Whitesnake - 1987 (1987)

Après le succès de la tournée de Slide It In qui aura vu le groupe commencer à s’imposer aux Etats-Unis et de sextuor devenir un quatuor, David Coverdale décide de commencer l’écriture du prochain album avec son nouvel équipier John Sykes. Les sessions d’écritures vont avoir lieu dans le sud de la France. Tant Coverdale que Sykes sont au sommet de leurs capacités de compositeurs mais, mieux que ça, la combinaison de leurs talents va se révéler explosive. Coverdale avait déjà eu des collaborations heureuse en écriture avec Micky Moody (un peu) Bernie Marsden et Mel Galley (surtout) et il connaîtra encore de belles heures avec Adrian Vandenberg et Doug Aldrich, mais ici la symbiose est parfaite. Lorsque Neil Murray vient rejoindre le duo pour réaliser les maquettes démo, il ne peut qu’être époustouflé devant la qualité des neufs titres composés. L’un d’entre eux, à la base prévu pour Tina Turner, sera même retenu au final. Il s’agit de « Is This Love ».

Seulement, peu avant que le groupe entre en studio, Cozy Powell décide de claquer la porte, insatisfait de l’arrangement commercial prévu. Le problème est de taille car les titres ont été travaillés avec le style du batteur en tête. Coverdale pense appeler Tommy Aldridge à la rescousse, mais le batteur est à l’époque occupé sur son propre projet et décline. Le trio restant décide de faire passer des auditions dans l’espoir de trouver un jeune talent méconnu, mais malgré les centaines de candidats aucun ne satisfait. La mort dans l’âme, Coverdale se résigne à enregistrer avec une boîte à rythme, dans une démarche similaire à celle de Billy Idol, lorsque soudain on lui propose de travailler avec le vétéran Aynsley Dunbar. Celui-ci a une carrière longue comme le bras et surtout une grande diversité de genre à son actif (il a travaillé de Jeff Beck à Journey et de Frank Zappa à Jefferson Starship et a failli devenir le batteur du Jimi Hendrix Experience).

C’est cette formation qui enregistrera l’album mais les ennuis ne sont pas finis puisque des problèmes de voix du chanteur reculeront quelque temps les sessions. Tous ces contre-temps, attisés par les employés de Geffen qui mettent la pression au groupe, vont créer des tensions, particulièrement entre David Coverdale et John Sykes. Résultat, à la fin de l’album, tout le groupe a été viré. On a souvent fait de Coverdale le méchant de l’histoire, virant son groupe sans raison ou par jalousie (envers Sykes), pourtant il est probable que la situation soit plus nuancée et les torts partagés. On peut quand même supposer que le chanteur était suffisamment intelligent pour ne pas virer le groupe qui avait permis d’enregistrer (et composer) son meilleur album à la veille d’une tournée seulement pour des question d’égos.

L’album, lui, commence fort. Très fort même. Un riff gigantesque et un son de guitare énorme et inédit, résultat du travail de recherche entre John Sykes et le producteur Bob Rock. « Still Of The Night » s’inscrit d’emblée comme un des meilleurs titres de Whitesnake. Peut-être même, soyons fous, le meilleur. Bien entendu, certains diront que le titre est influencé par Led Zeppelin. Mais quel groupe de Hard Rock digne de ce nom ne l’était pas ? Nous sommes en tous cas très loin du plagiat. La performance de Coverdale, elle, est magique, tout comme le break atmosphérique du milieu de morceau. On a à peine le temps de se remettre de l’extase que le riff incendiaire de Bad Boys déboule sans crier gare. Whitesnake se fait Heavy comme ils ne l’avaient jamais été et ça leur va bien. « Give Me All Your Love » est un titre un peu plus FM avec un refrain excellent. « Looking For Love » est beaucoup plus calme, une ballade sublime et sombre qui s’énerve bien sur la fin pour le plus grand plaisir des musiciens du groupe qui s’en donnent à coeur joie. Pourtant, alors que ce titre est également un des meilleurs du groupe, il n’était pas présent sur la version américaine de l’album. Geffen avait en effet préféré que le groupe enregistre deux anciens titres pour les faire découvrir au public ricain.

Le premier de ses titres, c’est justement le suivant, « Crying In The Rain ». Le groupe avait consenti sans trop de réticences à le réenregistrer. Il faut dire que pendant la dernière tournée, le titre avait pris une nouvelle dimension sous l’impulsion de John Sykes. Le réenregistrer n’était donc pas inutile et, sans décrier la version présente sur Saints & Sinners qui reste fort agréable, il faut avouer que cette nouvelle version lui est de très loin supérieure grâce au déluge de guitares orchestré par Mr. Sykes. « Is This Love » est une ballade grand public, peut-être même un peu trop, mais c’est normal puisqu’on a vu que ce titre n’était au départ pas prévu pour le groupe. Cependant Geffen, flairant la bonne affaire, leur demanda de la garder. Bon plan, vu que le titre fut n°2 au Billboard et un succès mondial.

« Straight For The Heart » est un bon titre, mais les claviers sont trop présents et empêchent d’apprécier le morceau à sa juste valeur. C’est d’autant plus regrettable lorsqu’on entend la version demo qui met les guitares bien en avant et prouve qu’il s’agissait d’une bombe en puissance. Dommage de l’avoir atténué de la sorte. « Don’t Turn Away » est sans doute le plus faible de l’album. Enfin faible par rapport au baromètre terriblement élevé qui est l’ensemble de morceaux de l’album. En revanche « Children Of The Night » est une nouvelle tuerie dans la lignée de « Bad Boys » et ce n’est pas un hasard si les deux titres seront souvent liés en live. « Here I Go Again » est le second titre réenregistré par un Whitesnake cette fois plus réticent et un John Sykes ouvertement hostile (au point que ce sera Adrian Vandenberg qui enregistrera le solo). Cette fois, il est vrai que la comparaison va plutôt en faveur de la version de Saints & Sinners, les claviers du début étant bien trop lisses. Mais encore une fois, Geffen avait raison commercialement parlant puisque ce titre deviendra n°1 (aidé il est vrai par un clip inoubliable). Conséquence, « You’re Gonna Break My Heart Again » ne sera pas retenu de la version américaine et c’est bien dommage, ce titre étant une autre mégabombe Heavy. Heureusement, les Européens, eux, pourront bénéficier d’une version de onze titres avec ce dernier ainsi que « Looking For Love ».

Certains diront qu’avec cet album Whitesnake a perdu son charme Blues des débuts. C’est partiellement vrai. Certaines tonalités restent malgré tout grâce à la voix de Coverdale (l’exemple le plus flagrant étant « Don’t Turn Away »). Qui plus est, Whitesnake avait entamé une évolution vers un style de plus en plus grand public dès Come An’ Get It et le titre « Don’t Break My Heart Again". 1987 n’est finalement que le résultat d’une évolution qui avait commencé six ans plus tôt et avait conduit Whitesnake à favoriser de plus en plus un Hard Rock plus classique et accrocheur.

Devant se reconstruire un tout nouveau groupe, Coverdale fera une nouvelle fois appel à Adrian Vandenberg. La carrière de son groupe ayant décliné depuis, celui-ci ne laissa pas la chance passer une seconde fois. Vivian Campbell, qui s’était séparé de Dio, Tommy Aldrige, à nouveau disponible, et Rudy Sarzo complèteront ce qu’on est en droit d’appeler un line-up de rêve. Certains déclareront que Coverdale avait viré son ancien groupe pour un backing band plus « MTV Friendly ». Ce serait oublier qu’à l’époque John Sykes et Neil Murray étaient tout aussi lookés Hair Metal que leurs remplaçants. Ce serait aussi oublier que les musiciens engagés avaient déjà fait leurs preuve de fort belle manière par le passé. Ce qui est juste en revanche, c’est qu’il fut difficile pour eux de retrouver sur scène le son de l’album qu’ils étaient supposés défendre (surtout pour les guitares). Mais c’est une autre histoire. Mais ce qui est indéniable, c’est que l’album fut un succès énorme qui éleva Whitesnake parmi les groupes les plus populaires de la fin des années 80. Ce qui est indéniable aussi, c’est la qualité de l’album qui n’a toujours pas pris une ride aujourd’hui. Et on ne peut que regretter que les aléas du show-business n’aient pas permis à Coverdale et Sykes d’entamer une collaboration plus durable qui les aurait conduit à ne pas manquer au panthéon des couples mythiques du Rock.

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