Goodbye Charlie (1964)
George Axelrod a été pendant les années 50 l'un des dramaturges les plus en vue de Broadway. Complètement inconnu chez nous, probablement parce qu'il s'était spécialisé dans la comédie, son oeuvre nous est surtout connue pour les adaptations cinématographiques dont elle a fait l'objet. The Seven Year Itch (Sept ans de Réflexion) bien sûr, qu'il contribua à adapter avec Billy Wilder, et Will Success Spoil Rock Hunter ? (La Blonde Explosive) qui au contraire ne garda rien de l'intrigue originale excepté le personnage interprété par Jayne Mansfield. Ces deux titres furent des succès aussi bien à la scène qu'à l'écran. Ce ne fut hélas pas le cas de Goodbye Charlie. La pièce, qui marqua les débuts à Broadway de Lauren Bacall dans le rôle-titre, n'eut pas le succès escompté et marqua la fin du succès d'Axelrod à Broadway (heureusement pour lui, il eut encore quelques beaux jours comme scénariste). Cela n'avait pas empêché 20th Century Fox d'en acheter les droits pour en faire un véhicule pour Marilyn Monroe qui avait déjà triomphé dans une autre adaptation d'Axelrod, The Seven Year Itch. Billy Wilder, réalisateur du film précédent, était également pressenti pour le diriger. Mais Marilyn Monroe décéda peu après et quant à Billy Wilder, il refusa purement et simplement de retravailler pour la Fox suite au traitement que le studio avait fait subir au Cléopâtre de son ami Joseph Mankiewicz.
La Fox aurait pu s'arrêter là, la pièce n'avait de toute façon pas été un succès, et sans la reformation du trio d'or Wilder-Monroe-Axelrod, le film ne pouvait pas non plus capitaliser sur le succès de The Seven Year Itch. Pourtant, le projet de réalisation du film fut maintenu. Vincente Minnelli fut appelé pour le réaliser et Debbie Reynolds pour incarner le rôle-titre. Le rôle principal masculin fut judicieusement proposé à Tony Curtis, tandis qu'on intégrait également au projet l'idole des jeunes Pat Boone et le très prometteur Walter Matthau.
L'histoire est pour le moins originale: un coureur de jupon est tué par un mari jaloux mais se réincarne en magnifique jeune femme. Après avoir été dans un premier temps perturbé par cette situation, il décide d'en tirer partie, au point d'en troubler son meilleur ami, George, le seul à être au courant de la véritable identité de la jeune femme. L'échec de la pièce était d'ailleurs en grande partie dû à ce sujet assez osé qui avait mis fort mal à l'aise le public masculin, qui accepta difficilement le fait de voir un homme changé en femme et s'en accommoder aussi facilement tout comme de voir un homme être pris de désir pour un autre homme, fut-il transformé en ravissante femme.
Le film s'introduit dans une longue série de comédies légères dont le sujet principal est ouvertement le sexe, preuve de l'affaiblissement de la censure aux Etats-Unis qui n'allait pas tarder à être abolie, et dans lesquels on retrouva assez fréquemment Tony Curtis, comme dans Boeing Boeing. Cependant, bien qu'affaiblie, la censure existait encore et il est fort probable que certains gags et effets de la pièces furent atténuées ou modifiées pour permettre au film de sortir. Hélas Minnelli, s'il était un grand réalisateur, n'avait pas l'avantage d'être également un grand scénariste comme l'était Wilder qui savait jouer à merveille avec les codes pour passer la censure sans pour autant dénaturer le propos. Si Harry Kurnitz, qui fut appelé pour l'adaptation à l'écran, était un brillant scénariste, on sent qu'il a eu du mal à arranger certains problèmes (qu'ils soient dus à l'écriture de base de la pièce ou à la difficulté de la rendre acceptable pour la censure). Ainsi, la dernière partie du film est assez maladroite, et pas aussi pertinente et insolente que les deux premières parties du films qui sont plutôt réussies. Le finale également déçoit par sa manière de résoudre l'histoire d'amour qui est en train de naître entre George et Charlie tout en gardant la morale sauve.
On sent également que ce film était une commande pour Minnelli et qu'il ne s'y est sans doute pas aussi bien appliqué que pour d'autres comédies qu'il a réalisé comme Father Of The Bride ou Designing Woman. Le réalisateur avouera d'ailleurs dans ses mémoires que Lauren Bacall convenait mieux au rôle que Debbie Reynolds qu'il jugeait trop glamour. Cela dit, tout comme cela avait été le cas pour la pièce, ce sont véritablement les acteurs qui restent la meilleure raison de voir ce film. Tony Curtis prouve une fois de plus qu'il était l'un des meilleurs acteurs de comédie de sa génération. Tout comme son modèle Cary Grant, il prouve qu'il possédait un vrai sens du timing et du ridicule, et qu'il n'a pas peur de mettre en péril sa virilité à une époque où le machisme est la norme et l'homosexualité taboue. Mais la révélation vient surtout de Debbie Reynolds. De l'actrice, on retiendra à jamais celui de la jeune ingénue de Singin' In The Rain. Si sa carrière avait été honorable par la suite (elle sera même nommé à l'Oscar cette même année 1964 pour The Unsinkable Molly Brown), aucun autre rôle n'imprimera une emprunte durable dans l'histoire du cinéma. Ce rôle permet non seulement de découvrir l'image glamour pleine d'énergie de l'actrice (qui avait été la sienne dans la suite des années 50 et 60) mais aussi ses talents de comédienne. Elle est en effet tout à fait crédible en homme piégé dans le corps d'une femme et souvent très drôle. Au regard de ce film, on peut regretter qu'elle n'ait pas trouvé d'autres rôles marquant à sa mesure.
Si le film n'a pas l'âme d'un grand film, le talent de ses interprètes et de ses concepteurs ainsi que le sujet original en font malgré tout une oeuvre digne d'intérêt. Et si l'ont peut regretter une troisième partie un petit peu en dessous des deux premières très habilement menées, on ne peut qu'être tenté de découvrir la pièce originale et, pourquoi pas, rendre enfin à George Axelrod la place qui est la sienne dans le théâtre contemporain.
Commentaires
Enregistrer un commentaire