Depuis l'enregistrement de Saints & Sinners, les choses ont bien changé pour Whitesnake. David Coverdale a perdu la majorité de son groupe dans l'aventure et c'est donc une toute nouvelle formation qui a accompli la tournée. A l'affiche le batteur Cozy Powell (ex Rainbow), le guitariste Mel Galley (ex Trapeze) et le bassiste Colin Hodkinson, un ancien musicien d'Alexis Korner qui jouait dans le groupe de Powell. Bref, on reste en famille. C'est donc cette belle bande qui s'occupe d'enregistrer le nouvel album. Galley devient le co-compositeur principale, signant cinq titres avec Coverdale contre un pour Micky Moody. Le reste sera composé par le seul chanteur.
Mais une fois Slide It In enregistré, les tensions avec Moody reprennent. Le moustachu reproche à Coverdale et Powell la perte du côté "groupe de Hard Blues débonnaire" des débuts pour un ensemble plus pro et plus Heavy. Il n'en faut pas beaucoup pour qu'il claque à nouveau la porte, cette fois pour de bon. Pas désarçonné, Coverdale propose la place à un petit jeune, Adrian Vandenberg, dont le premier album l'a impressionné, mais celui-ci déclinera confiant dans l'avenir de son groupe qui s'avère prometteur. Le chanteur se tourne alors vers John Sykes, libre depuis la séparation de Thin Lizzy, avec qui Whitesnake avait tourné peu de temps avant. Celui-ci accepte. Coverdale en profite dans la foulée pour se débarrasser de Colin Hodkinson qui n'avait jamais vraiment convenu par ailleurs et s'empresse de rappeler Neil Murray.
C'est à ce moment-là que Geffen signe le groupe. Le label demande un remix de l'album et impose Keith Olsen, ne souhaitant pas travailler avec Martin Birch, producteur historique de Whitesnake. Coverdale accepte à condition que Neil Murray et John Sykes puisse enregistrer les parties à la place de celles de Moody et Hodkinson. C'est pour cela qu'il existe aujourd'hui une version européenne et une version américaine qui, outre une tracklist différente, se distinguent également par leur rendu. Les débats font rage pour savoir quelle version est la meilleure. En réalité, chacune a ses qualités et on laissera à tout le monde le choix de sa préférence. Préférant sans commune mesure Sykes à Moody, et considérant que Neil Murray était le bassiste historique du groupe qu'il n'aurait jamais dû quitter, vous en déduirez sans difficulté où va la mienne.
En revanche, trouvant l'ordre des titres de la version européenne plus pertinent, c'est celui-ci que j'utiliserai durant cette chronique. Claviers aériens avant l'arrivée du reste du groupe avec un rythme lancinant, "Gambler" ouvre l'album de la plus belle manière. Riffs de guitare et de claviers se répondent et Coverdale chante à merveille. Le titre ne possède pas de refrain fédérateur, ce qui a sans doute conduit à son abandon en concert après la tournée aux profits d'autres titres de l'album, mais est absolument envoûtant. Un des meilleurs titres de l'album et sans doute un des meilleurs titres de Whitesnake tout court. On enchaine avec la chanson-titre qui nous offre du Sleaze (que ce soit par son riff ou son sujet), alors que Guns N Roses et L.A. Guns n'ont pas encore popularisé le style.
Autre perle de l'album, « Standing In The Shadows » qui pourrait être le petit frère de « Don't Break My Heart Again ». Un titre excellent que le groupe n'a curieusement jamais traité à sa juste valeur. « Give Me More Time » est un titre un peu moins mémorable mais qui reste malgré toute de très bonne facture. Il faut dire que le niveau est élevé ! « Love Ain't No Stranger » sera le tube de l'album et il faut bien admettre que ce titre est sublime. Il commence par une plainte mélancolique avant de se transformer en hymne Hard Rock du plus bel effet.
Toujours populaire aujourd'hui pour avoir été taillé pour faire réagir le public en concert (on a droit à un passage de faux applaudissements scandés), "Slow An Easy" est le titre qui rappelle le plus le Whitesnake des débuts. Il faut dire que le titre est co-composé par Micky Moody et que sa slide est loin d'être étrangère à l'ambiance du morceau. Pourtant, il ne s'agit pas vraiment du moment le plus mémorable de l'album de par son côté un peu forcé de vouloir devenir un 'hymne live'. En revanche, « Spit It Out », est un titre totalement oublié dans le catalogue de Whitesnake alors qu'avec son riff d'acier et son refrain accrocheur ce devrait être tout l'inverse. Vous me direz, quand on a autant de bons titres que Whitesnake, il est normal que certains passent à la trape, mais quand même...
La même chose pourrait quasiment s'appliquer à « All Or Nothing". Il y a pas à dire, si elle fut brève, la collaboration Coverdale-Galley a produit des étincelles. Le titre est même l'occasion pour Jon Lord, qui se faisait bien discret, de s'offrir un petit solo. De cet fait, et aussi par son riff, c'est sans doute le titre qui rappelle le plus le Mark III de Deep Purple. L'album finit de fort belle manière avec le très classique « Hungry For Love » et le joyeux « Guilty Of Love » qui rappelle Thin Lizzy par son attaque à deux guitares. Indubitablement, Whitesnake a sorti ce qui était alors son album le plus solide. Ironie du sort, le seul titre "faible" est l'un des trois toujours joués en public. Pour terminer l'évocation de l'album, signalons la superbe pochette, probablement l'une des plus belles de l'histoire du Rock.
La tournée qui en résultera pourrait être qualifiée de 'radeau de la méduse'. Mel Galley aura un accident qui le privera de l'usage de son bras et sera renvoyé lorsque Coverdale se rendra compte qu'il profitait de son congé de maladie pour remonter Trapeze. Quant à Jon Lord, il partira plus tard pour rejoindre la reformation de Deep Purple. Vu que son rôle dans Whitesnake avait diminué au fil des années, on imagine que c'était sans regret. Et le groupe continua sa route en quatuor, Coverdale, Sykes, Murray et Powell formant une véritable machine de guerre qui laissait présager du meilleur pour la suite.
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