garçons (Macao, 1952), mais Mitchum devra à plusieurs reprises remettre à sa place le réalisateur caractériel.

Début 52, le couple Mitchum a une petite fille, Petrine et Robert commence le tournage de Un si doux visage (Angel Face, 1952). Ce film est pour Howard Hughes l’occasion de se venger de la jeune Jean Simmons qui s’était refusée à lui et dont le contrat allait bientôt expirer. Il engage donc Otto Preminger, réputé pour être odieux envers ses actrices, lui promettant que sur le tournage il pourra être Hitler ! Lors d’une scène, Preminger force Mitchum à gifler réellement l’actrice, le faisant recommencer à plusieurs reprises. Finalement, alors que le réalisateur lui demande une nouvelle fois de recommencer, Mitchum va vers lui et le gifle. Le film reste cependant un sommet dans la carrière des trois artistes. Les relations entre Howard Hughes et Robert Mitchum sont en revanche amicales, mais le milliardaire, jaloux de sa star, refusera de louer Mitchum à ses concurrents, que ce soit pour remplacer Brando à Broadway sur Un tramway nommé Désir, ou bien pour le rôle qui reviendra à Burt Lancaster dans Tant qu’il y aura des hommes. Il accepte cependant de le prêter à la Fox pour en faire  la co-star de Marilyn Monroe dans La Rivière sans retour (River Of No Return, 1954) à nouveau d’Otto Preminger. Les relations entre Preminger et Monroe sont si mauvaises que Mitchum doit servir de lien entre les deux. Il encourage également Marilyn à prendre conscience de ses réelles capacités d’actrice et de perdre les tiques imposés par sa répétitrice. Marilyn dira de Mitchum qu’il était « l’un des hommes les plus intéressants et les plus fascinants que j’ai jamais rencontré ». Le film reste l’un des plus gros succès de Mitchum.
En août 54, son contrat avec la RKO expire, et Robert Mitchum décide d’aller voir ailleurs.


Sommet de carrière :

« Je pense que les acteurs sont là pour divertir. Je me souviens que lorsque j’étais enfant, j’allais au cinéma, et qu’à la sortie je me rendais compte qu’il faisait nuit ou qu’il avait plu et que j’avais été transporté pendant une heure trente. C’est un moyen de s’évader. Si les acteurs font bien leur métier, ils contribuent à faire évader le public, à créer une illusion ».


Peu de temps après avoir quitté la RKO, il reçoit un appel de l’acteur Charles Laughton. Celui-ci a en effet décidé de passer derrière la caméra en adaptant le roman de West Virginia, La Nuit du chasseur (The Night Of The Hunter, 1955). Mitchum est emballé par le rôle et le contacte entre les deux hommes est excellent, cependant Laughton préfère que Mitchum s’écarte du personnage du roman, qu’il jugeait trop terrifiant pour avoir pu séduire et tromper les habitants du village. De ce fait, entre le grotesque et la terreur, le personnage du révérant Harry Powell rappelle celui du Grand Méchant Loup. Si Mitchum est ouvertement méprisant envers Shelley Winters, il est affectueux envers les enfants et les dirige dans leurs scènes ce dont Laughton se révèle incapable. Le film est un échec commercial qui fera sombrer Charles Laughton dans la dépression et il ne réalisera plus aucun film par la suite. Aujourd’hui, La Nuit du chasseur est considéré comme un classique et est certainement le film phare de Mitchum.

Son projet suivant est l’adaptation du best-seller Pour que vivent les hommes (Not A Stranger, 1955) dont le succès était si important que le choix du casting pour le rôle du Dr Lucas Marsh fut l’objet de grands débats populaires comme il en avait été le cas pour celui de Rhett Butler pour Autant en emporte le vent ! A la surprise générale, c’est à Mitchum que le réalisateur et producteur Stanley Kramer confie le rôle, à la tête d’un casting impressionnant composé d’Olivia de Havilland, Frank Sinatra, Broderick Crawford, Gloria Grahame et Lee Marvin dans un petit rôle. Le résultat fut le plus gros succès au box-office de Mitchum. S’il est ensuite viré du tournage de L’allée sanglante (Mitchum a souvent été indiscipliné sur les plateaux de ses films, arrivant fréquemment fin saoul), il est rapidement engagé pour tourner dans Bandito (1956). L’enfer des tropiques (Fire Down Bellow, 1957) aurait dû sonner ses retrouvailles avec Ava Gardner, mais la belle étant prise, le rôle féminin est attribué à Rita Hayworth. Jack Lemmon complète l’équipe de ce film tourné dans les Caraïbes.

La même année, John Huston l’engage pour tourner dans l’un de ses plus beaux films, Dieu seul le sait (Heaven Knows Mr Allison, 1957), racontant l’histoire d’un amour impossible entre un G.I. et une religieuse. Une amitié profonde allait se nouer entre Robert Mitchum et Deborah Kerr. Ils allaient encore partager l’affiche à trois reprises, répétant leurs dialogues au téléphone, l’un en Californie et l’autre en Suisse. Pour les besoins du tournage Mitchum n’hésite pas à ramper dans des herbes coupantes et empoisonnées à plusieurs reprises sans se plaindre, Huston ne se rendant compte des souffrances de son interprète qu’une fois la scène achevée, lorsqu’il le verra la chemise en sang.


Ces deux tournages sous les tropiques lui ayant fait découvrir la Calypso, Mitchum enregistre un album, Calypso, is like so…, à son retour en Amérique. Comme de nombreux acteurs de sa génération, il décide de lancer ses propres projets, ce qui donne lieu à son film le plus personnel, Thunder Road (1958). Mitchum aurait voulu Elvis Presley pour jouer le rôle de son jeune frère. Le chanteur, admirateur de Mitchum, sera emballé, mais le prix exigé par l’omniprésent manager du King, le Colonel Parker, était bien au delà du budget. A la place, Mitchum prit son fils aîné, Jim. C’est également à cette époque qu’il quitte Berverly Hills pour aller dans le Maryland. Vincente Minnelli lui offre un nouveau grand rôle dans Celui par qui le scandale arrive (Home From The Hill, 1960) où dans un rôle de patriarche, il donne la réplique à Eleanor Parker et à George Peppard. Les critiques sont mauvaises et le film ne sera réhabilité que des années plus tard.

Fred Zinnemann lui fait retrouver Deborah Kerr dans Horizons sans frontières (The Sundowners, 1960) où son jeu impressionne la critique. Curieusement, si le film, de même que Deborah Kerr, sont nomminés aux Oscars, Robert Mitchum fait figure de grand oublié par l’Académie. Ailleurs l’herbe est plus verte (The Grass Is Greener, 1960) est l’une de ses rares incursions dans la comédie. Il partage la vedette avec Cary Grant et y retrouve non seulement Deborah Kerr mais aussi Jean Simmons. Gregory Peck l’engage pour incarner Max Cady dans son thriller les Nerfs à Vif (Cape Fear, 1962). Il est tellement pris par son personnage que lors de la scène du viol, Polly Bergen et lui finissent en sang et doivent être séparés. Enfin, l’ancien président de la 20th Century Fox, Darryl F. Zanuck, en fait l’un des premiers rôles de son épopée Le jour le plus long (The Longest Day, 1962).



L’âge mûr:

« Si vous voulez ma présence, payez-moi. Si vous voulez mon intérêt, intéressez-moi »

Suite au succès de La Garçonnière, les studios décident d’employer Shirley MacLaine dans un rôle similaire en adaptant la pièce à succès de William Gibson, Deux sur la balançoire (Two For The Seesaw, 1962). Pour reprendre le rôle d’Henry Fonda, les producteurs pensent à Mitchum dont ce serait un rôle à contre-emploi. Celui-ci est réticent, suggérant des acteurs plus proche du personnage comme William Holden, Glenn Ford ou bien sûr Fonda, mais les producteurs s’obstinent et Mitchum accepte à contre cœur. Sur le plateau, Shirley MacLaine a tôt fait de le mettre en confiance, et les deux stars commencent une liaison passionnée. Le film, dirigé par Robert Wise, n’aura cependant pas le succès escompté. Cela n’empêche pas Robert Mitchum de devenir l’un des nombreux maris (aux côtés de Gene Kelly, Paul Newman, Dean Martin et Dick Van Dyke) de Shiley MacLaine, dont il est toujours l’amant à la ville, dans Madame croque-maris (What A Way To Go, 1963). Mitchum finit quand même, comme à chaque fois, par retrouver Dorothy.


Alors que John Huston en fait, avec Tony Curtis, Burt Lancaster et Frank Sinatra, une des célébrités grimées du Dernier de la liste (The List Of Adrian Messenger, 1963), Howard Hawks l’engage pour donner la réplique à John Wayne dans El Dorado (1966). Howard Hawks avait longuement hésité à le prendre, connaissant la réputation de Mitchum d’arriver ivre sur les plateaux. Celui-ci sera cependant correct, comme à chaque fois qu’il prend plaisir à tourner un film. Il est plus juste de dire d’El Dorado qu’il s’agit d’une parodie de Rio Bravo plutôt qu’une variation en mineur du classique comme on l’a trop souvent écrit. Mitchum y révèle une nouvelle fois son talent pour la comédie. Il tourne ensuite un nouveau western, La route de l’Ouest (The Way West, 1967), qui, si le succès n’est pas au rendez-vous, a le mérite de réunir trois des plus grandes stars de leur génération : Kirk Douglas, Richard Widmark et Mitchum bien sûr.

En cette année 67, il enregistre un nouvel album, de country cette fois, That Man, Robert Mitchum, Sings dont certaines chansons sont composées par lui-même. Le single « Little Old Wine Drinker Men » monte d’ailleurs fort haut dans les charts. Il fait également deux voyages pour rencontrer les soldats au Vietnam et quitte le Maryland pour retourner en Californie, habitant quelque temps l’ancien manoir du compositeur Cole Porter. Il refuse le rôle principal de La Horde Sauvage, qui ira à son ami William Holden, de même qu’il avait refusé peu de temps au par avant le rôle principal de Cat Ballou qui avait fait de Lee Marvin une star. A la place il tourne Cinq cartes à abattre (Five Cards Stud, 1968) avec Dean Martin où il reprend l’habit ecclésiastique, et Cérémonie secrète (Secret Ceremony, 1968) avec Elizabeth Taylor et Mia Farrow.

Lorsque Mitchum apprend que David Lean veut lui confier le rôle principal de son prochain film, La fille de Ryan (Ryan’s Daughter, 1970), il essaye de se défiler, trouvant qu’un acteur irlandais serait préférable pour un rôle d’Irlandais.
- Avez-vous d’autres projets qui vous empêche d’accepter ?, lui demande alors Lean
- Oui, en fait j’avais prévu de me suicider, explique la star, imperturbable
- Et bien, répondit Lean, si vous acceptez de faire notre petit film avant, je vous promet de prendre les funérailles à ma charge.

Le film, bien plus intimiste que les précédentes réalisations du réalisateur, offre à Mitchum un nouveau rôle à contre-emploi qui lui vaut d’excellentes critiques. En revanche, le film en lui-même est mal reçu par la publique qui attendait un nouveau Docteur Jhivago, et David Lean ne fit plus de nouveau film avant 14 ans. Mitchum, qui revenait sur le devant de la scène après une série de flops, refusa d’en tirer parti, rejetant les rôles principaux de Patton, Dirty Harry et French Connection, apparaissant dans des films sans réel intérêt qui ne le méritaient pas.  Les Copains d’Eddie Coyle (The Friends Of Eddie Coyle, 1973) et surtout le film d’action oriental Yakuza (The Yakuza, 1974), dirigé par Sydney Pollack remontant le niveau. Adieu ma jolie (Farrewell My Lovely, 1975) le voit entrer dans la peau du célèbre Marlowe de Chandler à la place de Dick Powell qui avait joué dans la version de 1944. Mais surtout il lui permet de faire un face à face remarqué avec la jeune Charlotte Rampling. Ce film est sans conteste le dernier grand rôle de Mitchum dans un film important.


Un invité de prestige :

« L’idéal serait de réussir dans mon boulot et passer inaperçu dans la rue. Ce serait le paradis, comme en jouant des rôles de nains ou de champignons, enfin, n’importe quoi du moment que ce soit totalement opposé à ce que vous êtes physiquement et moralement. »


Les meilleures performances de Mitchum deviennent désormais des seconds rôles. Il joue dans le dernier film d’Elia Kazan, Le dernier Nabab (The Last Tycoon, 1976), inspiré de la vie d’Irving Thalberg, un personnage proche de l’ancien président de la MGM, Louis B. Mayer, au milieu d’une pléiade de stars (Tony Curtis, Ray Milland, Dana Andrews et même Jack Nicholson). Robert De Niro y tient le rôle principal. Il remplace Burt Lancaster, victime d’un problème cardiaque, dans Maria’s Lover (1984) ou son vieil ami John Huston, proche du trépas, dans Mr North (1988).  La reprise du Grand Sommeil (The Big Sleep, 1978), où il retrouve le rôle de Marlowe aux côtés de James Stewart et sa partenaire de La Fille de Ryan, Sarah Miles, est un échec. C’est par la télévision que Mitchum traversera véritablement les années 80.

En 1983, ABC le propose en effet un million de dollars pour incarner Victor « Pug » Henry, un officier envoyé par Roosevelt en Europe, dans The Wings Of War. La série, qui voit également Ali McGraw et Ralph Bellamy dans le casting, obtient un grand succès et apporte à Mitchum une publicité sans précédent qui le pousse à accepter d’autres travaux à la télévision, comme le téléfilm Reunion to Fairborough (1985) qui lui fait retrouver Deborah Kerr. 1988 lui fait reprendre le rôle de Pug Henry dans la série War and Remembrance. Et si Georges Lautner lui offre un second rôle dans son film Présumé dangereux (1990), Martin Scorsese lui offre, ainsi qu’à Gregory Peck, une apparition dans son remake des Nerfs à vifs (Cape Fear, 1991), où Robert De Niro, couverts de tatouages pour l’occasion, reprend le rôle de Max Cady. Robert Mitchum sera terriblement surpris que Scorsese ait vu ses 103 films, lui qui n’en a vu que sept. C’est également en 1991 que l’Académie lui remet le Cecile B. De Mille awards.

Malheureusement, sa santé se détériore, lui forçant à quitter le tournage de Tombstone (1994) sur lequel Charlton Heston faisait également une apparition. Ne voulant le remplacer, son rôle est supprimé. Les médecins diagnostiques un emphysème et l’acteur est forcé de subir des apports d’oxygènes. Il continue cependant à fumer et participe à des documentaires rappelant l’âge d’or des studios hollywoodien. Il projette d’écrire son autobiographie avec l’aide de Jackie Kennedy-Onassis dont il est l’acteur préféré, mais celle-ci, elle-même atteinte d’un cancer, ne peut l’aider dans son projet qui restera lettres mortes. En 1995, il joue dans son dernier film, Dead Man de Jim Jarmush dont Johnny Depp est la vedette. C’est au printemps 97 que le cancer sera diagnostiqué.


Robert Mitchum décède le matin du 1er juillet 1997. Le lendemain une autre légende s’en allait, James Stewart.


Sources

L. SERVER, Robert Mitchum, Baby I Dont Care, 2002
Les citations de Robert Mitchum sont issues du documentaire de Gene Feldman, "Robert Mitchum l'anti-star"

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