Greta Garbo
Enfance
gelée :
Lorsque Greta Lovisa Gustafsson naît le 18
septembre 1905 à Stockholm, personne n’aurait jamais pu imaginer que cette
petite fille, troisième enfant d’une pauvre famille suédoise, allait devenir la
plus grande star du cinéma. Son père a sombré dans l’alcoolisme et sa mère ne
débordera jamais d’amour maternel. On ne doit donc pas s’étonner que la petite
fille développe un caractère introverti qu’elle gardera toute sa vie. La santé
de son père se dégradera progressivement et Greta n’a que 14 ans lorsqu’il
meurt. Dès lors plus question d’aller à l’école, il lui faut, comme son frère
Sven et sa sœur Alva, aider à la survie de la famille.
Greta est alors engagée comme vendeuse dans
les magasins PUB qui bientôt se serviront d’elle pour tourner une publicité.
Malgré une taille assez grande et une silhouette un peu boulotte, elle a déjà
le beau visage qui allait ensorceler les foules par la suite. Quoiqu’il en
soit, la jeune fille sent bien qu’elle n’est pas faite pour ce genre de métier,
depuis longtemps déjà le théâtre la fascine et Greta caresse de plus en plus
l’idée d’en faire sa profession. Après quelques petits rôles dans des films,
elle reçoit l’aide Frans Enwell, ancien directeur de l’académie royale d’art
dramatique, et de sa fille pour passer l’audition qui lui permettra d’entrer
dans la dite académie. Greta quitte alors son emploi de vendeuse et est admise
à suivre les cours avec une bourse d’étude. Elle a tout juste 16 ans.
Moins d’un an après, le célèbre réalisateur
suédois Mauritz Stiller l’engage pour le rôle principal de son nouveau film, Gosta Berlings Saga (La légende de Gosta Berling, 1923). Tel
un pygmalion, Stiller apprend à sa jeune actrice à se comporter dans le beau
monde et surtout change son nom en Garbo. Pour l’actrice, une nouvelle vie va
commencer.
Devenir
une vedette du muet :
Si La
légende de Gosta Berling n’est pas un franc succès en Suède, le film est
plutôt bien accueilli dans le reste de l’Europe. C’est ainsi que Trianon, grand
studio allemand, engage Garbo et Stiller pour un film, Odalisken från Smolna (L’odalisque
de Smolna), dont le tournage doit se passer en Turquie. Le film ne verra
jamais le jour, les relations entre réalisateur et studio s’étant
progressivement dégradées. C’est alors que Stiller est contacté par le puissant
patron de la MGM, Louis B. Mayer, pour aller en Hollywood. Le vieux lion est en
effet, suivant la mode hollywoodienne de l’époque, venu en Europe pour
embaucher les grands talents européens. Stiller, qui n’a plus un sou, accepte
sous la condition que Garbo soit également engagée. Peu enthousiaste, Mayer
demande d’abord à voir La légende de
Gosta Berling. A la fin de la projection, non seulement il veut bien
engager Garbo, mais celle-ci l’intéresse désormais d’avantage que Stiller.
Avant de partir pour Hollywood cependant, Garbo tourne pour G.B. Pabst Die Freudlose Gasse (La rue sans joie, 1925).
Début juillet 1925, Garbo et Stiller arrivent
à New York. Alors qu’elle vient d’avoir 20 ans (!), Greta signe son contrat la
liant à la MGM et commence à prendre des cours d’anglais. Arrivée à Hollywood,
on lui offre très vite un rôle dans une grande production, The Torrent (Le Torrent,
1926). Mais le tournage ne se passe pas bien : tant Monta Belle, le
réalisateur, que Ricardo Cortez, la star, la méprise. Aussi Garbo supplie le
studio pour que son prochain film soit dirigé par Stiller. Miraculeusement,
cela lui est accordé et Garbo et Stiller commencent le tournage de The Temptress (La Tentatrice, 1926). A sa sortie « Le Torrent » est un
succès et Garbo, que le service publicitaire avait appelé « La Norma
Shearer suédoise », devient la nouvelle vamp du cinéma.
Pendant le tournage de La Tentatrice, Garbo
reçoit coup sur coup deux mauvaises nouvelles : sa sœur Alva est décédée
et Stiller, qui n’arrive pas à se faire à la technique de tournage américaine,
est renvoyé et remplacé par Fred Niblo. Stiller est lui engagé par la Paramount
pour diriger l’actrice Pola Negri. Malgré cela La Tentatrice sera un nouveau succès et propulsera Garbo au firmament
des stars. Dès la fin du tournage, la MGM décide de réunir Garbo et leur plus
grande star, John Gilbert, dans Flesh And
The Devil (La Chair et le Diable,
1927) sous la direction de Clarence Brown. Les supplications de Garbo pour
avoir des vacances et cesser de jouer les vamps resteront lettres mortes. Dès
le début du tournage l’équipe se rend compte de l’alchimie régnant entre Garbo
et Gilbert. Leur amour mutuel est si palpable que la MGM demande à Brown de
multiplier les scènes d’amour. Bientôt plus personne en Amérique n’ignore la
relation qui unit les deux stars.
Mais lorsque la MGM lui confie à nouveau un
rôle de vamp, Garbo se met en grève et songe à retourner en Suède. Le studio
panique et accorde à la star une forte augmentation de salaire. De même son
film suivant sera une adaptation d’Anna Karénine, renommé pour l’occasion Love (1927), et lui fera à nouveau
partager l’affiche avec Gilbert. Suite à la vague adaptation de la vie de son
idole Sarah Bernhardt, The Divine
Woman (La Femme Divine, 1927),
Garbo obtient son surnom : la Divine. A cette époque, Stiller est retourné
en Suède où il décèdera peu de temps après. Après quelques films, dont A Woman Of Affairs (Intrigues, 1928) avec Gilbert, Garbo
part pour la Suède. C’est la première fois qu’elle y retourne depuis trois
ans !
A son retour quelques mois plus tard, sa
relation avec John Gilbert est bel et bien terminée suite à ses nombreux refus
de mariage avec l’acteur qu’elle aurait, selon la légende, abandonné devant
l’autel. Garbo tourne alors ses deux derniers films muets dont The Kiss (Le Baiser, 1929). Le parlant est désormais inévitable et la MGM
sait qu’elle ne peut plus reculer la présentation au Monde de la voix de Garbo.
La
divine star des années 30 :
Après avoir pensé à une adaptation de la vie
de Jeanne d’Arc, le choix du studio et de sa star se porte sur l’adaptation
d’une pièce d’Eugene O’Neill, Anna
Christie. Choix intelligent, vu que l’héroïne n’est autre qu’une
Suédoise ! L’accent de Garbo ne passera que mieux. L’actrice y impose son
réalisateur fétiche, Clarence Brown, et un acteur presque inconnu, Charles
Bickford. Le film, lancé à grands coups de publicité (« Garbo
Talks ! »), sera un succès de l’année 1930 et le public acceptera
tout de suite la voix grave à l’accent prononcé de Garbo. Une version allemande
sera tournée par la suite avec cette fois le réalisateur belge Jacques Feyder.
A cette époque, le doublage n’est pas encore de mise.
Garbo enchaîne tout de suite avec le tournage
de Romance (1930) où elle ne peut
malheureusement pas avoir Gary Cooper, que la Paramount refuse de prêter, comme
partenaire. Lors de la cérémonie des Oscars, Garbo sera nominée à la fois pour Anna Christie et Romance, mais c’est Norma Shearer qui gagnera la précieuse
statuette. Inspiration (L’inspiratrice, 1931), son troisième
film ne marquera l’histoire du cinéma que pour avoir été sa seule rencontre
avec Robert Montgomery. Tandis que Susan
Lenox : Her Fall And Rise (La
Courtisane, 1931) la fera jouer avec une autre recrue prometteuse de la MGM :
Clark Gable. En revanche le choix de l’ancien rival de Rudolph Valentino,
Raymond Novarro, dans Mata Hari
(1931), est bien malheureux et les costumes de Garbo seront le seul réel
intérêt de cette adaptation bien insipide et inexacte de la vie de la célèbre
espionne. Le film est cependant un énorme succès. C’est également à cette
époque que Garbo fait la connaissance de Mercedes de Acosta avec qui elle
commencera à vivre une longue liaison amoureuse et amicale.
En 1932, Garbo domine le casting des nombreuses
stars de Grand Hotel, des frères
Barrymore à Joan Crawford en passant par Wallace Beery. Premier film à avoir une
distribution aussi étoilée, Grand Hotel
remportera un succès fulgurant et l’Oscar du meilleur film. La réplique I want to be alone, prononcée par le
personnage interprété par Garbo, poursuivra l’actrice toute sa vie et lui est,
encore aujourd’hui, fréquemment associé. La presse à sensation fera également
les choux gras de la relation qu’elle entretiendra durant les années 30 avec le
célèbre chef d’orchestre Leopold Stokowski.
Après avoir été en blonde platine dans As You Desire Me (Comme tu me veux, 1932) face à Melvyn Douglas et Erich von
Stroheim, Garbo retourne à nouveau en Suède. La MGM qui a peur de perdre sa
poule aux œufs d’or renégocie son contrat, lui octroyant un droit de regard sur
ses partenaires et metteurs en scène (en plus bien sûr d’une augmentation de
salaire). Garbo accepte de revenir aux Etats-Unis pour réaliser un projet qui
lui tient à cœur : une biographie de la Reine de Suède Christine. Contre
l’avis du studio qui aurait préféré Laurence Olivier, elle impose John Gilbert
comme partenaire. Le parlant a été fatal à Gilbert qui n’a plus eu de grands
rôles depuis longtemps et ce film sera le dernier qu’il tournera avec Garbo. Il
mourra en 1936. Queen Christina (La Reine Christine, 1934), dirigé par
Rouben Mamoulian (dont la rumeur dira qu’il fut l’amant de l’actrice), sera un
échec aux Etats-Unis mais triomphera en Europe.
Garbo tourne ensuite The Painted Veil (Le
Voile des Illusions, 1934) avec Herbert Marshall, puis reprend en 1935 un
de ses anciens rôles pour la version parlante de Anna Karenine. Le film lui offre un belle distribution (Basil
Rathbone, Maureen O’Sullivan et le jeune Freddie Bartholomew dans des seconds rôles)
et l’un de ses meilleurs partenaires : Fredric March. Mais c’est son ami
George Cukor qui lui offre l’année suivante son plus beau rôle avec une
adaptation de La Dame aux Camélias.
Robert Taylor lui servira brillamment de partenaire et en plus d’être un
succès, Camille (Le Roman de Marguerite Gautier, 1936)
lui donne une nouvelle nomination aux Oscars.
Conquest (Marie Walewska, 1937) lui donne une
nouvelle fois la possibilité d’interpréter un personnage historique, Charles
Boyer incarnant un Napoléon plus vrai que nature. Ce sera la dernière fois
qu’elle tournera sous la direction de son metteur en scène fétiche, Clarence
Brown. Le film sera cependant un échec monumental et est encore aujourd’hui
injustement critiqué. C’est à cette époque que Garbo devient, avec Katharine
Hepburn, Marlene Dietrich et Joan Crawford entre autres, un des « Poisons
du box-office ». Mais Garbo n’en a cure et, après être retournée quelques
temps en Suède, retombera très vite sur ses pieds avec ce qui reste probablement
son rôle le plus connu : Ninotchka (1939).
La
fin d’une brillante carrière :
A son retour de Suède, la MGM lui propose
deux sujets de film : l’un sur la vie de Marie Curie, l’autre sur une
communiste découvrant le capitalisme. Les deux projets intéressent Garbo, mais
sa préférence va vers l’histoire qui deviendra Ninotchka. Cukor n’étant pas libre, Garbo demande alors Ernst
Lubitsch qui vient de signer pour deux films avec la MGM. Tous les grands
acteurs de comédie sont envisagés pour le rôle principal : Cary Grant,
Clark Gable, William Powell, Spencer Tracy, mais Lubitsch optera pour Melvyn
Douglas avec qui il vient de tourner Ange.
Choix curieux, l’acteur étant meilleur dans le drame que dans la comédie.
Garbo est à la fois anxieuse et excitée à
l’idée de tourner sa première comédie, elle, la reine du mélodrame. Le résultat
est pourtant plus que convaincant et lui vaut une nouvelle nomination aux
Oscars (elle perdra face à Vivien Leigh). Le film est quant à lui un énorme
succès. Un succès que la MGM aimerait renouveler. Lubitsch étant indisponible,
c’est George Cukor qui dirigera à nouveau Garbo dans sa deuxième comédie.
L’image de l’actrice est américanisé (le marché européen étant fermé à cause de
la guerre) et Melvyn Douglas est à nouveau son partenaire. Mais si l’acteur se
débrouillait dans la comédie sophistiquée, son manque de timing est peu propice
au genre de la screwball comédie qui convient plus à Cary Grant (le premier
choix de Cukor). A cela s’ajoute l’appel à la censure de l’Eglise qui juge le film
immoral. Avec autant d’éléments défavorables, Two Faced Woman (La
Femme aux deux visages, 1941) sera loin d’être le succès escompté par la
MGM. Garbo, elle, décide de se retirer provisoirement pour réfléchir.
A
l’écart des studios :
Ce retrait n’inquiète pas la MGM qui
l’encourage même, le marché européen, le plus lucratif pour les films de Garbo,
étant fermé à cause de la guerre. Mais une fois le conflit mondial terminé,
l’actrice n’a plus tellement envie de revenir devant les caméras. De nombreux projets
prévus pour l’actrice se feront
sans elle comme Les 55 jours de
Pékin où elle aurait dû jouer l’impératrice, Anastasia où elle aurait joué la Grande-Duchesse ou encore Ma Cousine Rachel. D’autres seront
abandonnés comme le projet de 1949 du producteur Walter Wanger, La Duchesse de Langeais, pour lequel
Garbo fit même des bouts d’essais avant que le film, faute de crédits, soit
abandonné ; ou ce projet un peu fou de Luchino Visconti d’adapter A la recherche du Temps perdu avec
Garbo, Laurence Olivier, Alain Delon, Simone Signoret, Marlon Brando et Dick
Bogarde ! Mais la frustration des fans de l’actrice restera Royal Scandale (Scandale à la Cour, 1945). Ernest Lubitsch qui produisait le film
avait obtenu de Garbo qu’elle interprète le rôle de Catherine II, mais à la
dernière minute le réalisateur Otto Preminger lui préfèrera Tallulah Bankhead,
nous privant ainsi de ce qui aurait été son retour à l’écran.
Fuyant la foule et la publicité, Garbo
devient plus mystérieuse que jamais pour ceux qui ne font pas partie de ses
intimes (Mercedes de Acosta, le photographe Cecil Beaton, George Cukor, le
nutritionniste Gayelord Hauser…). De temps à autre cependant elle sort de sa
retraite et rencontre les nouvelles stars d’Hollywood telles que Gene Kelly ou
Ava Gardner qui demeurent fascinés par son aura et sa personnalité. Devenue
citoyenne américaine en 1951, elle quitte Los Angeles quelques années après
pour New York où elle habitera jusqu’à la fin de sa vie. Un Oscar honorifique
vient (enfin) couronner sa carrière en 1954. Les années 60 la verront
fréquenter la jet-set par l’entremise de son amie la Baronne Cécile de
Rothschild, mais aussi la trahison de ses amis Beaton et de Acosta qui
révèleront dans leurs livres respectifs la vie privée de l’actrice qui coupera les
ponts.
Silhouette fantômatique se baladant dans les
rues de New York, Garbo restera jusqu’au bout la cible de paparazzis. Après
avoir survécu à un cancer du sein dans les années 80, Garbo entre en 1990 à
l’hôpital pour soigner une pneumonie. Elle y mourra quatre jours plus tard, le
15 avril.
Sources:
F. DUCOUT, Greta Garbo la Somnambule, 1979
http://www.garboforever.com
Sources:
F. DUCOUT, Greta Garbo la Somnambule, 1979
http://www.garboforever.com
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